Revue de presse du 16 novembre : Disgrâce, Les Cahiers de Nijinski, La Cuisine d’Elvis et L’éveil du chameau
1. Au Théâtre de la Colline, Jean-Pierre Baro met en scène Disgrâce de J.M. Coetzee, un drame brûlant sur fond d’Afrique du Sud :
– “Jean-Pierre Baro adapte avec efficacité, conviction, mais aussi quelques maladresses, le formidable roman du prix Nobel sud-africain J.M. Coetzee. Un spectacle donné pour un mois dans la petite salle du théâtre de la Colline (…) Les comédiens, dotés d’une forte présence, ne jouent pas toujours juste -évitant de peu le mélo. On passe ainsi à côté de l’aventure passionnée entre Lurie et Mélanie. En revanche, la scène finale de la disgrâce -et du « pardon »- où Lurie vient s’expliquer avec Mr Isaacs, la père de l’étudiante séduite (Jacques Allaire), fait mouche.Le public de la Colline semble en tout cas conquis et fait un bel accueil à ce gros travail collectif. Ne serait ce que pour (re) découvrir le texte du prix Nobel sud-africain incarné sur scène avec envie, il faut aller voir cette Disgrâce.” – Les Echos
– “Porté par une belle distribution, ce Disgrâce n’avait pas forcément besoin de cet artifice ni de touches oniriques pour être à la hauteur du roman et dire le déclin de l’Occident. Sensible à chaque mot de David Lurie, ce constat traverse en effet le spectacle. Lequel, malgré ses défauts, résonne fortement dans une France où le rejet de l’Autre nourrit les campagnes électorales.” – TimeOut
– “Ecrit en 1999, le roman n’a rien perdu de sa portée âpre et dérangeante. Ses tensions et ambiguïtés sont restituées avec justesse et nuances, de façon intelligible et sensible, par Cécile Croustillac, Pierre Baux et le reste de la distribution. Quelques surlignages seraient bien dispensables mais le propos non univoque reste fortement interrogateur.” – SceneWeb
– “Jean-Pierre Baro n’a pas su transcrire la substance du roman ; peut-être parce que trop bouleversé par cette lecture, il n’a pas réussi à s’en emparer vraiment ; il en a fait un spectacle d’un style très ordinaire, simplificateur, truffé d’effets inappropriés et inopérants (…) Il ne reste qu’à (re)lire le roman pour en retrouver toute la singularité parfois dérangeante.” – WebTheatre
– “Baro a fait de Disgrâce une pièce complexe qui porte en elle toute l’histoire en fusion d’un pays à peine né à lui-même. On pense parfois à l’irrémédiable enchaînement des faits bruts de “Vu du pont” d’Arthur Miller qui vont conduire à la catastrophe. On a surtout devant soi un vrai travail théâtral dont on garde longtemps l’écho, celui des œuvres nécessaires, qui font sens tout en touchant profondément.” – Froggy’s Delight
– “La force acérée du trait chez Coetzee tient à sa complexité profonde, qu’un trio d’acteurs traduit avec brio. Le face-à-face de Lucy, la fille (Cécile Coustillac), et de David, le père (Pierre Baux), est d’une tension remarquable : elle s’accrochant à la terre, prête à y expier des siècles de culpabilité coloniale ; lui discourant toujours, s’en remettant à l’Etat si loin du bush. Le dialogue de Lucy avec Petrus, son assistant noir copropriétaire de la terre, interprété par Fargass Assandé, y est d’une ambiguïté puissante. Avec autant d’atouts, il n’était pas utile d’encombrer le spectacle de postures dansées, qui font souvent figure d’emplâtres…” – Télérama
– “Coetzee nous pose des questions tellement extrêmes, qu’il crée en nous un choc de la pensée.” – Jean-Pierre Baro pour La Terrasse
© François Rousseau
2. Reprise des Cahiers de Nijinski au Théâtre National de Chaillot, spectacle pour un comédien et un danseur mis en scène par Brigitte Lefebvre et Daniel San Pedro :
– “Dans une scénographie toute blanche, incurvée comme une immense vague, le couple masculin évolue en constant déséquilibre, sur la crête des mots et des sentiments. Pas de danse ni de musique, juste celle des corps statiques ou en mouvement, l’un en blanc, l’autre en gris. La sobriété est celle d’un diamant brut. Clément Hervieu-Léger, de la Comédie-Française, corps gracile et délicatesse infinie, nous distille une vérité d’une intimité bouleversante et juste, dans un enthousiasme lumineux et sacrément vivant. Une réussite totale que ce spectacle d’une absolue vérité.” – ArtistikRezo
– “La palette de jeu de Clément Hervieu-Léger est magnifique. Il passe de la colère à la réflexion, du calme à la nervosité, sans vaciller. Il est très différent de Redjep Mitrovitsa qui a incarné le rôle en 1993 au Festival d’Avignon, sans trop en faire, avec la retenue qu’il convient.” – SceneWeb
– “Le danseur Jean-Christophe Guerri, ancien danseur du Ballet de l’Opéra de Paris, et le comédien Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la Comédie-Française, sont les interprètes des Cahiers Nijinski, tant par leurs corps que par leurs voix. Ils évoluent sur un plateau pentu et volontairement inconfortable, témoignage de la difficulté de vivre et de la fragilité de Nijinski, conscient au moment de la rédaction de son journal d’être à la frontière alors entre deux mondes. Cette double incarnation permet au spectateur de mieux saisir les facettes du danseur à ce moment de sa vie entre, poésie et folie, entre conscience et inconscience.” – WebTheatre
– “Sur la scène au sol très penché et inconfortable, Clément Hervieu-Léger de la Comédie-Française, à l’origine du projet, et Jean-Christophe Guerri, ancien danseur de l’Opéra de Paris, « évoquent l’univers mental » du danseur. Le premier porte sa voix, mais ne l’incarne pas. Le second, presque totalement silencieux, se meut, danse à peine. Il résonne par sa présence, porte le comédien, l’assiste comme un petit enfant, l’accueille ou lui résiste, toujours en retenue. Loin d’une représentation grossière de la schizophrénie et de l’émotion à gros flots, ces artistes se font les passeurs d’une fougue mêlée de fragilité.” – La Croix
– “Le jeu des corps et des regards, l’extrême présence des deux interprètes, le minimalisme percutant de la scénographie nous aspirent totalement dans les pensées de Nijinski, et l’on ressort de ce spectacle vacillant, ébranlé, comme après un tour de montagne russe. Accrochez vos ceintures, préparez-vous pour le décollage ! ” – Les5pièces
– “Nijinski oscillait vraisemblablement entre deux contraires : une énergie très puissante qui s’imposait à lui et une énergie très brûlante qu’il avait en lui.” – Brigitte Lefebvre pour La Terrasse
3. Au Théâtre du Rond-Point, Pierre Maillet met en scène La Cuisine d’Elvis, une comédie dramatique de Lee Hall :
– “Entre le naturalisme glauque, le réalisme social et la kitscherie watersienne qui semblent constituer le triangle dramaturgie adéquat, Pierre Maillet, comédien et metteur en scène co-fondateur du collectif d’acteurs le Théâtre des Lucioles, a choisi… une quatrième voie aussi judicieuse qu’efficace. Et quasiment une quatrième dimension en optant pour le registre de la tragi-comédie paradoxale qui sied à la partition qui s’apparente à un conte pour adultes traitant de la pathétique condition humaine avec happy end à la clé que l’auteur lui-même d’épilogue insupportablement facile.” – Froggy’sDelight
– “Cécile Bournay, excellente dans le rôle de Jill avec ses cheveux mauves mal coiffés et son air renfrogné, est manifestement plus âgée que son personnage, et ce décalage donne d’autant plus de caractère à cette ado torturée, au point d’en devenir un élément comique. Avec cette Cuisine d’Elvis, Pierre Maillet mélange tragique et comique dans la même gamelle, pour nous servir un drame tout à fait délicieux. ” – Les5pièces
– “Souvenirs d’un temps ancien ou métaphore d’un monde où le King montre sa face sombre ? Autant dire une famille détruite, foutraque, que Pierre Mailet met en scène avec une grande précision et une infinie humanité.” – Télérama
– “L’une des grandes qualités du travail de Pierre Maillet est de prendre au sérieux chaque espace du texte, aussi loufoque soit-il, pour en rendre compte avec minutie, et ainsi se tenir à distance des facilités de la parodie. Il fallait des comédiens de tout premier ordre pour donner chair à la vérité de ces destins brouillés, ces destins à la dérive. Tous les quatre se révèlent exemplaires. Moins connue que ses partenaires, Cécile Bournay est une révélation.ijinsky oscillait vraisemblablement entre deux contraires : une énergie très puissante qui s’imposait à lui et une énergie très brûlante qu’il avait en lui.” – La Terrasse
4. L’éveil du chameau au Théâtre de l’Atelier, une comédie sentimentale avec Barbara Schulz et Pascal Elbé :
– “Barbara Schulz nous conduit, par l’énergie et le rayonnement de sa présence, dans chacune des scènes qui composent la pièce. Sans en faire trop, sans jouer la surdose de la mère de famille guindée, elle impose à Pascal Elbé sa séduction de maîtresse femme démoniaque, qui semble dominer l’échiquier. Face à elle, Pascal Elbé fait des prodiges dans la posture du baroudeur beau garçon revenu de tout, qui a fait le tour du monde et des femmes, peu enclin à s’en laisser compter par une emmerdeuse donneuse de leçons morales.” – ArtistikRezo
– “Si, quelquefois, on a le sentiment que Murielle Magellan construit son intrigue à gros traits, on finit par ne pas l’en blâmer, car elle rend une copie divertissante et d’une vraie modernité dans son “happy end” ambigu. Servie par des comédiens convaincus et au meilleur de leur forme, “L’éveil du chameau” n’est pas à dédaigner.” – Froggy’sDelight
– “Notre plaisir se source du talent de ces comédiens (Valérie Decobert n’est pas en reste) qui incarnent le magnifique texte de Magellan. « Encore une histoire d’amour ! » pourrait écrire Jean Claude Grumberg auquel l’écriture de Magellan fait penser. Une histoire d’amour une nouvelle fois imprévisible et rendue possible là par l’émergence d’un père. Une pièce délicieusement romantique et trés actuelle, à ne pas rater.” – TouteLaCulture
– “Les ingrédients sont réunis pour une bonne petite comédie française – jusqu’au décor réaliste mais à l’image de la vie de l’homme qui y habite : dérangé. On attend le moment où les deux personnages vont oublier ces histoires que tout oppose pour laisser libre cour à leurs pulsions sexuelles, ce qui arrive invariablement. Mais là où « L’Éveil du chameau » se démarque d’un téléfilm où le sujet pourrait être tout aussi bien traité, c’est dans la tension et la profondeur que chacun des deux acteurs met dans son personnage. Derrières ces principes renaissent des sentiments légers oubliés depuis les premières passions ressenties. Un sujet grave qui devient un moment de théâtre drôle et léger.” – SceneWeb
– “Elle, c’est Barbara Schulz, toute en finesse et élégance, elle a des principes et le fait savoir. Pascal Elbé parvient à rendre sympathique son personnage de macho humanitaire sans humanité. Valérie Decobert, la maîtresse-secrétaire apporte un peu à la fois de piment et de tendresse à l’histoire. Ajoutez une fin qui laisse la porte ouverte à nos imaginations, et voilà un spectacle plutôt agréable à suivre.” – Reg’Arts
– “Le texte est vraiment plat (Murielle Magellan). Les personnages sont caricaturaux et stéréotypés : l’homme macho et vulgaire, la femme hystérique. Les comédiens n’ont pas grand-chose à défendre. Pourtant va s’opérer chez l’homme une métamorphose. Qui se fait brutalement, sans que rien dans le jeu ne la prépare. Dommage. C’est plat, lisse et conventionnel. On ne rit pas, on a plutôt envie de se mettre en colère.” – Télérama
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