La Mer…ou le calme avant la tempête
La Mer – Spectacle vu le 13 mars 2016
A l’affiche de la Comédie-Française jusqu’au 15 juin 2016
Une pièce d’Edward Bond, mise en scène Alain Françon
Une remarquable entrée au répertoire pour un spectacle d’une beauté totale et limpide
Son nom est Bond. Edward Bond. Il est détenteur d’un permis de nous émouvoir, et il ne s’en est pas privé puisqu’il est le plus grand dramaturge britannique vivant. Son œuvre, souvent montée en France par de grands metteurs en scène, n’était pas encore entrée au répertoire du Français.
C’est chose faite, aujourd’hui, avec La Mer, l’une de ses pièces les plus jouées en Grande-Bretagne.
Et pour conduire ce beau navire, Eric Ruf a confié la barre à Alain Françon, qui a déjà créé de nombreuses pièces du britannique. Ce grand directeur d’acteurs était sans doute le meilleur choix pour conduire la troupe à travers les entrelacs de cette pièce foisonnante où entrent en collision les destins, les angoisses, les espoirs, les ambitions des nombreux personnages qui la composent.
©Christophe Raynaud de Lage coll. Comédie-Française
Nous sommes en 1907, mais pas encore réellement au XXème siècle. Bientôt, les canons tonneront et précipiteront le monde dans la tragédie. Pour l’heure, cette petite ville du Suffolk, au nord de l’Angleterre, voit sa musique quotidienne perturbée par le naufrage d’un bateau, au cœur d’une violente tempête, provoquant la mort de Colin.
Son ami rescapé Willy (formidable Jéremy Lopez, tout en sobriété et émotion rentrée), se voit plongé dans la micro société locale, dominée par la terrible Louise Rafi (indispensable Cécile Brune) qui régente son petit monde : Jessica (hilarante Elsa Lepoivre), sa suivante qui aimerait prendre plus de place, Rose (émouvante Adeline d’Hermy), sa nièce, à qui était promis Colin, Hatch (parfait Hervé Pierre), le commerçant de tissus, adepte de la théorie du complot, le Pasteur (excellent Eric Génovèse), placide garant de l’ordre moral, Evens (méconnaissable Laurent Stocker), l’ermite Cassandre de la plage…il faudrait tous les citer car ils composent un formidable kaléidoscope très tchekhovien d’une société au bord de l’implosion, au crépuscule d’une époque qui va bientôt disparaître dans le feu et l’acier.
Cette entrée au répertoire est sans doute le premier acte fort du mandat d’Eric Ruf au Français. Il ne faut pas rater cette belle et grande création :
1 – Tous les comédiens sont, comme souvent au Français, absolument impeccables et composent leur partition avec beaucoup de cohérence et de clarté.
2 – La très belle scénographie de Jacques Gabel nous transporte sur les rives de la mer du Nord, dans les brumes du Suffolk, au cœur de cette ville si britannique.
3 – La mise en scène d’Alain Françon est limpide et met en valeur ce petit bijou d’observation d’une société anglaise dans une ambiance de lutte des classes larvée et de basculement d’époque.
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