Les Petits Pouvoirs : attention à l’acier !

Au théâtre, il peut se passer plein de choses, mais moi, j’aime qu’on me raconte une histoire et avec Les Petits Pouvoirs, j’ai été servie.
Vous résumer l’histoire serait gâcher le plaisir du suspens. Sachez toutefois qu’il y a des histoires de couples et de travail, avec un tiers en plus, témoin ou bras vengeur, au sein du couple.

Il faut quand même vous situer le milieu : les rapports de travail dans le milieu de l’architecture contemporaine. Entendez par rapports de travail, les rapports de domination et de désir conscients et inconscients qui régissent la vie des personnages et leurs rencontres. Rien d’appuyer, des répliques subtiles, des personnages d’aujourd’hui, où le harcèlement et la folie éclatent à force de subtilité et de domination masculine ou peut-être bien de domination tout court.
 


 
Tout se passe souvent à l’agence, là où est presque toujours Benoit, Rodolphe Poulain, et où vient de temps en temps Diane, Julie Pilod. Ils sont associés dans leur petite agence parisienne et n’ont pas été que ça et ça marche plutôt bien pour eux, même si plancher sur des immeubles et des supermarchés, de l’alimentaire en somme, n’est pas ce qui les fait rêver. Non, ce qui les fait rêver et fantasmer, c’est le Japon, sa culture, sa gastronomie et le grand maître Toshi, Gen Shimaoka, grand architecte qu’ils vénèrent comme ils le craignent, qui les tient depuis longtemps, depuis le début de leur vie d’architectes, avec le projet utopique de réhabiliter une ile japonaise, Imashima, de laquelle les habitants sont partis vivre à Osaka pas tout à fait de leur plein gré.
 


 
On assiste à une sorte d’enquête et de reconstitution de leur relation et de la relation qu’ils entretiennent avec le grand maître, avec des scènes-clefs en analepses, avec un fonds sur le milieu de l’architecture contemporaine, éclairées dans la linéarité du récit par Laïa, Clara Lama Schmit, leur salariée en CDD, qui rêve du CDI et qui, elle aussi, sera prise de folie des grandeurs et deviendra peu à peu le pantin ambitieux de Diane et de Benoit. De son côté, elle vit avec Etienne, Sidney Ali Mehelleb, qui chaque soir, lui prépare à dîner du poisson cru et manie les lames d’acier jusqu’à se couper. Le poisson cru comme le sang comme les couteaux et comme l’eau, seront les fils conducteurs de la mise en scène, presque cinématographique, aux espaces aussi superposés que les espaces du texte, qui nous donne pourtant à voir un récit tout à fait clair et très bien ficelé.
Strates du temps, strates d’espace, porosité de la conscience et de l’inconscient, on assistera à des scènes étranges, fantomatiques, intimes, presque burlesques à certains moments, où la réalité semble se déplacer pour nous emmener ailleurs, dans cette île imaginaire tant fantasmée par les protagonistes. Une bande son, créée par Samuel Favart-Mikcha, comme au cinéma, participe activement à plonger le spectateur dans un univers particulier.
 


 
Le texte porté par les comédiens est précis, avec un travail sur la perversion banale des personnages et met en exergue, avec justesse et sans en avoir l’air, un pan très actuel des relations de pouvoir qui peuvent se développer dans les petites structures.
Une très belle découverte et pour finir, n’oubliez pas de dîner japonais !

Isabelle Buisson

 

Les Petits Pouvoirs
Texte et mise en scène Charlotte Lagrange
Le texte est édité aux Ed. Tapuscrit | Théâtre Ouvert
Au Théâtre Ouvert, du 8 au 19 mars, du lundi au mercredi à 19h30 et du jeudi au samedi à 20h30, relâche le dimanche
Avec Clara Lama Schmit, Sidney Ali Mehelleb, Julie Pilod, Rodolphe Poulain et Gen Shimaoka
Photos du spectacle © Simon Gosselin

À retrouver ensuite en tournée (dates : ici)

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