Kennedy : les Damnés de l’Amérique
19 Mai 1962 : dans la tête de JFK. On a beaucoup parlé des Damnés de Visconti/Van Hove pendant le festival d’Avignon 2016. Tous les jours à 15h, jusqu’au 30 juillet, le Chêne Noir nous donne l’occasion de pénétrer dans une autre légende noire familiale : celle des Kennedy.
Nous sommes le 19 Mai 1962, dans une suite d’un luxueux hôtel new yorkais. Marylin Monroe vient de susurrer à la tribune, en Mondovision, un Happy Birthday aussi sensuel qu’éméché. JFK, pourtant, est vite parti se réfugier en coulisses. Les crises de la maladie d’Addison dont il souffre sont de plus en plus fréquentes. Et ce soir, derrière l’apparence d’une fête d’anniversaire parfaitement réussie, se cachent l’intolérable souffrance d’un Président et les démons d’une famille.
Bobby (Dominique Rongvaux) a beau tenter de raisonner son frère de président (Alain Leempoel) : John ne veut pas entendre parler d’un retour sur scène. La douleur dans son dos est une vraie torture ce soir, et aller serrer toutes les mains qui l’attendent, qu’elles soient soumises, admiratives, ou déjà conspiratives, est au-dessus de ses forces. De plus, très vite, apparaît une jeune femme à l’identité mystérieuse (Anouchka Vingtier) mais à(aux) apparence(s) pourtant familière(s). Qui est-elle ? Que veut-elle ?
©Aude Vanlathem
“Si JFK n’a pas commandité son propre assassinat, qu’a-t-il fait pour éviter la balle fatale ?” (Thierry Debroux)
C’est là tout l’astucieux parti pris de l’auteur belge Thierry Debroux (par ailleurs directeur du Théâtre Royal du Parc à Bruxelles) : et si, finalement, l’issue fatale de JFK était moins due à Oswald, à Castro, à la Mafia… qu’à un acte manqué porté par JFK lui-même, un rendez-vous inéluctable avec le destin d’un homme et d’une famille ? Dans ce huis-clos habilement mené, on (re)découvre la face cachée de John : les relations ambigües avec son cadet, Bobby, la raison d’un appétit sexuel presque maladif, le pacte passé avec Jackie… On regrettera, peut-être, ça et là, un texte un peu trop foisonnant et didactique, voulant jouer avec toutes les composantes de « l’imagier Kennedy ». On sort de cette suite d’hôtel ému et touché d’avoir assisté à un bout d’Histoire américaine…même si celle-ci est totalement inventée : elle est très justement restituée grâce à un travail théâtral parfaitement maîtrisé.
Le théâtre ne s’était pas si souvent emparé de la légende des Kennedy : c’est chose faite, et c’est chose bien faite.
1 – La mise en scène de Ladislas Chollat est précise, soignée et, comme souvent, cinématographique. L’intégration de vidéos d’archives projetées sert le récit en y amenant même une certaine émotion.
2 –Les trois personnages joués par les comédiens sont très profondément ancrés dans notre imaginaire collectif : pourtant, ils parviennent à les incarner avec beaucoup de justesse, sans les imiter.
3 – Sous l’enveloppe parfaite des Kennedy se cachait un côté très obscur : beaucoup d’ouvrages ont révélé l’envers du mythe. Cela offrait un « ferment dramaturgique » idéal que Thierry Debroux a efficacement utilisé.
KENNEDY– spectacle vu le 22 juillet 2016 au Théâtre du Chêne Noir.
Une pièce de Thierry Debroux
Mise en scène : Ladislas Chollat
Avec : Alain Leempoel, Dominique Rongvaux, Anouchka Vingtier
Reprise parisienne prévue la saison prochaine
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