Trio (for the beauty of it)

D’emblée, une idée gaie et vivante : deux par deux, l’un au micro l’autre au centre du plateau, les danseurs se traduisent réciproquement, de gestes en mots et vice-versa. C’est aussi poétique que ludique, et on se retrouve embarqués dans ce voyage transcontinental et transdisciplinaire par la porte de l’humour.

Monika Gintersdorfer, metteuse en scène berlinoise, a réuni pour Trio (for the beauty of it) trois virtuoses, figures incontestées des communautés dont ils sont issus.
Alexander Mugler, port de reine, barbiche et chignon, visage presque enfantin, aussi ondulant que tonique, est né à New York. Alex chorégraphie, interprète et danse le voguing, style apparu au début des années 1960-70 dans les ballroom dancings new-yorkais, au sein de la communauté queer latino et afro-américaine.
Carlos Gabriel Martinez, plus massif, barbe grisonnante, métisse sa danse saccadée de déhanchés de danseuse orientale. Né au Mexique, il étudie et pratique le sonidero, l’high energy ou le reggaeton, danses urbaines nées du brassage entre les cultures américaines, latino, européennes et africaines.
Ordinateur, svelte jeune homme à la gestuelle stroboscopique et à l’énergie solaire, est né en Côte d’Ivoire. Dansant depuis que ses pieds bougent, il donne sa vélocité au coupé-décalé – style né dans la communauté ivoirienne de France, d’où il a pris son élan pour se répandre à partir de la Côte d’Ivoire dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Les trois artistes vont chacun nous délivrer un portrait de la danse qui les anime, ce qu’elle leur fait, ce qu’elle fait à leurs frères et sœurs de transe – à leur manière, dansée-parlée (en français, américain, espagnol).

D’un continent à l’autre, ce sont autant de danses de rues, danses de communautés minoritaires ou dominées, de danses de fêtes, qui sont exutoires autant qu’espaces de fraternité, de résistances et d’affirmation de soi comme individu et comme membre d’un corps social.

Les solos sont vifs et réjouissants, les danseurs ont tous trois le même bel engagement physique, une énergie contagieuse, une précision et une puissance irrésistibles. Mais il est plus réjouissant encore de les voir se rejoindre, s’approprier le langage de l’autre, lui donner sa propre souplesse et son propre rythme, de les voir dans les mouvements de groupe se retrouver autant que se distinguer, de sentir leurs disciplines se frotter les unes aux autres et échanger quelques atomes au passage.

Les costumes, de Bobwear et Arturo Lugo, très graphiques, emmènent vers un côté BD qui peut-être décale un peu le propos, lui font perdre de son immédiateté. Mais ils ont de l’humour et de l’allure et rassemblent les trois artistes dans un même univers visuel.
La musique est créée ou mixée en live par Timor Litzenberger, et les danseurs eux-mêmes, s’emparant parfois du micro pour accompagner leurs partenaires de slams, raps, beatboxs percutants.

Il aura peut-être manqué d’un peu de fièvre, d’une écoute plus investie des spectateurs, et sans doute de plus de rigueur dans la composition du spectacle – les morceaux du puzzle semblant parfois jetés un peu aléatoirement…, pour qu’on puisse goûter pleinement l’intensité de ces danses et de ces danseurs.
Mais, métissant accents, langues, silhouettes, âges, virilité et féminité, Trio (for the beauty of it) est un enthousiasmant manifeste contre l’uniformité et les frontières ! On aime l’humour et l’allant de cette troupe, et on les quitte avec en partage le cadeau d’une joie et une exultation de la danse qui font du bien.

Marie-Hélène Guérin

 

Trio (for the beauty of it)
Vu au Monfort Théâtre
de La Fleur, Monika Gintersdorfer, Carlos Martinez, Alex Mugler, Ordinateur
avec Carlos Martinez, Alex Mugler, Ordinateur, Timor Litzenberger
musique Timor Litzenberger
costumes Bobwear, Arturo Lugo
photos DR
À rertouver le 4 octobre à l’Espace 1789 à St Ouen à 20h

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