Qui arrosera les plantes quand je ne serai plus là ? : et si vous choisissiez vos funérailles ?
L’idée originale et inattendue d’établir un panégyrique des manières de se camper au plus près de la mort et ensuite, d’inventorier tous les moyens de se débarrasser du corps, après la mort évidemment, est ce que nous propose Anne de Peufeilhoux alias Odette Lafleur pendant 1h10, à l’occasion d’une conférence qu’elle donne dans le cadre de l’ADMAIM, cousine imaginaire de l’AFIF (Association Française d’Information Funéraire, soutien du spectacle) ou de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).
Ce qu’il faut dire tout de suite, c’est que ce qui nous est donné à entendre est d’une érudition tout à fait intéressante qui concerne tout le monde, puisque tout le monde est mortel… même si certains voudraient pouvoir y couper par des méthodes de cryogénisation et autres téléchargements de leur cerveau.
Le catalogue des métiers et des loisirs pour se rapprocher au plus près de la mort a la causticité, la pertinence et la finesse d’esprit que lui infuse Anne de Peufeilhoux et on sent que tout cela est pensé, réfléchi, pesé, analysé avec une rigueur scientifique doublée d’un jugement partial.
L’inventaire pour se débarrasser du corps donc nous révèle quelques perles comme la possibilité de faire transformer ses cendres de défunt en diamant – je suis tout esbaudie à cette idée – ou de finir en compost pour le jardin de ses enfants – là, j’adhère moins-. Ici, on n’en restera pas à l’inhumation ou la crémation mais d’autres champs de culture funèbre s’ouvriront soudain à vous et vous amèneront à vous projeter dans cet avenir inéluctable et à considérer, avec humour et hauteur, vos possibilités pour le transport vers l’au-delà.
Ici, aucune considération mystique, si ce ne sont celles d’artistes cités, mais des points de vue pragmatiques auxquels vous ne pourrez pas échapper.
En plus de tout ça, ajoutons qu’Anne de Peufeilhoux a un physique et une voix qui ne laissent pas indifférents : grande, très grande, avec des carreaux en guise de lunettes, tout de blanc-gris vêtue des bottines au perfecto comme un ange ou une infirmière ou un savant fou prêt à vous disséquer l’âme, sa présence sur scène est indéniable et sa plastique se prête aux plus belles contorsions sur le plateau.
On pourra toutefois regretter que le texte n’est pas atteint son aboutissement à l’aune d’une transformation qui lui aurait fait quitter le champ du catalogue pour l’amener du côté d’un personnage un peu plus à la marge. Il y a, dans ce texte, tous les ferments pour qu’un délire s’installe et nous emporte et on reste malheureusement au seuil de cet emportement. En outre, le parti pris de la conférence est, là aussi, un peu faible, avec parfois des moyens qui manquent de modernité comme la présentation de documents présentés sur des feuilles déployées ou des cahiers ouverts, qu’on aurait bien vus sur grand écran en Powerpoint. Cependant, cette désuétude apporte également son charme. Mais c’est surtout l’absence d’un interlocuteur imaginaire qui achoppe dans ce texte. Il y a bien la copine Jeannine qui, de bout en bout, symbolise le fil conducteur de cette interlocutrice attendue qui n’arrive jamais, mais une vraie réécriture, où Odette Lafleur ne s’adresserait plus à un public, nous les spectateurs venus assister à cette conférence, mais à une personne en particulier dont on pourrait imaginer les répliques, qui ne seraient pas dites, à travers les réponses, la logorrhée d’Odette Lafleur. Mais, bien sûr, il s’agirait-là d’un autre spectacle !
Isabelle Buisson
Qui arrosera les plantes quand je ne serai plus là ?
De et avec Anne de Peufeilhoux
Mise en scène Céline Bothorel
Jusqu’au 14 décembre à la Comédie Nation
Le 3 décembre à Alliance 47 à Agen
Le 1er avril à Gérontocare à Nimes
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