De quoi je me mêle : renouer avec le rire

Il fut un temps de ma jeunesse, où j’ai été ouvreuse, barmaid et caissière dans un théâtre privé parisien et découvrais cette communauté d’esprit de ce qu’on appellerait la comédie populaire propre aux théâtres privés parisiens. En allant voir De quoi je me mêle, dans l’idée de me détendre en couple, sans forcément écrire quelque chose à propos de, j’ai retrouvé cet esprit-là : potache et drôle, avec un texte à l’écriture bien ficelée, efficace et empreint des préoccupations de l’époque : les réseaux sociaux et autres vies numérisables.

Deux mondes se confrontent dans cette comédie, celle d’un couple, Marion et Mathieu, au tournant de leur existence, dont la partie féminine, dirigiste, hystérique et volontaire, organisera un week-end en amoureux pour décider de leur sort, à coups de « remeets », concept faisant revivre chaque temps fort de leur rencontre comme d’autres revivent leur naissance ou un accident traumatique, n’en conservant que l’écume de l’instant, dérisoire et stupide et à coups de plans sur la comète et de petits dossiers comme d’autres font des todolists, accompagnée de son prétendant, Mathieu, personnage indolent et bien trop dégagé pour prendre une quelconque décision et imposer son point de vue. Mais ce petit monde poli à l’image d’internet, des cliques et de Wikipédia va devoir partager son territoire avec un écrivain dépressif, qui veut en finir en raison de son insuccès sentimental et son insuccès d’auteur, tout relatif puisqu’il publie et est même lu par ce couple qu’on imagine à mille lieux des préoccupations de l’écrivain maudit et solitaire, lui poli à l’image des livres. La rencontre fera des étincelles et on assistera à de burlesques et pathétiques échanges par lesquels les égoïsmes et les petitesses d’esprit ne manqueront de se révéler. Et même si les caractères sont construits à coups de gros traits, les personnages existent réellement et l’on peut bien souvent s’identifier à leurs affres et à leurs problématiques.
 

Le jeu de rôle sera la ponctuation qui mènera les dialogues entre les personnages, ils jouent à revivre des situations et s’imitent avec brio, cherchant l’empathie qui pourrait parfois tourner au règlement de compte. On assistera notamment à une scène entre le couple, où Mathieu imitera sa dulcinée avec tellement de talent que ce soit dans les mots portés par sa bouche ou à travers la manière dont le comédien, Joseph Gallet, nous le restitue, que si l’on avait des réticences, elles sont alors toutes levées par la maestria du jeu et la pertinence du texte à ce moment-là.
Oui, l’on rit de bon cœur en allant voir De quoi je me mêle et par les temps qui courent, ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir rigoler un peu. Alors, merci à toute l’équipe de De quoi je me mêle pour cette bonne soirée au Théâtre d’Edgar.

Isabelle Buisson

 

 

DE QUOI JE ME MÊLE
De Joseph Gallet et Pascal Rocher
Avec Joseph Gallet ou Jeff Dias, Pascal Rocher ou Christophe Corsand, Nathalie Tassera ou Carinne Ribert
Mise en scène : Catherine Marchal
Au Théâtre d’Edgar actuellement, à 19h ou 21 h, jusqu’au 2 janvier 2022

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