Avec Père, Arnaud Desplechin réussit son entrée au Français
Père – Spectacle vu le 28 septembre 2015
A la Comédie-Française – Salle Richelieu, jusqu’au 4 janvier 2016 à 20h30
Une pièce d’August Strindberg
Mise en scène par Arnaud Desplechin
@Vincent Pontet – coll. Comédie-Française
Avec Père, Arnaud Desplechin fait son “coming-out théâtral” et on aime ça…
C’est peu dire que cette première mise en scène d’Arnaud Desplechin était attendue. Ce cinéaste surdoué est l’auteur de dix longs métrages dont le fameux Comment je me suis disputée… (ma vie sexuelle) qui fait partie de mes films coups de coeur. J’étais assez impatiente de découvrir son Père de Strindberg, même si ce dernier ne fait pas partie de mes auteurs préférés. J’attendais ce rendez-vous privilégié, d’autant que je suis – vous l’aurez compris – une “aficionada” de la Comédie-Française… Pari réussi, à mon sens : la mise en scène tout en sobriété fait ressortir avec une justesse incroyable le drame qui s’établit entre ce couple.
Car la pièce de Strindberg nous parle de la paternité, certes, mais d’abord et surtout d’un couple en crise. Un couple incarné par deux comédiens exceptionnels qu’on a plaisir à voir partager la scène. Anne Kessler, toute petite, toute frêle, est tellement émouvante en femme prête à tout pour garder son enfant. Elle est mère avant d’être femme et en tant que mère elle nous touche forcément, malgré sa violence et sa dureté. Face à elle, Michel Vuillermoz est ce père peu à peu rongé par le doute et la folie, lorsqu’il se demande si Bertha est réellement sa fille. Mais peut-on réellement parler de folie? C’est toute la question à laquelle Arnaud Desplechin n’a pas voulu répondre, laissant au spectateur le choix d’arbitrer. Difficile d’assister à ce combat entre un homme et une femme qui se déchirent, se blessent, s’injurient, se malmènent, se choquent, s’invectivent, se maltraitent, se maudissent. Et qui s’aiment, malgré tout. Car il y a toujours de l’amour dans ce couple.
Le baptême théâtral d’Arnaud Desplechin coïncide avec le lancement de la première saison d’Eric Ruf, allez-y sans hésiter :
1 – Même si, comme moi, vous n’êtes pas des inconditionnels de Strindberg, vous serez conquis par une mise en scène aussi précise qu’au cinéma.
2 – “Un couple de cinéma”, justement – c’est ainsi qu’Arnaud Desplechin présente ses deux héros Michel Vuillermoz et Anne Kessler – deux immenses comédiens dont on sent le plaisir qu’il a de les retrouver.
3 – Les autres personnages sont au diapason de ces deux-là. Comme disait Mathieu Amalric au sujet d’Arnaud Desplechin : “il pourrait faire jouer un porter-manteau“!… Alors, imaginez-le avec des comédiens du Français.