Les brillantes Pyrénées de Victor Hugo
Entrer au Lucernaire, c’est à chaque fois une petite fête. Dans ce théâtre composé de plusieurs salles de moins de 120 places chacune, d’un cinéma, d’une librairie, d’un restaurant et d’un café squatté par les étudiants du 6ème arrondissement, il règne un désordre empreint d’un charme sans pareil et d’une certaine nostalgie. C’est une accumulation de livres en éditions originales, de spectacles sans gros budgets mais sélectionnés avec exigence, de films qu’on a ratés dans les grands cinémas, de spectateurs hétéroclites ouverts à l’inconnu et sensibles à la tradition des salles d’art et d’essai.
©Fabienne Rappeneau
“Voyager, c’est naitre et mourir à chaque instant.” – Victor Hugo
Dans la file d’attente pour le spectacle « Pyrénées, le voyage de l’été 1843 », il y a des vieux, des jeunes, des bobos, des petits ménages tout propres, des curieux et des profs amoureux de Victor Hugo. Tous viennent écouter le compte-rendu élégant que l’écrivain de 41 ans a fait de son voyage d’un mois en 1843, un voyage qui nous entraîne jusqu’au pays basque français et espagnol. Le comédien Julien Rochefort se promène dans une jolie lumière, avec pour seul décor un tabouret, un petit carnet et une gourde d’eau fraîche. Il nous sert avec malice et quelques manières de précieux le texte d’Hugo, magnifique, plein d’allant, brillant, drôle.
Ce qui fait tout le génie de ce récit qui pourrait nous assommer au bout de 10 minutes, c’est qu’Hugo ne s’attache finalement pas du tout à ce que l’on pourrait appeler « la carte postale » des différentes villes et villages traversés. Il se plonge avec délice dans des détails proustiens, le souvenir d’une amourette platonique vécue à Bayonne par exemple, dans la description lapidaire de l’embarcation vers l’île d’Oléron qu’il trouve apparemment affreuse, ou dans le scrupuleux inventaire de ses repas en villes de province. On est heureux d’assister à ce petit miracle du théâtre, le public oscille entre rires et sourires devant un Julien Rochefort souvent lunaire, toujours sensible, qui dévoile avec gravité à la dernière minute la blessure et le remord indélébiles du grand Victor Hugo.
Pyrénées ou le voyage de l’été 1843 – spectacle vu le 17 septembre 2016 au Lucernaire
Un texte de Victor Hugo
Adaptation et mise en scène : Sylvie Blotnikas
Avec : Julien Rochefort
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