Revue de presse du 5 octobre : Traviata , Seuls, Vania et Les Femmes savantes
1. Traviata, vous méritez un avenir meilleur ouvre la saison des Bouffes du Nord ; Judith Chemla fait l’unanimité :
– “Si Judith Chemla chante sans doute un peu bas, elle incarne le rôle-titre avec tant d’intensité et de grâce qu’on en oublie très vite son défaut. Elle restitue avec une bouleversante sensibilité cette femme qui comprend ce qui va lui arriver avec l’abnégation d’une martyre.” – Les Echos
– “Comme un écho à la grâce pâle de Judith Chemla, fragile et tendre Violetta, ironique jusque dans la souffrance, petite sœur des grandes amoureuses trahies de l’histoire du théâtre et de l’opéra. La comédienne et chanteuse au joli timbre frêle parvient à se mesurer, sans mentir sur ses moyens vocaux, à l’émotion d’un des plus beaux rôles du répertoire lyrique. Elle est l’atout majeur de cette « Traviata » revissée.” – La Croix
– “La métaphore végétale qui régit la mise en scène de Benjamin Lazar, entre vases de fleurs desséchées et bac à compost, est aussi légère et entêtante qu’un parfum – la fragrance d’une haleine aimée évanouie, la vague odeur de la mort dans un jardin d’antan. Et pourtant, cette Violetta vit, aime, souffre et s’accroche.” – Le Monde
– “On l’aura compris, cette Traviata aborde l’opéra avec une grande liberté de ton sans pour autant le maltraiter. Car dans une atmosphère où la fête et le plaisir côtoient de près la mort, où la vie est aussi fragile que ces fleurs belles et vénéneuses comme des femmes, la beauté des tableaux scéniques n’a rien à envier à celle d’une musique qui tourne le dos au ronflant opératique, passe par le jazz et de discrets accents de musette parisienne, sans renoncer à exprimer la puissance émotionnelle des partitions de Verdi.” – La Terrasse
– “Cosignataires du spectacle, Florent Hubert signe des arrangements musicaux très habiles qui s’affranchissent sans arrogance de la partition nécessairement réduite et imposent des couleurs et inspirations très diverses ; Judith Chemla, interprète le rôle-titre avec un joli filet de voix léger et diaphane. Elle est la grâce mutine et fragile incarnée. Pleine de fraîcheur et de gravité, la courtisane est bouleversante car présentée comme pleinement consciente de son destin funeste.” – Scèneweb
– “C’est une femme libre qu’incarne Judith Chemla, ex-pensionnaire de la Comédie Française et actrice de cinéma, dans cette Traviata très personnelle, qu’elle chante de manière absolument sidérante, avec un naturel et une pureté de timbre qui aura certainement nécessité des mois de travail acharné. Frêle et gracile comme une fée sur le grand plateau avec ses grands yeux d’enfant effarouché, la comédienne cantatrice, qui a suivi une double formation de théâtre et de musique, nous offre les plus beaux airs de cet opéra, qui sont loin d’être les plus faciles.” – Artistik’Rezo
– “Pour cette Traviata sans article défini, tout superlatif serait redondant. Il appauvrirait le ressenti. Ce que, ici, théâtre et musique, Judith Chemla et ses partenaires engendrent tient tout simplement du sortilège.” – Webtheatre
2. Sur le plateau de la grande salle du Théâtre de la Colline qu’il dirige désormais, Wajdi Mouawad reprend son spectacle Seuls :
– “Wajdi Mouawad avait écrit ce solo en 2008, avant Le Sang des promesses, quatuor pour une foule d’acteurs et de personnages créé en 2009. Ce spectacle répond, entre autres, à un besoin de prendre des distances provisoires avec les acteurs, comme des parents exténués par leurs enfants vont prendre des vacances « seuls » pour retrouver un état amoureux avec la vie.” – Webtheatre
– “Seuls est habilement construit : Mouawad ferre les spectateurs, en montrant d’abord Harwan empêtré dans son drôle de quotidien d’étudiant solitaire. Puis il jette son filet, nous fait basculer dans le drame existentiel et dans le délire onirique. Après nous avoir abreuvé de mots, il impose soudainement une cure de silence : la pièce devient performance, body art…” – Les Echos
– “Une inventivité formelle, une belle énergie et un certain courage se déploient tout au long du spectacle mais font aussi défaut dans une dernière partie impossible, surchargée, excessivement spectaculaire pour un rendu moindre. C’est surtout une forme d’honnêteté, de sensibilité et de générosité qui frappe chez Mouawad et fait de son théâtre un théâtre fédérateur et fervent qui n’empêche pas quelques maladresses mais qui est à l’image de son créateur et interprète.” – Toute la Culture
– “Comme dans les précédents spectacles de Mouawad, on se trouve au coeur d’un théâtre de l’émotion, qui n’évite pas un académisme sans doute daté et ne s’interdit pas un peu de lyrisme (ce qui peut crisper sous nos latitudes), mais où tout se trouve absolument maîtrisé. Et la capacité que montre une fois encore l’homme à renouer tous les fils, du plus intime au plus lointain, d’une intrigue pourtant exponentielle, est saisissante.” – Libération
– “Dans un décor de chambre toute simple, dépouillée, le réalisme initial laisse place lors d’un basculement dramaturgique à une atmosphère confuse. Où les voix enregistrées du père et de la sœur de Harwan, mêlées à des vidéos, participent d’une troublante polyphonie. Seuls marque aussi les débuts de Wajdi Mouawad dans l’écriture de plateau.” – La Terrasse
– “Pas de fresque épique avec Seuls, mais de l’action painting. Voilà où le mène ce voyage dans l’inconscient : à la recherche de ses désirs les plus enfouis, à la recherche de l’enfant qu’il fut et dont l’image s’est effacée, à la recherche d’une langue maternelle oubliée. Quêtes menées après sa découverte du tableau de Rembrandt, le Fils prodigue, dans lequel l’auteur se jette corps et âme.” – Les Trois Coups
– “Du comique au tragique, de l’art à une réflexion sur le processus artistique, ce spectacle de deux heures foisonne. Vidéos, sons, enregistrements de voix, peinture, art dramatique et performance, tous ces arts réunis sur scène composent un spectacle riche. Cet « oiseau polyphonique », selon les termes de Wajdi Mouawad, déploie des ailes très larges.” – Artistik’Rezo
– “Seul, donc ! Mais, ici, seuls au pluriel ! Et, tout compte fait, à voir comment la question du père et du fils éprouve le spectacle, le travaille, le tourne et le retourne, Wajdi Mouawad a raison de s’en remettre au pluriel – c’est-à-dire aussi à nous, dans la salle – plutôt qu’au singulier.” – Telerama
3. La jeune metteure en scène Julie Deliquet monte un magnifique Vania à la Comédie-Française (Vieux-Colombier) :
– “En faisant jouer la troupe du Français comme un collectif nourri à l’impro, en resserrant le texte (presque réduit de moitié) et en le bousculant (phrasé actuel, projection d’un film de Dreyer, BO rock jazzy…), elle réinvente Tchekhov, sans le trahir. Poussés dans leurs retranchements, cultivant l’émotion pure, la spontanéité et le parlé cru, les acteurs se montrent à leur meilleur.” – Les Echos
– “On entend admirablement bien Tchekhov dans cette nouvelle version enlevée, enjouée, enfiévrée de la pièce qui restitue une riche palette de sentiments avec un naturel et une vérité inouïs. Le neurasthénique et poignant Vania de Laurent Stocker, à vif, rappelle le frère que l’acteur jouait dans Juste la fin du monde de Lagarde (un de ses meilleurs rôles), capable d’une douceur poignante et d’accès de colère à faire peur.” – Toute la Culture
– “Autour d’une même table, ou d’un même film, spectateurs et comédiens sont conviés.
Dans ce dispositif bi-frontal, le public fait partie intégrante d’un spectacle qui brouille les frontières entre réalité et fiction. Le texte remanié, à la portée plus universelle, est fait nôtre.” – Artistik’Rezo
– “Carrousel des sentiments brûlants mais frustrés, tourniquet de la vie paysanne dansant un moment avec la vie citadine, carrefour des échecs et des résignations : Julie Deliquet n’a pas le sens de la langueur mais celui du crépitement des secrets qui, tout à coup, explosent ou implosent.” – Webtheatre
– “Des allusions cinématographiques à John Guillermin et des extraits de Carl Dreyer font rapidement saisir — entre autres anachronismes — le travail d’improvisation auquel la metteuse en scène, rompue au travail collectif, a soumis les comédiens, tourbillonnant autour de la table à manger géante.” – Telerama
– “Plus “appropriation” qu'”adaptation”, “Vania” mis en scène par Julie Deliquet fonctionne si l’on ne lui tient pas rigueur de s’éloigner de Tchekhov au profit d’un exercice de pur divertissement avec une troupe de comédiens qui s’y prête de bonne grâce, Laurent Stocker et Hervé Pierre en tête.” – Froggy’s Delight
– “J’arrive de l’écriture de plateau pour aller vers un théâtre de texte (…) Le texte, c’est un luxe magnifique, parce que l’on sait où l’on va, alors que l’écriture de plateau, c’est vertigineux. J’ai voulu retirer du texte de Tchekhov tout ce qui était trop russe, trop connoté historiquement.” – Julie Deliquet pour La Terrasse
4. Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, Catherine Hiegel met en scène Les Femmes savantes avec “les Bacri-Jaoui” :
– “Le public marche à fond, prenant parti pour le jeune couple enamouré (Benjamin Jungers et Marie-Julie Parmentier, très justes), riant aux atermoiements de Chrysale/Bacri et aux fantasmes de la tante Bélise (ravageuse Evelyne Buyle). Le Trissotin poudré de Philippe Duquesne semble au premier abord un brin convenu, mais quand il dévoile sa vraie nature, il fait preuve d’une dureté et d’une noirceur saisissantes.” – Les Echos
– “Le plaisir, toujours, de redécouvrir toute la modernité du texte de Molière. Près de trois cent cinquante ans après avoir été écrit, il résonne encore au moment où le ministère du Droit des femmes a encore besoin de partir en campagne contre le sexisme ordinaire… Le plaisir, enfin, des alexandrins maniés avec naturel par la troupe réunie par Hiegel.” – Le Parisien
– “Les alexandrins sont respectés, mais donnés avec naturel. Chacun défend avec intelligence cette partition équilibrée dans laquelle Molière donne loyalement la parole aux uns et aux autres ; Catherine Hiegel dirige avec fermeté et esprit. Du très grand travail.” – Le Figaro
– “Catherine Hiegel ne charge pas les ridicules et ne prend parti ni pour le mari hâbleur et velléitaire ni pour l’épouse autoritaire. Elle jette un regard fin et bienveillant sur ces femmes curieuses d’apprendre, et conclut par une image apaisée : trois combattantes rêvant d’émancipation..” – Le JDD
– “Les femmes éprises de sciences et de culture qu’il prétend moquer — et que réhabilite ici avec une affection toute féministe la menteuse en scène Catherine Hiegel — paraissent bien pâles, Evelyne Buyle exceptée, en délirante Bélise. Les femmes y perdent, les hommes y gagnent, le sens de la pièce en est peut-être détourné. Mais, bizarrement, réinventé…” – Telerama
– “Ce soir, sans perruque, Jean-Pierre Bacri est Chrysale et on dirait qu’il l’a été toute sa vie. Bien avant la nôtre, peut-être même avant que Molière n’imagine le rôle pour les Femmes savantes. Plus la pièce se déploie, plus il apparaît qu’il a toujours été Chrysale, mais aussi tout un tas de personnages de Molière qu’on a soudain hâte de le voir devenir (ou redevenir).” – Libération
– “Dire que l’on a passé un mauvais moment serait un peu fort, car la pièce est rondement menée, il n’a pas de temps mort. On entend bien la langue de Molière, mais cette nouvelle production n’apporte pas de grandes nouveautés surtout après la super production de Macha Makeïeff la saison dernière qui avait donné une vision moderne à la pièce et qui sera reprise à la Criée de Marseille à partir du 29 septembre 2016.” – Sceneweb
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