“Cendres”, se brûler les ailes

Sur le tulle, des ombres de sous-bois se métamorphosent en lettres pour devenir les mots poétiques de Pär Lagerkvist

Presque tout est de si peu d’importance. Mais quand surgit au ciel, comme un nuage incandescent, l’ineffable, tout est consumé.Tout est transformé, toi aussi tu es transformé, et ce qui il y a peu te semblait de la plus grande valeur n’est plus rien.
Tu t’éloignes parmi les cendres de tout devenant cendres toi-même.
” Pär Lagerkvist

 

Les nappes de sons électroniques font vibrer l’espace.
Des maisonnettes blanches, à peine plus grandes qu’un jeu d’enfant, suspendues en l’air, s’éclairent.
Une marionnette haute comme un une poignée de pommes s’avance, un rouquin en jean, mal rasé, jerrican rouge sous le bras.

A l’avant-scène, c’est la place de l’auteur, un petit bureau tout simple, des bouteilles vides, une pomme entamée. Ordinateur portable, feuilles en vrac. Il marmonne, boit de la bière, cherche l’inspiration, boit de la bière, grogne. Le récit de Dag le pyromane peine à naître sous ses doigts. Pourtant, Dag le pyromane, c’est son jumeau de méfaits, ils sont du même village, il a allumé son premier incendie le jour de la naissance de l’auteur, ils sont liés, l’auteur le sait, il veut enfanter de cette histoire, il veut raviver ses feux, peut-être comprendre, au moins saisir.
Cendres, un spectacle de la compagnie Plexus Polaire
Et pendant que l’auteur se ronge, Dag le pyromane prend vie. Les acteurs-manipulateurs donnent à ses courses folles des airs de danse fiévreuse. Dag le pyromane aime l’odeur de l’essence et la beauté des flammes.
Dag le pyromane s’abîme dans la contemplation des maison en feu, l’auteur s’abîme dans l’alcool. Frères d’abysses et de ténébres.
Leurs monstres sont terribles et beaux, et les dévorent. Un grand chien nébuleux se bat dans un cerveau noyé de brumes.

L’homme est poignant d’avoir le corps solide et l’âme désarmée. Les marionnettes sont si souples, ont le visage si expressif, les yeux si brillants qu’on doit se forcer à admettre que l’on n’a pas vu voir leurs traits bouger.
On sort sidéré de ce rêve ou ce cauchemar, de ce récit ou ce souvenir, on s’ébroue, on emportera avec soi des fumerolles de cet incendie.

Marie-Hélène Guérin

 

Cendres, un spectacle de la compagnie Plexus Polaire

CENDRES
Inspiré du roman “Avant que je me consume” de Gaute Heivoll
Mise en Scène : Yngvild Aspeli
Collaboration Artistique : Paola Rizza
Acteurs-marionnettistes : Viktor Lukawski, Aitor Sanz Juanes/Alice Chéné, Andreu Martinez Costa
Avignon Off 2018 : à La Manufacture à 18h05 jusqu’au 26 juillet

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