Les tigres sont plus beaux à voir, portrait d’une autrice

Au théâtre de l’Epée de Bois, le sol pavé de bois, les hauts murs de lambris, font déjà décor.

Des tables toutes simples qui cernent l’espace de jeu, dans un coin une petite console aux fins pieds chantournés, beaucoup de verres, des livres, de la musique. De quoi meubler une scène et raconter une vie.

L’énigmatique et beau titre du spectacle Les tigres sont plus beaux à voir fait référence au premier recueil de nouvelles de Jean Rhys traduit (par Pierre Leyris, en 1969) en France. Beau et amer, puisque les tigres sont plus beaux à voir que les hommes.

A l’avant-scène, une comédienne se fait petite fille pour narrer une enfance qu’on imagine heureuse, à La Dominique, dans sa famille de planteurs, dominicains depuis cinq générations du côté de sa mère, fanfaronne-t-elle gentiment. Elle y a des souvenirs de petite fille blanche, née dans une famille coloniale de la fin du XIXe siècle.

« Mrs Hammer » demande un jeune homme à la réception d’un hôtel. C’est le vrai nom de Jean Rhys, « utiliser son nom réel serait la preuve que j’appartiens d’une manière particulière à son monde personnel ». Il a rendez-vous.
David Plante (Jules Churin, sobre et juste) dans les années 70, lui-même romancier en devenir, avait rencontré Jean Rhys, autrice britannique qui tarda à être reconnue, étoile filante qu’on a même crue morte de son vivant, dont il tenait à entendre et faire entendre la voix, le récit. Touché par ses écrits humanistes à la lucidité aiguë, il va l’accompagner dans l’élaboration de son autobiographie. Magali Montoya a tressé des extraits de leur entretien avec des fragments des romans de Jean Rhys, en un tissage si fin que les coutures en sont impalpables, fiction et réel se nourrissant mutuellement.

La voix de Jean est répartie entre les trois comédiennes, et ce mouvement de diffraction en dresse un portrait comme cubiste, fragmentaire, multipliant les angles de vue, les points de départ, bousculant les lieux et les périodes. La Dominique, Paris, Londres, enfance, jeunesse, vieillesse, temps de solitude, temps d’écriture, les mariages, l’enivrement de la création, l’enivrement de l’alcool, les temps de disette et les temps de renom… – de même cela se mêle dans la mémoire de l’autrice…

La petite fille est désormais une vieille dame un peu indigne, qui aime boire des gins-vermouth et a des emportements d’adolescente. Avec elle qui aura été attaché aux marginaux et aux laissé.e.s-pour-compte de la société, on parcourt un demi-siècle de création littéraire et de bohème âpre.


 
La mise en scène écrit dans l’espace des déplacements à la géométrie un rien désuète, en une chorégraphie légère qui met en avant une facette ou l’autre de Jean Rhys, fait et défait les duos, laisse joliment la place à la musique (guitares, chant, clavier) interprétée sur scène par Roberto Basarte, qui apporte un charme supplémentaire. Nathalie Kousnetzoff, Bénédicte Le Lamer, Magali Montoya, costumes soyeux aux teintes sourdes – les trois Jean Rhys, Jules Churin, en tee-shirt blanc et veste de ville – le jeune écrivain, ont un jeu limpide, tout en retenu, parfois facétieux, et se glissent aussi subtilement dans la peau d’autres protagonistes, fictifs ou réels.
Les tables sont déplacées par les interprètes en une valse fluide, s’écartant et se regroupant, laissant de la circulation autour ou entre elles, en dessus, en dessous, se faisant banquettes, cachettes, bureaux, estrades… un espace mouvant comme celui qu’abrite la mémoire d’une vie.

« La littérature est un lac, écrivit Jean Rhys.
Il y a de grands fleuves qui l’alimentent, comme Dostoïevksi, Tolstoï, et de menus filets d’eaux comme Jean Rhys. L’important est de continuer à alimenter le lac. Mais il faut y puiser aussi, y plonger les mains… »

Un spectacle méditatif, élégant, tout en délicatesse et en demi-teintes, hommage à une femme qui plongea dans l’écriture avec « comme une démangeaison dans les doigts, une nécessité de déverser son histoire », qui confia « je crois que je préfèrerai être heureuse qu’écrire » – et qui eut le bonheur de ne cesser d’écrire.

Marie-Hélène Guérin

 

LES TIGRES SONT PLUS BEAUX À VOIR
Un spectacle de la compagnie Le Solstice d’Hiver
Au Théâtre de l’Epée de Bois jusqu’au 26 novembre 2024
d’après la vie et l’œuvre de Jean Rhys
Adaptation et mise en scène Magali Montoya
Traducteurs Jacques Tournier, Renée Daillie, Claire Fargeot et Christine Jordis
Avec Nathalie Kousnetzoff, Bénédicte Le Lamer, Jules Churin, Magali Montoya
Musique originale sur scène Roberto Basarte
Scénographie Marguerite Bordat, Caroline Ginet | Costumes Virginie Gervaise | Lumière Jean-Yves Courcoux | Régie générale Johan Olivier
Photos © Bellamy

En savoir plus : notes d’intention, listes des œuvres citées, biographie de Jean Rhys : clic ici

La compagnie Le Solstice d’Hiver est conventionné depuis 2018 et soutenu par la DRAC Île-de-France. Co-production, accueil en résidence, Théâtre Molière, Sète scène nationale archipel de Thau. Soutiens, accueils en résidences : Le Moulin du Roc, scène nationale de Niort, La Rousse Niort Théâtre Le Colombier, Bagnolet, Théâtre de Magnanville, Le Colombier Avec l’aide de la SPEDIDAM, l’ADAMI et la Jean Rhys Ltd.

Sur l’autre rive : une fête funèbre et joyeuse de Cyril Teste, d’après Platonov

Cyril Teste après La Mouette (2020) retrouve Tchekhov et se fait maître de cérémonie d’une fête funèbre au Théâtre du Rond-Point, avec cette libre adaptation de Platonov.
Tchekhov a écrit cette pièce tout jeune homme, il avait la liberté de la jeunesse et le regard sacrément acéré. La pièce a 100 ans, d’un siècle à l’autre l’âme humaine n’a pas tant changé et le propos se transpose au présent avec la même férocité et la même tonicité.

« Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé », écrivait Peter Brook dans L’Espace vide en 1968.
Alors ici, Cyril Teste laisse de côté les grands décors spectaculaires de ses spectacles précédents : une cage de scène à nu, dont murs, tubulures et guindes dévoilent ossatures et système nerveux. De longues tables dressées, des verres à pied, des gerbes de fleur. Une scénographie sèche – qui ménage quand même quelques cocons nichés presque dans les coulisses, petites antichambres à la lumière chaude où se réfugieront des convives fuyant un instant la foule de la fête.

“Champagne, caféine, nuit blanche ! On savoure l’existence et on se détruit la santé”
Isaac, Sur l’autre rive

Car il y a foule à cette fête. Chaque soir vingt, trente, spectateurs se joignent aux convives ; idée percutante, qui, comme dans la réalité de ces soirées où l’on est si nombreux qu’on ne verra presque personne, noie les protagonistes dans un brouhaha visuel, pour mieux les en extraire par la vidéo.

Plaisirs sincères des retrouvailles, rires de chaleureuses connivences, bulles de champagne, mais je ne savais pas que tu venais, ah, tu nous présentes enfin ta dulcinée, enchanté ! vous restez longtemps, oh, mais tu as vu, Serge est là-bas avec sa femme, ah, bla bla bla, ça pétille, ça clin d’œil, ça titille.
Tiens, justement, voilà Serge qui circule entre les groupes caméra au poing et « et toi quel est ton sentiment sur l’amour ? » en bandoulière. Ses interviews à la volée sont diffusées en direct sur grand écran, images amateur, tremblotantes, en gros plans impitoyablement serrés sur les visages de ses interlocuteurs. On trinque, on se trémousse sur de l’électro rock chic (musique en live par Florent Dupuis, parfait dans le rôle d’Isaac, ambianceur dandy-cool).
Aujourd’hui, les hommes sont déconstruits (disent-ils), on s’inquiète du dérèglement climatique, on appelle Platonov par son surnom, Micha. Son épouse, la tendre et gracile Sacha, est chinoise, et chantera plus tard, a capella, très seule au centre du cercle des invités, en mandarin. Ce sera un très poétique et poignant moment. Nikolaï le médecin est désormais Nicole et toujours en jeune ménage avec la charmante Maria. Sofia, la femme du cameraman en herbe, est toujours troublée par Micha son amour de jeunesse. L’« hier » de Platonov n’est pas si loin de l’ « aujourd’hui » de Sur l’autre rive.

« Ici tout le monde se connaît, personne ne se rencontre »

La soirée avance, les sourires de façade restent mais les grincements de dents gagnent.
Serge a posé sa caméra, ce sont deux cadreurs qui prennent la relève, les mouvements de caméra se font plus élégants, plus fluides. Ils emprisonnent un visage dans un lent travelling circulaire, isolent une solitude, collent aux basques d’une rancœur.
Les caméras séparent, extraient. Elles suivent Micha qui déambule de groupes en groupes, semant son venin, ravalant sa souffrance, elles débusquent les uns et les autres, zooment sur leurs petitesses, leurs arrangements avec la vie, leur énergie du désespoir.

“Tout ce que vous mangez et ce que vous buvez, c’est mon héritage”
Serge

Sur le plateau, chacun est une partie du tout, une petite molécule du collectif, qui se prêt au jeu de la société. Sur l’immense écran qui la surplombe, se dévoilent en gros plan des êtres dénudés, sans recours.
Dans le grand corps désarticulé de cette société petite-bourgeoise, le sang qui circule c’est l’argent.
L’argent qui passe de conversations en conversations comme de poches en poches. Combien coûte la maison, combien coûte le pressing pour un pantalon taché, combien coûte la fuite, combien coûte la dignité ? L’argent circule, et la rancune, et les désillusions.

« Que va-t-il rester de nous à la fin ? rien. On va nous oublier. Et ça me laisse froide »
Nicole

Sous l’apparente vanité, l’apparente banalité, des bavardages rampe la désagrégation des cœurs, et de la société.
Finalement, ça n’existe pas vraiment, les vains bavardages : sous les plus creux des mots se cachent le “besoin de consolation impossible à rassasier”, la peur de ne pas trouver sa place au sein du groupe, l’angoisse du silence, la nécessité de prédation, l’appel au secours, la séduction, la plainte, l’amour, la haine.

Pascal Quignard rappelle dans Les Heures heureuses les écrits de Charles de Saint-Evremond, qui avançait que « l’état de nature est simplement à la fois le goût du sang, afin que l’on mange, et le combat à mort, afin que l’on survive. L’état social, fiscal, administratif, juridique, vient l’empirer. La société civile conclut entre les hommes une pacte de puissance confisquée, qui s’aigrit en pacte de haine. » Charles de Saint-Evremond, moraliste et libertin, vivait au XVIIe. Sur l’autre rive pourrait bien en être le contemporain écho. La violence des rapports se déguise sous des ironies mondaines ou éclate en brèves et brutales invectives, qu’on balaie d’un revers de main.

Paroles, paroles… Les corps ont pourtant aussi la part belle. Ils occupent l’espace, sur le plateau où ils font décor de leurs vies anonymes, c’est une mer d’humains qui fait flux et reflux; et la danse leur offre des jubilations – parfois savoureusement ludiques comme un improbable sirtaki en l’honneur de la maîtresse de maison (« mais je ne suis pas grecque » rit Anna, avec l’accent de son interprète italienne Olivia Corsini) ou une “platonova” mi-Rihanna mi-macarena collective et endiablée !

« On était heureux, non ? »
Anna

Au quatrième acte, les spectateurs mêlés aux convives redeviennent des spectateurs, installés sur des gradins à cour et jardin sur le plateau ; les caméras disparaissent, l’écran part dans les cintres, les tables de banquet filent en coulisses, la scène se dénude pendant que se défait la fête, dans les vomissures, les balayures, les dernières danses erratiques, les vestiges de joie, dans la bouffonnerie et la tragédie.
Les gros plans serrés des caméras laissent la place au champ large du regard. Brusque dezoom qui resserre l’attention, concentre l’émotion. Sous le regard du public médié par la caméra ou à nu, les interprètes sont tous également impeccables, d’une quotidienneté qui demande à la fois beaucoup de maîtrise, et une liberté de jeu folle.
Dans l’espace maintenant très vide de la scène, le crépitement des bavardages, la fébrilité des possibles, se sont éteints. Reste la fin d’un temps, restent des bougies, des grillons, du silence.
La dernière scène est pathétique et dérisoire. Et c’est très beau.

Marie-Hélène Guérin

 

SUR L’AUTRE RIVE
Un spectacle du Collectif MxM
Au théâtre du Rond-Point jusqu’au 16 novembre 2024
Librement inspiré de Platonov d’Anton Tchekhov
Mise en scène : Cyril Teste
Avec Vincent Berger, Olivia Corsini, Florent Dupuis, Katia Ferreira, Adrien Guiraud, Émilie Incerti Formentini, Mathias Labelle, Robin Lhuillier, Lou Martin-Fernet, Charles Morillon, Marc Prin, Pierre Timaitre, Haini Wang
Traduction : Olivier Cadiot | Adaptation : Joanne Delachair, Cyril Teste
Collaboration artistique : Marion Pellissier | Assistanat à la mise en scène : Sylvère Santin | Dramaturgie : Leila Adham
Scénographie : Valérie Grall | Costumes : Isabelle Deffin | Création lumière : Julien Boizard | Création vidéo : Mehdi Toutain-Lopez
Images originales : Nicolas Doremus, Christophe Gaultier | Musique originale : Nihil Bordures, Florent Dupuis, Haini Wang | Son : Thibault Lamy
Les belles photos tirées du spectacle sont de Simon Gosselin

Mentions de production sur le site du Collectif MxM

À VOIR EN TOURNÉE :
26 novembre 2024 Equinoxe, scène nationale de Châteauroux (36)
5 et 6 décembre 2024 Maison de la Culture d’Amiens, Pôle européen de création et de production (80)
11 — 13 décembre 2024 Les Quinconces, scène nationale du Mans (72)
18 et 19 décembre 2024 La Condition Publique, Roubaix, Dans le cadre de la saison nomade de La rose des vents, Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq (59)
15 — 17 janvier 2025 Théâtre des Louvrais, Points Communs, scène nationale de Cergy-Pontoise / Val d’Oise (91)
22 et 23 janvier 2025 Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche (26)
30 janvier — 8 février 2025 Les Célestins, Théâtre de Lyon (69)
18 et 19 mars 2025 Le Tandem, scène nationale, Douai (59)
26 — 28 mars 2025 Théâtre Sénart, scène nationale (77)

Le spectacle est le second volet d’un diptyque ; le premier volet est un film qui sera diffusé sur Arte et arte.tv à l’automne 2024

Je suis trop vert : la classe !

Avec un gros parallélépipède plein de trappes et de caches, trois fantastiques comédiennes, une justesse d’observation ravageuse et une vivacité d’écriture de chaque instant, David Lescot, dont on avait beaucoup aimé la Revue rouge en 2017, concocte un régal de spectacle « jeunesse ».

Je suis trop vert fait suite à J’ai trop peur et J’ai trop d’amis, que le Théâtre de la Ville a la bonne idée de reprendre pour ceux qui veulent faire plus ample connaissance avec le jeune héros, “moi”, 10 ans et des poussières. Dans J’ai trop peur, il affrontait le grand passage de l’école élémentaire au collège (et « la première année au collège, c’est tout simplement horrible ! Tout le monde le sait ! »), puis découvrait dans J’ai trop d’amis la complexité des relations sociales.
On est en novembre, « moi », le jeune héros de la trilogie, se sent bien dans sa classe. Grande nouvelle pour lui et ses camarades : la 6e D va partir en classe verte, après les vacances de Noël, au cœur de la Bretagne. Des semaines à ne penser plus qu’à ça !
 

Des cailloux se mettent dans le soulier du projet, qui démarre un peu boiteux : sur les vingt-neuf familles de la 6e D, trois ne souscrivent pas, et, déception-frustration-j’suis trop vert ! il ne faut pas plus de deux désaffections sinon, annulation ! Merci l’amitié et la solidarité, obstacles pécuniaires ou hypocondriaques sont balayés et les mômes se retrouvent enfin dans le car scolaire pour LA CLASSE VERTE !

Le jeu des chaises musicales pour les places dans le car, la sensation du réveil un peu vaseux après une nuit de route, la symphonie des bruits de la ferme – tracteur, broyeur à grain, chiens, coups de marteau, vaches, poules… – bruités en direct, pour le plus grand plaisir de l’auditoire -, les cours en pyjama, les matériaux réels manipulés par les comédiennes – feuilles mortes, terre, grains de maïs… : on s’y voit, on y est !
Dans le texte comme dans la mise en scène, le spectacle fourmille de ces mille détails « bien vus » qui titillent l’imagination des petits ou les souvenirs des grands.
 

La classe est accueillie par les deux ados de la ferme, Cameron et Valérie. L’occasion pour les élèves et les petits spectateurs citadins de découvrir à quoi ressemble une journée de travail à la ferme, aérer la terre, préparer l’engrais, nourrir les animaux, finir la journée bien crotté et bien crevé !, manger les légumes qu’on récolte, – voir d’un peu plus près le lien entre la nature et les humain.e.s qui l’utilisent et en dépendent.

Avec Valérie, 13 ans, qui prône d’un air bourru une agroécologie douce et respectueuse, « moi » met les mains dans la terre, et la tête dans un autre monde, fait d’autres rythmes, d’autres façons de vivre, d’autres légendes.
 

« Les parents t’ont appris plein de trucs, mais ça, ça va être toi qui va leur apprendre »
dit “moi”, à sa petite sœur, militante écolo de 3 ans

David Lescot a eu l’idée très futée de faire porter le message de l’éco-responsabilité contemporaine à la petite sœur du narrateur. Mini-activiste radicale de 3 ans, restée à la maison avec papa-maman, elle jette ses jouets en plastique, éteint les lumières et, toute zozotante et zézayante, elle somme la famille de remplacer le chauffage par des paires de chaussettes et des pulls pour sauver les pitits pinguins et les zou’s blancs. Manière de faire un peu de pédagogie avec beaucoup d’humour !

La petite sœur ce jour-là était interprétée par Lyn Thibault, qui jouait aussi d’autres personnages. Sur scène avec elle Camille Bernon portait aussi plusieurs rôles, tandis que Sarah Brannens restait « moi ». Mais ça aurait pu être l’une ou l’autre ou leurs acolytes Elise Marie, Lia Khizioua-Ibanez et Marion Verstraeten : comme dans les volets précédents, elles échangent leurs rôles au gré des représentations. Il y a fort à parier que toutes les combinaisons soient également réjouissantes ! Elles ont toutes beaucoup de précision dans le dessin des différents protagonistes qu’elles interprètent, et une belle énergie, fraîche, enjouée et communicative.

« Nous on sent qu’on a changé, mais les autres ont pas bougé,
alors y a un décalage »
“moi”

À voir avec des enfants dès 7-8 ans : la mise en scène astucieuse, le décor à malice, les dialogues vifs et imagés, le jeu punchy des interprètes les embarqueront allègrement dans ce voyage initiatique. Un spectacle tonifiant, plein de vie et de gourmandise, qui aborde joyeusement et sans naïveté aussi bien l’esprit de groupe que les moments qui font grandir ou les questions liées à l’environnement, pour des gamins des villes et des champs d’aujourd’hui.
 

Marie-Hélène Guérin

 


 
JE SUIS TROP VERT
Au Théâtre de la Ville jusqu’au 16 novembre 2024
Texte et mise en scène David Lescot
Scénographie François Gauthier-Lafaye | Lumières Juliette Besançon | Costumes Mariane Delayre
Assistante à la mise en scène Mona Taïbi
Avec en alternance Lyn Thibault, Élise Marie, Sarah Brannens, Lia Khizioua-Ibanez, Marion Verstraeten, Camille Bernon
Photos © Christophe Raynaud de Lage

À VOIR EN TOURNÉE
 du 2 au 17 novembre au Théâtre de la Ville – Paris / les 9-10 et 16 novembre : L’Intégrale
 19 et 20 novembre au Théâtre+Cinéma – Scène nationale de Narbonne
 21 novembre à Narbonne / programmation du Crédit Agricole
 22 novembre à Lattes / programmation du Crédit Agricole
 26 novembre à Nîmes / programmation du Crédit Agricole
 28 novembre à Mende / programmation du Crédit Agricole
 du 9 au 18 décembre au TNG – Centre Dramatique de Lyon
 du 13 au 15 janvier au Théâtre de l’Olivier – Istres / Scènes et cinés
 du 30 janvier au 1er février au Théâtre des Sablons – Neuilly
 les 27 et 28 février à la MCL – Gauchy
 les 12 et 13 mars au Théâtre André Malraux – Reuil-Malmaison
 du 13 au 16 avril à Les Petits devant, les grands derrière – Poitiers
 les 28 et 29 avril au Théâtre du Champ du Roy – Guingamp

Production Compagnie du Kaïros. Coproduction Théâtre de la Ville-Paris.
La Compagnie du Kaïros est soutenue par le ministèrede la Culture – DRAC Île-de-France.
Le texte de la pièce est édité aux Solitaires Intempestifs, collection jeunesse,
avec les illustrations d’Anne Simon. Parution : octobre 2024

© Anne Simon

Oiseau : de la mort dans la vie, de la vie dans la mort !

Mustafa a perdu son papa, dans un accident de voiture. Pamela a perdu son chien, parce que les animaux, ça vit moins longtemps que les humains. Ils ont 10 ans, sont ensemble en CM2, et les adultes s’obstinent à leur conseiller de « penser à autre chose ». Mais qui, mais quoi, mais de quoi se mêlent-ils ces grands ? C’est quoi cette manie de vouloir qu’on « fasse notre deuil » ? Pourquoi on ne peut pas en parler, soit c’est trop grave, soit pas assez ?
Le papa s’appelle Ahmid, le chien s’appelle Calamar, Mustafa n’a pas assisté aux funérailles de son papa – un cimetière c’est pas un endroit pour les enfants, Pamela n’a pas le droit d’être triste parce que, bon, de toutes façons, ce n’était qu’un chien, tout de même. Qu’à cela ne tienne, Pamela va organiser une belle fête pour eux au cimetière : la môme lance son invitation, qui comme une petite grenade va exploser en vol et retomber en semant un waï du tonnerre des plus vivifiants !

Ses tracts d’invitations « si tu aimes tes morts, viens les fêter avec nous » rameutent tous un tas de loupiots orphelins de leur animal familier, de leur maman, de leur grand-père, de leur copain d’enfance… Même les grands du collège – qui franchissent en douce le grillage qui les sépare de l’école élémentaire, même les CP : chez les mômes, ça frétille du besoin de parler de ses morts. Une mimi Françou, 6 ans au compteur, sait même comment on va « de l’autre côté ».

Alors là ! Par la porte ouverte par la bande de copains vers « l’autre côté » un grand vent d’air frais souffle, libèrent les mo(r)ts, déchaînent les cœurs serrés, animent les enfants, bousculent les adultes…
Les mômes mettent de la mort dans la vie et de la vie dans la mort ! À minuit, leurs corps se soulèvent, et hop, en visite chez les morts, les très vieux et les autres, les tombés d’un toit, d’un trampoline, sous une bombe ou malades. On prend des nouvelles, on en donne, apparemment ce trafic fait plaisir aux mômes et aux morts qui apprécient la compagnie, mais pas à tous les adultes, dont certains hésitent entre la panique et la crise de nerf (à commencer par la directrice de l’école qui préfère quand tout est bien en ordre, les CP en rang avec les CP, les CM2 avec les CM2, les vivants de ce côté-ci et les morts de l’autre)…
 

Anna Nozière, dix ans après le succès de Joséphine-Les enfants punis, s’adresse de nouveau à la jeunesse. En 2017, au théâtre de la Colline, elle a commencé une recherche sur les relations qu’entretiennent les morts et les vivants. Pour les adultes, elle a composé Esprits. Pour les enfants (pour parler aux enfants, ou bien pour parler de leur part…), elle a inventé cette très joyeuse fable, où les enfants apprennent aux adultes que regarder ses morts en face ne diminue pas la vie – au contraire !

Elle a confié sa pièce à Kate France et Sofia Hisborn, deux fantastiques comédiennes qui ne joueront pas aux enfants, mais porteront leurs voix. Elles alternent les personnages, les annonçant tout simplement, « moi, je serai Pamela » « et moi, je serai Mustafa », « là, je suis la directrice très inquiète, la maman de Mustafa et le papa d’Amadou » « et moi je suis tous les CM2, la tante de Pamela et le concierge», sans que jamais ne s’altèrent ni la compréhension du texte ni l’incarnation des rôles. Anna Nozière les dirige avec malice et délicatesse. Elles sont claires et pétillantes, et apportent leur maturité de femmes et de comédiennes à la fraîcheur et l’insolence de leurs personnages.
 

La scénographie dépouillée, au vaste plateau parsemé d’éléments très graphiques et évocateurs, laisse la place à l’imagination et au mouvement. Les comédiennes modulent l’espace dans l’élan, d’un mot et d’un geste, déplaçant ici une table, là un tableau, passant d’une salle de classe à la piscine, du bureau de la directrice à la cour de l’école. Des images vidéos, solaires, apporteront les enfants sur le plateau, leurs sourires et leurs regards francs (avec Walid Riad dans le rôle de Mustafa, et des enfants de l’association socioculturelle Courteline et des ateliers du Théâtre des Trois Clous).
Comme un cimetière tout enjoué de coquelicots accueille une ronde d’enfants rieurs, musique pop (Wonderful life, en plusieurs versions, dont une délicieuse reprise à la flûte à bec !) et baroque (l’hypnotique Sonnerie de Ste Geneviève de Marin Marais) se tressent au récit. Légèreté et gravité, d’un même geste.

Limpidité du propos, justesse du jeu, élégance visuelle, finesse d’un texte qui ne prend jamais les enfants pour moins éveillés qu’ils ne le sont : voilà une bien belle façon d’aborder un sujet sensible, avec intelligence, profondeur et fantaisie.
On peut y aller en famille, avec des enfants dès 9 ans, cela permettra d’ouvrir ou approfondir un dialogue, mais aussi, car le spectacle est alerte, joyeux, drôle et poétique, de nourrir leur goût du théâtre.

Marie-Hélène Guérin

 

OISEAU
Un spectacle de la compagnie la POLKa
Au Théâtre Paris-Villette jusqu’au 3 novembre 202
d’après OISEAU d’Anna Nozière – Éditions Théâtrales Jeunesse / adaptation et mise en scène Anna Nozière / jeu Kate France, Sofia Hisborn / avec les voix de Loubna Dupuis-Putelas, Samuel Simon / participation à l’image de Walid Riad et les enfants du centre social Courteline de Tours / assistanat à la mise en scène Steve Brohon / scénographie Alban Ho Van / assistanat à la scénographie, objets, vêtements Emma Depoid / son Nicolas de Gélis / lumière Mathilde Domarle / régie générale, plateau Louisa Mercier / collaboration artistique Patrick Haggiag / assistanat à la réalisation, régie de tournage du film Heiremu Pinson / images,
© Christophe Raynaud de Lage / Isol Buffy

À RETROUVER EN TOURNÉE :
MAISONS-ALFORT Théâtre Claude Debussy (94) – Les 15 et 16 novembre 2024 / ​FONTENAY-SOUS-BOIS (94) Théâtre Jean-François Voguet – Les 20 et 21 novembre 2024 / PANTIN (93) Théâtre du Fil de l’eau – Du 28 au 30 novembre 2024 / VITRY-SUR-SEINE (94) Théâtre Jean Vilar – Les 10 et 11 décembre 2024 / VERDUN (55) Transversales, Scène conventionnée – Du 23 au 25 janvier 2025 / ANGERS (49) Le Quai, CDN Pays de Loire – Les 29 et 30 janvier 2025 / NANTERRE (92) Maison de La Musique – en co-programmation avec Nanterre-Amandiers, CDN – Du 6 au 8 février 2025 / SARTROUVILLE (78) CDN de Sartrouville et des Yvelines – Les 13 et 14 février 2025 / REDON (35) Le Canal Théâtre, Scène conventionnée – Les 28 février 2025 / SAINT-AVÉ (56) Le Dôme – Le 7 mars 2025 / LORIENT (56) Théâtre de Lorient, CDN – Du 12 au 15 mars 2025 / MARSEILLE (13) Théâtre National La Criée – Dans le cadre des Rencontres Artistiques de l’ASSITEJ – Les 27 et 28 mars 2025 / CAVAILLON (84) La Garance, Scène nationale – Les 1 et 2 avril 2025 / HÉNIN-BEAUMONT (62) L’Escapade – en co-programmation avec Culture Commune, Scène nationale du Bassin Minier du Pas-de-Calais Le 15 mai 2025

montage du film Yannis Pachaud / stagiaires Léa Moralès, Ambre Lentini / régie générale tournée Antoine Seigneur-Guerrini, Arnaud Olivier / accompagnement, collaboration et tissage Anne de Amézaga / administration Audrey Gendre / logistique de tournée Floriane Brault
petit film : réalisation Anna Nozière / assistanat à la réalisation, régie de tournage Heiremu Pinson / images, montage Yannis Pachaud / avec Walid Riad, et des enfants de l’association socioculturelle Courteline et des ateliers du Théâtre des Trois Clous – encadrés par leurs animateurs et parents – en collaboration avec Romain Dugast, responsable de l’association socioculturelle Courteline, et Steve Brohon / avec la participation de l’Alliance Funéraire de Touraine – Annabelle Cazé / avec l’aide précieuse d’Ali Larbi et du Centre social Pluriel(le)s, de Ted Toulet, Audrey Gendre, Clarisse Pajot, Brigitte Cousin / remerciements à la Ville de Tours

production la POLKa / coproduction Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie, L’Estive – Scène nationale de Foix et d’Ariège, CRJP 72 – réseau jeune public en Sarthe, La Mégisserie – Scène conventionnée de Saint Junien, TnBA – CDN de Bordeaux, Théâtre d’Arles, Théâtre Olympia – CDN de Tours, Le Lieu-Compagnie Florence Lavaud – St-Paulde- Serre, Les Tréteaux de France – CDN, OARA – Office régional artistique de Nouvelle-Aquitaine, Iddac – Agence culturelle du département de la Gironde / soutiens La Chartreuse – CNES, L’Azimut – Châtenay-Malabry, Ville de Pantin / aide à la création Artcena / aide au projet DRAC Nouvelle Aquitaine / participation artistique Jeune Théâtre National, ENSATT / accueils en résidence Les Quinconces et L’Espal – Scène nationale du Mans, Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie, Le Carroi – La Flèche, Le Lieu – St-Paul-de-Serre (Cie Florence Lavaud), Théâtre Du Fil de l’Eau – Pantin

Un Poyo Rojo : un concentré d’énergie et de sensualité

Lorsqu’on s’installe dans la salle Jean Tardieu du Rond-Point – ils sont déjà là, les bougres…- on ne sait pas trop ce qu’on vient voir. On se souvient d’avoir été frustré la saison précédente : la blessure d’un des deux artistes avait entrainé l’annulation du spectacle. Blessé comment, pourquoi ? De quoi s’agit-il au juste ? Match de boxe ? Combat de coq ? Lutte endiablée ? Mise “à mâle” ?
Un Poyo Rojo c’est tout cela à la fois. Mais c’est par dessus tout une danse de vie. Une ode à l’amour, à la passion, à la miraculeuse relation qu’entraine une si forte proximité. Car ces deux-là se connaissent par cœur, à tel point que leurs corps s’attirent tels des aimants.
Dès les premières minutes, une douceur brutale règne sur le plateau. Alfonso Barón et Luciano Rosso se défient du regard, se jaugent tels des animaux avant d’enchaîner les figures, d’entrer dans la danse qui les mènera au combat. Mi-comédiens mi-danseurs, ils font de chaque micro parcelle de leurs corps un simple prodige.

Les prémices de ce spectacle inclassable se déroulent dans un silence total. S’il n’était couvert par l’écho de leur souffle court, on entendrait battre leurs cœurs à l’unisson.
Et puis d’un coup, des sons de radio s’en mêlent, crachotés par une chaine portative délicieusement old-school. Dès lors, les pas de danse de nos deux compères seront calés sur la programmation retransmise en direct. Quelle est la part d’improvisation ? Trouvent-ils l’inspiration à force de faire défiler les stations, alternant flash info, tubes disco et standards de la chanson française ? Ou bien cherchent-ils, à force de zapper sur les ondes, le morceau qui s’accordera le mieux au déroulé du spectacle ? Peu importe, seul le résultat compte : ils parviennent ainsi à nous intégrer totalement dans l’immédiateté de leur pas de deux. Peu à peu l’alchimie qui les unit gagne du terrain : l’énergie communicative d’Alfonso et Luciano se loge en chacun de nous et cela fait un bien fou !

Ils arrivent tout droit de Buenos Aires où ils jouent à guichet fermé depuis 2008, 3 raisons d’aller les découvrir au Rond-Point :
1 – Ils dansent comme des dieux ; dieux du stade, dieux de l’arène, dieux de la scène.
2 – Mais il serait réducteur de les classer dans la catégorie “danse contemporaine” : ils nous offrent un succulent moment de théâtre qui fait la part belle à l’improvisation.
3 – La jolie surprise tient au troisième personnage : une radio vintage qui nous connecte aux joies du direct…

 

À voir au Théâtre du Chêne noir
Du 3 au 7 juillet 2024
Conception et Mise en scène Hermes Gaido
Avec Alfonso Barón et Luciano Rosso
Photos Paolo Evelina

À La Scala – Avignon, un délicieux Petit Prince

“« Le Petit Prince est un livre pour enfants écrit à l’intention des grandes personnes. »
Antoine de Saint-Exupéry

La Scala-Paris, pour les fêtes de fin d’années, fait le cadeau aux enfants et aux “grandes personnes” d’une délicieuse adaptation, joliment respectueuse, et très poétique du grand classique d’Antoine de Saint-Exupéry.

On a tous des images du conte initiatique de Saint-Exupéry, qui voit un Petit Prince venu des étoiles faire le récit des aventures qui l’ont mené jusque sur Terre à un aviateur en panne dans le désert.
Tout est là, le petit prince ébouriffé avec son écharpe jaune paille, le dessin du serpent dans le boa, le mouton dans sa boîte, la rose et le renard, la nostalgie, l’amitié, ce que l’on sait voir avec le cœur et ce que la puissance des rêves peut rendre réel.

Sous les yeux émerveillés des enfants (et des grands, qui en profitent pour retrouver des yeux d’enfants), la rose qui peuple le monde du petit prince, puisqu’elle est venue d’ailleurs, parle avec un accent british, et le petit prince s’envole réellement, flottant au milieu des étoiles. L’accompagnant dans sa quête, on bondit de planètes en planètes à la rencontre des adultes insensés à force d’être si sérieux, si occupés à posséder, obéir, exercer le pouvoir, jusqu’aux rencontres déterminantes, les roses, le renard, le serpent, l’aviateur, autant de jalons de ce parcours initiatique à hauteur de cœur pur.

On peut peut-être regretter le jeu un peu extérieur, un peu «dessin animé », de Hoël Le Corre, qui fabrique un ton enfantin à son Petit Prince – sa présence malicieuse et vive et son minois juvénile n’ont pas besoin de cela pour convaincre petits et grands. Il y a une grande mélancolie dans ce conte, la solitude hante ces personnages, mais ces questions existentielles sont traitées avec une tendresse et une esthétique qui les éclairent avec beaucoup de douceur. C’est Philippe Torreton qui prête sa voix au narrateur, avec ce qu’il faut de simplicité, de clarté et de profondeur. La mise en scène de François Ha Van est élégante, rythmée, joueuse, et la scénographie enchante, mêlant la magie numérique à un univers graphique très réussi. Les dessins sont à la fois poétiques et évocateurs, souvent somptueux, tel la magnifique tapisserie du parterre de roses ou les cartes du géographe. L’impeccable création musicale de Guillaume Aufaure électrise la nuit scintillante et les spectateurs, quel que soit leur âge, se laissent charmer, redescendant sur Terre après ce voyage avec le sourire et des étoiles dans les yeux.

Marie-Hélène Guérin

LE PETIT PRINCE
d’Antoine de Saint-Exupéry, éditions Gallimard
À La Scala – Avignon du 29 juin au 14 juillet 2024
À partir de 5 ans – Durée 1h05
Mise en scène François Ha Van
Avec Hoël Le Corre
Création de magie augmentée : Moulla – Création graphique : Augmented Magic – Chorégraphie : Caroline Marcadé – Création lumière : Alexis Beyer – Création musicale Guillaume Aufaure
Photographies © Thomas O’Brien
Merci à Philippe Torreton, d’avoir prêté sa voix à Saint-Exupéry.

PROCHAINES REPRÉSENTATIONS
Du 10 au 31 décembre à 11h ou 14h
Du 13 février au 2 mars, du mardi au samedi à 19h et les dimanches à 15h

Une production : Le Vélo Volé
Avec le soutien duThéâtre de l’Arlequin de Morsang-Sur-Orge et de la Ville de Boulogne-Billancourt

La Réunification des deux Corées, re-création au Théâtre de la Porte Saint-Martin

La pièce a pour thème l’amour, les couples. On ne peut pas dire que le parti pris soit léger. Peut-être parce que l’amour reste une idée et que son application est toujours un peu décevante. On s’imagine, on croit des choses et puis, en réalité, on tombe toujours des nues. Quoi qu’il en soit, des échos nous sont renvoyés et les problématiques des couples mis en situation nous interrogent et ne nous donnent que peu de réponses, si ce n’est le désespoir et la folie. Rends-moi ce que je t’ai donné, dira-t-elle, rends-le moi ce cœur… Le symbolique disparaît, la folie s’installe…

S’enchaînent une dizaine de scènes de la vie quotidienne, souvent banales, parfois plus dérangeantes, plus questionnantes, mettant en situation des couples, de nos jours, avec leurs difficultés, leurs illusions, quelque soit leur catégorie sociale ou leur âge, leurs ententes préalables. Ça se passe en France.

L’écriture de Joël Pommerat et de ses compagnons de théâtre est sans fioritures, elle va droit au but, elle montre avec efficacité des situations, souvent des points de rupture entre les couples, des séparations, des crises, des scènes, de la violence verbale et physique, des incompréhensions. « Arrête, arrête » est le leitmotiv qui scande toutes les scènes, que ce soit dans la bouche des femmes ou dans celle des hommes.

Une femme internée – dit-on encore ce mot aujourd’hui ? – dans un hôpital psychiatrique atteinte d’Alzheimer et son mari, qui vient la voir chaque jour et chaque jour, elle lui pose les mêmes questions : nous nous connaissons ? Vous dîtes que nous sommes mariés ? Vous dîtes que nous avons des enfants ? Vous êtes bien sûr de ces affirmations ? Et chaque jour, son mari lui répète le même discours, dans un calme exemplaire, parfois, ils font l’amour dans sa chambre d’hôpital.
Une prostituée, également, de luxe plutôt, qui reçoit chaque jour son client favori, avec qui elle a construit une histoire au fil du temps, depuis de nombreuses années. Et quand celui-ci lui annonce qu’il a rencontré quelqu’un et qu’il ne peut plus venir la voir, elle ne comprend pas. Elle, qui a dévoué sa vie, le meilleur de sa vie, à cet homme. Elle reste flegmatique et stratège et demande en contrepartie de son infidélité, qu’il vienne la voir chaque midi et que chaque déjeûner, il le passera avec elle.
Un couple si perturbant. Tout semble joie, ils s’apprêtent à sortir pour passer une soirée en amoureux, ils ont engagé une baby-sitter pour garder leurs enfants en bas-âge. Quand ils reviennent, les enfants ont disparu. La scène dure un moment sans qu’on sache tout à fait où se place la folie. Est-ce la baby-sitter qui serait une criminelle ou ce couple qui serait dérangé et qui n’aurait pas ou plus d’enfant ?
Il n’est pas seulement question d’amour entre hommes et femmes, même si c’est le gros du questionnement, il est également question de l’amour filial et de la place des animateurs socio-cultuels et de leurs gestes physiques envers la détresse des enfants et de la folie des parents.

Le plateau de la porte Saint-Martin est immense et les comédiens évoluent sur fond noir, dans une immensité où ils semblent tout petits, comme pris au piège. Le décor est minimaliste, les lumières souvent blafardes. C’est une ambiance pleine de brouillard et d’angoisse. La lumière n’entre que peu dans cet espace-là.

On en sort assez bouleversés et silencieux, surtout si on y est allé en couple. Que ce soit ce qui nous est dit et la manière dont cela nous est dit, ce qui nous est montré, le jeu des comédiens, souvent à bout de souffle, à bout de nerfs, souvent à hurler, sans qu’on se dise, le trait est trop appuyé, ils en font trop, non, leur cri nous touche comme une déchirure de leur âme et de leur impasse. Les questions évoquées, les troubles de la société lisibles dans les relations de couples, ne nous laissent pas indifférents.

Le public, ce soir-là, comme certainement de nombreux soirs, a applaudi à tout rompre.

Isabelle Buisson,
Atelier d’écriture À la ligne

 

« La Réunification des deux Corées » de Joël Pommerat
Un spectacle de la Compagnie Louis Brouillard
Au Théâtre de la Porte Saint-Martin Jusqu’au 14 juillet 2024
Une création théâtrale de Joël Pommerat
Avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu
Photos © Agathe Pommerat

Distribution complète, partenariat, production : ici

Qui a peur : une farce politique et intime férocement drôle (et drôlement féroce)

Deux acteurs belges, l’un flamand, l’autre wallonne, il y a trente ans, amoureux, plein d’audace et de goût du jeu, sont descendus avec panache de leur piédestal de théâtre subventionné pour lancer sur les routes des provinces comme un défi une mise en scène de Qui a peur de Virginia Woolf ?
Leur charisme, leur drôlerie, l’air du temps… leur mise en scène est devenue un hit.

Deux acteurs sur le retour ce soir baissent le rideau une nième fois sur une représentation de la même pièce qu’ils traînent encore et encore, puisque c’est leur « hit » que les foules (de plus en plus clairsemées) leur réclament. Un Shakespeare ? Une création ultrasophistiquée à la Jan Fabre, Jan Lauwers, JanJanJan ? non, non, non, laissez-tomber, on veut votre « Qui a peur ».
Ils sont crevés, plus ou moins éméchés, rangent le plateau et attendent comme des rapaces – à l’instar des personnages de « Qui a peur de Virginia Woolf » – les jeunes qui vont remplacer leurs partenaires pour la prochaine saison. Ahah, de la chair fraîche !

Qui a peur ? mais tout le monde, mes chers, tout le monde ! de son ombre, de l’avenir, des autres, de vieillir, de ne pas être drôle, de ne pas être aimé, pas être reconnu, pas à la hauteur… La peur est bien utile pour éviter de tomber des falaises et de mettre sa tête dans la gueule du loup, mais aussi comme disent les grands-mères « la peur est mauvaise conseillère ».
Alors c’est prédation et carnage à tous les étages, chacun se joue de chacun, fait le beau, manipule, exerce son pouvoir. Tous ont quelque chose à perdre ou à gagner. Une subvention, un rôle, la fierté d’être soi.

Les personnages ont le nom des comédiens qui les interprètent et les rouages des personnages qu’ils interprètent dans la pièce dans la pièce… Mises en abyme et jeux de miroirs à l’infini. Les quatre comédiens, impeccablement dirigés, donnent chair et cœur à ces êtres pas si facilement aimables, mi-grotesques, mi-flamboyants, parfois minables, qui grattent leurs plaies et celles des autres sans vergogne ni pudeur.

L’écriture de Tom Lanoye est vive, la langue acerbe, triviale, musclée.
Face à face, deux générations, deux façons d’aborder le métier d’acteur, deux moments de la société. Quatre êtres pour raconter un monde, pour parler d’aujourd’hui. Les joutes verbales – en « pas de deux » tendus ou en quatuors animés – questionnent l’art et la politique culturelle, mais aussi le racisme ordinaire des êtres et des institutions, les compromis, mais aussi la passion du théâtre, et ce qu’on est prêt à laisser de sa peau pour ce métier.

Aurore Fattier, actrice, metteuse en scène et directrice de la Comédie de Caen CDN de Normandie depuis janvier 2024, a composé une mise en scène très réaliste, avec une volonté quasi-documentaire, qui reste au plus proche du sujet et du texte. Avec la scénographe Prunelle Rulens elles ont inventé un plateau inversé, décor vu de dos, sièges vides en gradin en face : le spectateur s’y fait voyeur de cette farce politique et intime féroce, parfois drôle, souvent cruelle, servie par un quatuor d’acteurs parfaits d’intelligence, de liberté et d’engagement.

Marie-Hélène Guérin

 

QUI A PEUR
Un spectacle de la compagnie Solarium
Au Théâtre 14 jusqu’au 25 mai
Mise en scène Aurore Fattier
Texte Tom Lanoye
Avec Claire Bodson, Leïla Chaarani, Koen De Sutter et Khadim Fall

Scénographie et Costumes Prunelle Rulens
Images & Vidéo Gwen Laroche
Son Laurent Gueuning
Lumière Franck Hasevoets
Régie Lumière Tom Van Antro | Régie son Jean-Philippe François
Coach Vocal Saskia Brichart
Photos Prunelle Rulens

Production : une création de Solarium | Production déléguée Comédie de Caen – CDN de Normandie | Coproduction Dadanero, le Théâtre Varia, Kulturcentrum Mamer (Luxembourg), La Coop asbl et Shelter Prod.
Avec l’aide du Théâtre des Doms (Avignon) et du Centre des Arts Scéniques. Avec le soutien de taxsHelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge. Solarium est une compagnie associée au Théâtre Varia.
Création au Théâtre VARIA le 17 février 2022.

Le Conte des contes, d’Omar Porras : Flamboyant remède à la mélancolie

Dans une pénombre timburtonienne, des talons claquent exagérément, tels ceux de la maman aux pieds nus dans l’ouverture du mémorable Petit Chaperon rouge de Pommerat. Clic clac, clic clac, dans un rond de lumière, derrière un micro vintage sur pied, un MC de cabaret introduce the show ! Veste de cérémonie, maquillage expressionniste, verbe vif et langue pointue. C’est le docte docteur Basilio.

Il a été convié par la famille Carnesino à soigner la mélancolie du fils aîné Prince, grâce à sa novatrice et ancestrale thérapie : le soin par administration de contes en inoculation massive.

Il était une fois, dans un château au cœur d’une forêt… car dans les contes, il faut un château et, surtout, une forêt… Il était une fois, donc. Papa leprechaun, Maman vamp hollywoodienne, l’ado Prince abasourdi de mélancolie, la cadette, Secondine, fûtée et disgracieusement binoclarde.
Une famille Adams mâtinée République de Weimar, une brave petite famille pas plus dysfonctionnelle qu’une autre. Et même moins, puisqu’ils ont la sagesse de remettre la santé de leur esprit entre les mains des raconteurs d’histoires.

Basilio, c’est le double contemporain de Gambattista Basile, l’auteur du Cunto de li cunti dont s’inspire ici Omar Porras. Gambatttista Basile, poète du XVIIe s., féru de culture populaire napolitaine, avait collecté une cinquantaine de contes, qu’on retrouvera, quelques générations et régénérations (ou dégénérations…) plus tard, chez Grimm ou Perrault. Ou, encore plus loin, chez Disney. Comme dans ce recueil, les contes seront délivrés par les protagonistes, chacun leur tour, chacun leur ton.

Art du masque (sans masques), commedia dell’arte, grommelot, comédie musicale et death metal, blagues potaches et pyrotechnie, pas de danse, plumes d’autruche et chant lyrique, tout est joyeux, tout est instrument de jeu, tout est bon pour la médication !

Certains tableaux se révèleront plus puissants. Les Cendrillons humiliées et mauvaises au rire de mouette dans leur buanderie de cauchemar, la forêt de tulle qui s’envole sous la neige comme par magie, le duo Secondine au piano, Prince au violoncelle, qui apporte de la tendresse à cet univers gothique, un tango, aussi parodique que séduisant, accompagné par un piano nostalgique et des grésillements de 33 tours râpé, resteront en mémoire.

Les narrations des contes semblent bien étrangement sages dans la dinguerie de cette mise en scène fourmillante d’idées et de drôlerie… peut-être pour évoquer la simplicité et la douceur de ce moment du livre du soir entre parent et enfant.
Mais ces sages lectures ne sont que des respirations entre deux incarnations folles – et parfois furieuses – des contes choisis pour extraire Prince de sa mélancolie.
On reconnaît au passage, sous des habits moins policés que ceux auxquels nous sommes habitués Peau d’âne, Cendrillon, La Belle au bois dormant. Ici, les fillettes sont plus raisonnables et courageuses que les rois, elles ne craignent pas de se salir les mains, les mamans savent expliquer à leurs enfants qu’un viol est un viol – quand bien même la Belle endormie n’en a rien su, et personne ne se nourrit que de légumes, d’amour et d’eau fraîche.

Saluons la magnifique recherche esthétique : costumes et maquillages, fastueux et fantaisistes ; accessoires, poétiques et barbares, notamment les très beaux écorchés dont un bœuf rembrantesque ; impeccable création lumière aux noirs profonds et aux éclairages ciselés ; délicieuse création musicale, où le moelleux de pizzicati de violoncelle peut accompagner suavement les pires bouffonneries gore.
La troupe de comédiens-chanteurs-musiciens a du talent et de l’élégance, le sens du rythme et une précision diabolique, passant avec aisance d’un registre à l’autre.

La somptueuse cuisine, les fourneaux de fonte, casseroles de cuivre et couteaux longs comme des sabres, le fronton de carton-pâte, les tables couvertes de linge blanc et de mets sophistiqués disparaissent petit à petit. Pour faire place à des lieux tout aussi oniriques, de plus en plus abstraits, qui se dépouilleront jusqu’à la nudité du plateau de théâtre, guindes apparentes, carré de loupiotes au plafond, rideau rouge au fond et micro à l’avant-scène, consacrant le lieu en music-hall.

Dans cette fête mi-queer mi-raisin, si les princes et les princesses finissent par tomber dans les bras les uns des autres (après tout, c’est le sort que leur réserve traditionnellement les contes), les travestis sont beaux et sans ridicules, les jeunes gens embrassent serpents et bergers, la mère a des perfections et des splendeurs de drag-queen.
Le manoir familial a disparu, la famille aussi d’ailleurs, place à la fête ! Le Chaperon rouge et le loup ne font peut-être qu’un, les enfants dévorent les parents, au milieu des belles reines de Carnaval perchées sur talon de 20, Prince se sent beaucoup mieux…
Ces contes semblent sombres, mais, et c’est bien mieux, ils sont en fait sauvages, et leur sauvagerie est libératrice !, et, comme Basilio guérit Prince de sa mélancolie, ce joyeusement féroce hommage à l’art du spectacle, cette farce orchestrale et rythmique dont on savoure les outrances et le burlesque avec une jubilation enfantine, soigne les spectateurs de la leur.

À voir en famille, mais pas avant 10-12 ans, les jeunes oreilles pourraient être heurtées par quelques crudités ou cruautés, mais surtout parce que le spectacle est touffu, dense, et – on ne les sent pas passées, mais elles sont là – qu’il dure 2 heures.

Marie-Hélène Guérin

 

LE CONTE DES CONTES
Au Théâtre des Amandiers – Nanterre, 16 mai — 1 juin 2024
Un spectacle de la compagnie Teatro Malandro
Texte Giambattista Basile
Conception et mise en scène Omar Porras (Teatro Malandro)
Assistanat à la mise en scène Capucine Maillard
Avec Simon Bonvin, Melvin Coppalle, Philippe Gouin, Jeanne Pasquier, Cyril Romoli, Audrey Saad, Marie-Evane Schallenberger

Photos © Lauren Pasche

Adaptation et traduction Marco Sabbatini, Omar Porras
Scénographie Amélie Kiritzé-Topor | Composition, arrangements et direction musicale | Christophe Fossemalle | Chorégraphie Erik Othelius Pehau-Sorensen
Création Costumes Bruno Fatalot | Assistanat costumes Domitile Guinchard | Accessoires et effets spéciaux Laurent Boulanger | Maquillages et perruques
Véronique Soulier-Nguyen | Assistanat maquillages et perruques Léa Arraez | Couture et habillage Julie Raonison
Création sonore Emmanuel Nappey | Re-création lumière Mathias Roche, Omar Porras
Construction du décor Chingo Bensong, Alexandre Genoud, Christophe Reichel, Noé Stehlé
La chanson « Angel » a été composée par Philippe Gouin (Fabiana Medina / Philippe Gouin)

Production / Production déléguée
TKM Théâtre Kléber-Méleau, Renens
Co-production Théâtre de Carouge – Atelier de Genève, Châteauvallon Scène nationale
Soutiens : Canton de Vaud, Ville de Lausanne, Ville de Renens et autres communes de l’Ouest lausannois, la Loterie Romande Vaudoise, la Fondation Sandoz, la Fondation Leenaards, Pour-cent culturel Migros et de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia

Dans ton cœur : les histoires d’amour, c’est de la haute voltige !

Une rue new-yorkaise, il fait nuit, l’orage gronde et les minots dans le public flippent un peu. Une moderne chaperon rouge fait face à une avide meute de loups en jean et baskets, et les grands dans le public flippent un peu aussi. Une ouverture sombre, histoire de rappeler que la vie n’est pas parfumée qu’à l’eau de rose.
Mais la noctambule chaperon rouge ne s’en laisse pas conter, le drame s’éloigne, et la vie déboule sur le plateau avec une énergie et une fantaisie folles !

Rencontre explosive entre une compagnie circassienne virtuose, Akoreacro, et un maestro du burlesque, Pierre Guillois, qui, ici comme ailleurs (Bigre, Les Gros patinent bien…), fait naître rires et émotions avec une grande économie de mots, et une grande générosité d’imagination.
Talentueux mariage pour raconter une crépitante histoire d’amour !

« Elle » et « lui » (Manon Rouillard et Antonio Segura Lizan, artistes de voltige vifs et impressionnants, autant que la troupe de porteurs-acrobates qui les entourent) se rencontrent, se passionnent, se mettent en ménage, biberonnent, pouponnent, réaménagent, se chahutent, vont voir ailleurs s’ils y sont, se perdent, se retrouvent, bref, vivent.

La routine de leur quotidien les transforme en marionnettes d’un « théâtre noir » un peu dingue, dont les manipulateurs – tout de noir vêtus comme il se doit – sont apparents. Elle, illustre littéralement l’expression « je ne touche plus terre », tournoyant en l’air d’un ustensile ménager à l’autre, d’une main chargeant un lave-linge et de l’autre préparant le souper, tout sourire et sans interrompre son amicale conversation téléphonique. Lui, surgit porte-bébé au dos, poussant poussette et tenant cabas de courses, perché à deux mètres du sol sur les mains des porteurs, tranquille comme dans une cabine d’ascenseur.

Le couple bat de l’aile, Elle s’enflamme pour un fougueux danseur de tango, Lui pour une majestueuse Cassandra qui vit lovée dans un froufroutant boa sur une estrade flottant à 5 mètres du sol.

Des échappées belles au cœur de la frénésie laissent place à l’émotion. Soutenu par une belle contrebasse, un acrobate défie les lois de la gravité à la roue Cyr l’air de rien, comme on se grille une clope sur un balcon. Un étonnant duo aérien et amoureux entre Cassandra et Lui les envoie en l’air au sens propre tandis qu’Elle lave son linge sale en solo.

Dans un beau décor urbain en perpétuel mouvement, porté par la musique en direct d’un quatuor électrique et échevelé, Dans ton cœur, c’est du cirque musclé, où acrobaties et sentiments sont puissants. Derrière les acrobaties de haute volée, on retrouve l’univers tendre et farfelu de Pierre Guillois. Un spectacle volcanique, hilarant, spectaculaire, et poignant.
À voir en famille, à peu près à partir de 7 ans, tout le monde en prend plein les yeux et les zygomatiques, et les plus grands en prennent aussi plein le cœur.

Marie-Hélène Guérin

 

DANS TON COEUR
Un spectacle de la compagnie Akoreacro
Mise en scène Pierre Guillois
Avec Manon Rouillard, Romain Vigier, Maxime Solé, Basile Narcy, Maxime La Sala, Antonio Segura Lizan, Pedro Consciência, Tom Bruyas, Joan Ramon Graell Gabriel, Stephen Harrison, Gaël Guelat, Robin Mora, Johann Chauveau
Photographies © Richard Haughton
 

 
Oreilles extérieures : Bertrand Landhauser | Assistanat à la mise en scène : Léa de Truchis
Costumes et accessoires : Elsa Bourdin | Assistée de : Juliette Girard, Adélie Antonin
Scénographie circassienne : Jani Nuutinen / Circo Aereo | Assisté de : Alexandre De Dardel
Construction : Les Ateliers de construction, maison de la culture Bourges
Régie générale et chef monteur : Idéal Buschhoff | Lumières et régie : Manu Jarousse
Création sonore et régie son : Pierre Maheu
Production et diffusion : Jean-François Pyka
Administration générale : Vanessa Legentil

Production Association Akoreacro Coproduction Le Volcan – Scène nationale (Le Havre), maisondelaculture Bourges, CIRCa – Pôle national des arts du cirque (Auch), Agora – PNC Boulazac Aquitaine, Équinoxe – Scène nationale de Châteauroux, EPCC Parc de la Villette (Paris), Fonds de dotation du Quartz (Brest), CREAC Cité Cirque de Bègles, Théâtre Firmin Gémier, La Piscine, Pôle national Cirque d’Île-de- France, L’Atelier à Spectacle (Vernouillet) Accueil en résidence CIRCa – Pôle national des arts du cirque (Auch, Gers, Midi-Pyrénées), Agora – PNC Boulazac Aquitaine, Cheptel Aleïkoum (Saint-Agil), Le Volcan – Scène nationale (Le Havre), maisondelaculture Bourges, Le Sirque – Pôle national cirque de Nexon, L’Atelier à Spectacle (Vernouillet)
La compagnie Akoreacro est conventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Centre-Val de Loire, ainsi que par la Région Centre-Val de Loire.
Akoreacro reçoit le soutien de la DGCA (aide à la création), de la Région Centre-Val de Loire (création et investissement), de l’ADAMI et de la SPEDIDAM (aides à la création).