Bienvenue à l’Interlope

Un cabaret imaginaire – L’Interlope, c’est le nom de ce cabaret qui nous accueille, lorsque le noir se fait. Un cabaret imaginaire, comme il en existait des dizaines, dans le Paris de l’entre deux-guerres, théâtre de la culture underground homosexuelle, où des femmes et des hommes travestis faisaient vivre un répertoire… pas toujours très délicat.
Point d’indélicatesse ici, tout est intelligence et sensibilité : Serge Bagdassarian, aidé par les arrangements toujours réjouissants de Benoît Urbain (qui œuvrait déjà dans les meilleurs cabarets du Français : Vian, Brassens, Ferré…), a choisi des titres d’époques différentes, parlant d’amour, de souffrance, de passion, de poésie, de vies… Quatre personnages, tout de suite attachants, nous embarquent avec eux à bord de ce cabaret formidable.

L'Interlope (cabaret) - Bagdassarian - Studio-Theatre

© Brigitte Enguerand

Des plumes, des voix, des comédiens… et beaucoup d’émotion.
La scénographie nous plonge instantanément dans les coulisses de l’Interlope – quelle belle idée d’avoir introduit les deux dimensions : la coulisse et ses angoisses, avant l’entrée en scène, flamboyante et lumineuse. Tout est extrêmement soigné dans ce spectacle qui passe trop vite : le jeu simple mais efficace des musiciens (piano/contrebasse), la direction des comédiens, sur scène comme au chant, les voix de ces comédiens (les précédents cabarets étaient parfois assez inégaux sur ce plan ; ici les quatre comédiens sont aussi de formidables chanteurs), le choix du répertoire et son agencement chronologique dans le spectacle, les textes écrits par Serge Bagdassarian qui révèlent des personnages tellement attachants…
Car c’est sans doute la grande trouvaille de ce cabaret : il s’y dessine en creux un portrait de quatre artistes, de différentes générations, qu’on est presque frustré d’accompagner sur un temps si court. Il y a là Axel (Véronique Vella), la directrice de l’établissement, âme de l’endroit, Camille (Serge Bagdassarian), la diva sensible et amoureuse, Pierre (Benjamin Lavherne), la meneuse égotique – marié par ailleurs à une femme – et Tristan (Michel Favory), le doyen, grave et émouvant.
Ce cabaret est une totale réussite : il renouvelle un genre qui semblait s’essouffler ces temps derniers au Français et place la barre très haut.
Gageons que le public va se presser en masse dans la petite salle du Studio-Théâtre, battre des mains, secouer les jambes, rire, pleurer… et vibrer au son de l’enthousiasmant Interlope.

L'Interlope (cabaret) - Bagdassarian - Studio-Theatre

Et s’il ne vous fallait que 3 raisons pour vous convaincre d’y courir :
1 – C’est une proposition artistique totalement originale que nous offre la Comédie-Française, en ouverture de sa saison 2016/2017. Ce n’est pas si courant.
2 – À l’issue de l’une des chansons, Pierre (Benjamin Lavernhe) suggère qu’en ces temps de crise, cela ne ferait pas de mal aux gens d’’aller s’encanailler aux « Tuileries »… Sans aller jusque là, un peu plus d’une heure à l’Interlope est un remède garanti contre la morosité.
3 – Nouveau pari réussi pour Eric Ruf qui inaugure ainsi en fanfare, – et en plumes -, sa deuxième saison d’administrateur avec cette commande que Serge Bagdassarian s’est manifestement beaucoup amusé à honorer.

L'Interlope (cabaret) - Bagdassarian - Studio-Theatre

L’INTERLOPE (CABARET) – spectacle vu le 18 Septembre 2016 au Studio-Théâtre de la Comédie-Française.
Du 17 Septembre au 30 Octobre 2016
Conception et Mise en scène : Serge Bagdassarian
Avec : Véronique Vella, Michel Favory, Serge Bagdassarian et Benjamin Lavernhe
Et les musiciens : Benoît Urbain en alternance avec Thierry Boulanger (piano), Olivier Moret (Contrebasse)

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