Ô-DIEUX : deux erreurs ne font pas une vérité

Le drame du Proche-Orient et du conflit israëlo-palestinien fait partie de notre quotidien, il nous soulève le cœur régulièrement et pourtant nous l’oublions, parmi les restes du monde. La novlangue des communicants du conflit nous endort, et nous empêche d’y voir l’essentiel : les drames de ces hommes et de ces femmes qui se ressemblent tant. Pendant ce temps, la politique sécuritaire hystérise, la loi du talion insuffle son venin, la vengeance est célébrée par les enfants désespérés de générations perdues. Mais “deux erreurs ne font pas une vérité”, et à ce jeu-là, personne ne gagnera jamais.

Le metteur en scène Kheireddine Lardjam prend soin de nous préciser, au début de la représentation, que la pièce a été jouée hors les murs : dans des écoles, les centres de quartiers, dans des prisons … là où le texte ”obus” de Stefano Massini est susceptible de prendre toute sa dimension, singulière et universelle. C’est important pour lui de nous le dire, c’est important pour le théâtre qui, chaque fois qu’il va à la rencontre des citoyens, se désacralise, souffle la poussière sur ses habits d’avant, devient utile.

Marie Cécile Ouakil, seule en scène, est belle, et décoche ses flèches comme une amazone à trois visages, au grand galop…

Marie-Cécile Ouakil, seule en scène, est belle. Elle fait vibrer le plateau du théâtre Gilgamesh Belleville avec une énergie virile (dont seules les femmes sont capables) et féline, elle décoche ses flèches comme une amazone à trois visages, au grand galop. Elle sera Eden Golan professeure d’histoire juive, Shirin Akhras, jeune étudiante palestinienne qui s’enrôle dans les brigades Al Khasam et Mina Wilkinson, militaire américaine en mission en Israël. Leurs trois histoires se mêlent pour n’en faire qu’une, celle d’une tragédie explosive qui se reproduit à l’infini. On quitte le feu de la salle avec le regret que la professeure juive ait pris ce ton précieux, presque arrogant, pour se raconter. Un ton qui sonne comme un parti pris, alors que le texte fort et intelligent invite sans aucun doute le spectateur à la réflexion, sans lui dire quoi penser. La mise en scène reste une création moderne et puissante, qui nous dessine ce trait noir sous les yeux, nous invitant à regarder en face notre propre façon de voir l’identité, notre identité, nos identités. “L’identité ne signifie pas ce que nous sommes mais ce que eux ne sont pas” … tout est dit. On ne sait plus à la fin qui de la juive, de la palestinienne ou de l’américaine aura prononcé ces mots … et pour cause. Merci pour ces interrogations vitales, qui résonnent bien singulièrement dans le contexte politique fou que nous traversons.

Ô-DIEUX
À l’affiche du 11 GILGAMESH AVIGNONdu 7 au 28 juillet 2017 – 13h40
Un texte de : Stefano Massini
Mise en scène : Kheireddine Lardjam
Avec : Marie-Cécile Ouakil

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