Maelström, un grand cri muet

Une jeune femme brune semble attendre, dans un abribus. Elle est menue, athlétique, elle a la voix sourde. Directement au creux de nos oreilles.
Les spectateurs sont munis de casques audio. Vera, l’ado qui soliloque au coin d’une rue aveugle à sa présence, est sourde. Si elle n’a pas ses implants cochléaires en marche, y’a rien qui passe. Écoutilles fermées, elle dedans les autres dehors. Quand elle parle, ça sort mal, de guingois. Nous, c’est sa voix intérieure qu’on entend, flot continu, directement de l’intérieur d’elle à l’intérieur de nous.

C’est le monologue d’une ado emplie de chagrin, de rancoeur; emphatique, grandiloquente, absolue comme on peut l’être à 15 ans, quand une peine de coeur peut sembler terrible comme un avion qui percute une tour; en colère contre un siècle dont l’école lui apprend qu’il a vu naître en 1933 des lois qui ont décidé que les gens “comme elle” n’avaient pas le droit de procréer; furieuse, rêveuse, vorace de vie comme on peut l’être à 15 ans.
Maelström - une pièce de Fabrice Melquiot - avec Marion Lambert - photo Thomas Guené Photo © Thomas Guené

3 bonnes raisons de se laisser emporter par ce Maelström (ou 4) :

1 – Pour la rencontre avec une comédienne, Marion Lambert, bouillonnante, feu follet, dirigée avec finesse. Une expressivité très vive, très mobile, parfaitement maîtrisée, sans l’ombre d’une approximation. Un engagement sans faille du corps, du timbre, du regard et du moindre souffle.

2 – Pour l’intelligence et la richesse du dispositif. La scénographie est très actuelle, des “boîtes” vitrées, coulissant sur des rails – avec la modernité d’assumer la manipulation à vue. Boîtes de verre : boîtes de Pétri, prisons, vitrines… mais aussi lieux ouverts, d’où l’on voit l’extérieur, d’où l’on peut sortir. Le travail sur la matière sonore est d’une grande cohérence par rapport au propos. La voix de la comédienne se niche droit dans les oreilles du public, se fiche droit dans son cœur. Les bruits de la ville circulent, se gonflent, refluent, créent un véritable espace sonore.

3 – Pour le texte, elliptique, en spirale, qui suit les rebonds et vagabondages de la pensée intime de Vera.

4 – Pour un sourire qui disparaît aussi vite qu’il été apparu, lumineux et immense comme un soleil, fugace et obstiné comme un battement d’aile de papillon dans une tempête.

Marie-Hélène Guérin

 

MAELSTRÖM
De Fabrice Melquiot
Mise en scène : Pascale Daniel-Lacombe
Avec Marion Lambert (en alternance avec Anne-Clotilde Rampon)

Guettez les dates de tournée, d’octobre 2018 à avril 2019 : vous les retrouverez sur le site de la compagnie : https://theatredurivage.com/creations/maelstrom

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