L’Opéra panique “démantibulé”

Une salle pleine un vendredi soir, un théâtre de quartier au plateau noir et aux projecteurs aux gélatines multicolores. Quatre comédiens au style british. Une pièce aux répliques minimalistes, construite avec des ruptures, des répétitions et des contradictions, du théâtre de l’absurde en somme, grinçant comme une corde de pendu, qui nous montre le totalitarisme en action, avec cruauté, à travers de petites scènes à thèmes, à caractères, qui nous trimbalent de l’armée à la philosophie jusqu’à l’aristocratie, en passant par l’amitié. Quinze histoires, quinze thèmes. Le tout rythmé par des onomatopées musicales faites d’une chorale de basse-cour avec le caquetage des poules et le grognement des cochons (très réussi), du piano pour débuter, du ukulélé pour final, du chant lyrique et même du rap en cours de route.

L'Opéra panique, Alejandro Jodorowsky, Ida Vincent, Compagnie L'Ours à Plumes, Pianopanier, Théâter Darius Milhaud@Sarah Coulaud

Le son comme un fil conducteur de la pièce qui porte bien son nom d’ « opéra », même si, dès le début, Madame Loyal (Ida Vincent) nous dit qu’on soit rassuré, il ne s’agit pas d’un opéra. Et « panique », oui, car on s’excite, on vocifère, on s’égosille, on pète des câbles sur scène. La bouche surtout a son rôle à jouer dans cette comédie, où la mise en scène des expressions du visage va jusqu’à nous présenter, une sorte d’entracte en forme de collation, sur le plateau, amenant les larmes aux yeux de la comédienne Aline Barré, qui gobe un Flamby sous les mines effarées et hilares des spectateurs. Va-t-elle vomir ? Non, elle ne vomira pas.
Pourtant, à la fin de « L’Opéra panique », une légère nausée s’est emparée de nous, avec tout cet absurde qui ne mène nulle part, sauf à l’illusion d’une vie qui serait belle. Ce serait le message d’Alejandro Jodorowsky et qui mène aussi à l’accumulation des corps découpés, déchirés, cassés, poignardés, fusillés, déhanchés, saccadés, démantibulés. Oui, dans cette pièce, le corps, le texte et la mise en scène sont démantibulés jusqu’à nous faire rire d’horreur. Les comédiens (Aline Barré, Tullio Cipriano, Cécile Feuillet, Johann Proust et Ida Vincent), égaux et performants, portent leurs personnages avec justesse et déraison et également dans l’univers du mime, presque comme au cirque.

L’OPERA PANIQUE – Compagnie L’Ours à Plumes
Une pièce d’Alejandro Jodorowsky
Mise en scène : Ida Vincent
Avec : Aline Barré, Tullio Cipriano, Cécile Feuillet, Johann Proust, Ida Vincent
Jusqu’au 14 avril au Théâtre Darius Milhaud – les vendredis à 21h

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