Letter to a man, quand un monstre sacré interprète un autre monstre sacré

“I like lunatics. I like lunatics because I know how to talk to them.”
“J’aime les fous. J’aime les fous parce que je sais leur parler.”

Des extraits du journal de Nijinsky nous parviennent en voix-off et par bribes, en anglais, en français et en russe. Le danseur hors pair du début du siècle dernier l’avait écrit en six semaines avant de se faire interner en asile psychiatrique. C’est seul en scène que Mikhail Baryshnikov interprète cette grande personnalité. Non pas en tant que personne, mais comme un personnage, comme une idée de la danse, de la folie, de la vie artistique, de l’artiste. À la fois acteur et danseur, Baryshnikov fait le lien entre les extraits de ce journal et la mise en scène acidulée, implacable et radicale de Robert Wilson.

Tout est calibré, rythmé, millimétré. La cadence de la musique et les jeux de lumières sont nets et les mouvements précis. On est ébloui par les sons, les images, les émotions qui s’en dégagent. On ne cherchera pas de naturalisme. Le visage peint en blanc de Mikhail Baryshnikov nous plonge à la fois dans l’univers clownesque et dans celui du cinéma muet. Toutes ses expressions en sont agrandies.

Letter To A Man, un spectacle de Robert Wilson avec Mikhail Baryshnikov inspiré de Diary of Vaslav Nijinski, critique Pianopanier au théâtre de la Ville© Lucy Jansch 

Malgré une certaine froideur dans cette mise en scène si incroyable et calculée, on est ému et impressionné de voir à quelques mètres de soi ce grand grand grand monsieur de la danse. On voit celui qui fait onze pirouettes dans le film “Soleil de nuit”, et dont l’histoire est finalement proche de celle du danseur qu’il interprète : quitter l’Union Soviétique pour danser aux Etats-Unis. Cet artiste respire la liberté et la grandeur de cœur dans ce qu’il accomplit sur scène. On assiste à une véritable leçon de plateau : tous ses gestes sont majestueux, incarnés, passionnés.

C’est puissant, c’est magique.
Le spectacle affiche complet jusqu’au 21 janvier à l’espace Pierre Cardin, mais avec un peu de patience, il est possible d’obtenir des places de dernière minute : cela vaut largement le coup, croyez-moi !

LETTER TO A MAN
Á l’affiche du Théâtre de la Ville  – du 15 décembre 2016 au 21 janvier 2017 (20h30 du mardi au samedi)
Mise en scène, décors & conception lumières : Robert Wilson
Avec : Mikhail Baryshnikov

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