Le Chien : une petite merveille d’émotion

C’est l’histoire d’un vieil homme qui s’est suicidé 5 jours après la mort brutale de son chien. 5 jours pour écrire une longue lettre à sa fille et lui dire enfin l’indicible. C’est l’histoire d’un jeune adolescent traversé par le pire, porté par le souvenir brûlant des siens, s’obligeant à survivre pour ne pas les faire mourir une seconde fois. Résister 2 fois à l’horreur, tenir bon face à la cruauté de ses bourreaux, ne pas devenir bourreau à son tour en se laissant dévorer par la vengeance… Mais quel peut être le secret de ces survivants, qui ont résisté à tout, qui ne sont plus retenus par rien, capables pourtant de garder foi en l’humain après la traversée d’un abysse d’inhumanité ? Une rencontre, une ressource, un peu de vie, enfin. Grâce à l’amour pur et sans condition… d’un chien. Une leçon d’humanité donnée par un animal ?

Le Chien, Eric-Emmanuel Schmitt, Marie-Françoise et Jean-Claude Broche, Théâtre Rive Gauche, Mathieur Barbier, Patrice Dehent, critique Pianopanier

“Si les hommes ont la naïveté de croire en Dieu, les chiens ont (bien) la naïveté de croire en l’homme.”

Cette pièce est portée par deux acteurs d’une sensibilité à fleur de peau, semblant vivre chaque instant sur scène avec la même intensité que s’il s’agissait d’une première ou d’une dernière. En y prêtant attention, on croit percevoir l’ombre des blessures de ces hommes qui ont vécu, qui savent si bien transmettre les émotions, pudiquement, profondément. Ils nous font entrevoir “cet éclat d’humanité” qui révèle quelque chose d’eux… et de nous. Comme en songe, tu devines, là sur scène, des fragments de ta vie, éclatés dans une partition virile toute en fragilité, enveloppée par les notes de piano qui s’échappent délicatement de leur écrin pour mieux venir à ta rencontre. Un moment de théâtre pur, authentique, sans artifices, avec des mots, des voix, des gestes retenus. Une mise en scène élégante et discrète, qui donne humblement tout son relief au texte d’Eric-Emmanuel Schmitt, l’un de ses plus personnels, travaillé pendant des années. Ce texte qui n’était pas destiné au théâtre, a peut-être trouvé ici une autre part de son destin, un début d’immortalité. “C’est moi, Samuel Heymann !” – ce cri de l’enfant revenant sur les lieux de l’horreur a rejoint pour toujours les fantômes du théâtre. Il a déchiré l’espace, fait saigner les cœurs et jaillir les larmes; des larmes qui ont su se retenir et ne pas glisser plus bas pour ne pas déranger… suspendues à la suite d’une histoire qui les a fait naitre. La subtilité du jeu donne envie d’y retourner pour concentrer un peu plus son attention sur celui qui ne “parle” pas. Sûr qu’on y ressentirait alors une autre intensité des regards, on y entendrait différemment l’histoire de leurs rides et la patine de leurs voix mûres et pénétrantes, que l’on devine façonnée par l’alcool et la cigarette. Forcément à la fin, tu te lèves, les yeux embués, les joues humides, pour remercier. C’est beau, c’est touchant, c’est profond… Ça ne s’oublie pas.

LE CHIEN

Espace Roseau Avignon, du 6 au 29 juillet 2018 20h10

Une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène : Marie-Françoise et Jean-Claude Broche
Avec : Mathieu Barbier et Patrice Dehent

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