Superpositions
Déjà, le détour au Théâtre 13 n’est pas sans surprise. On y découvre un théâtre en hémicycle, moderne et confortable, conçu pour bien voir et bien entendre de partout. Un petit bijou d’architecture signé Éric Pannetier.
Ensuite, le projet du Théâtre Mantois qui nous propose « La guerre de Troie (en moins de deux !) » est un projet ambitieux qui fait appel à bien des corps de métier. Comment raconter toute la guerre de Troie en une heure vingt sans s’emmêler les pinceaux et en rendant l’ensemble attractif ? C’est le pari de cette pièce. Forcément, même si le pari est tenu et même si l’ambition nous parvient, c’est un peu comme lorsqu’on visite les monuments d’Europe en miniature dans un parc dédié : l’impression est stupéfiante, l’idée est géniale mais on a indubitablement l’impression d’une contrefaçon.
Pourtant, l’histoire, tellement rocambolesque, de ces dieux et demi-dieux nous parvient malgré tout grâce à plusieurs facteurs. D’abord, l’écriture, car il y en a une, malgré les nombreuses réécritures qui ont vu ce texte remanié, malgré les nombreux auteurs antiques convoqués. Il y en a une portée par un souffle épique mêlé à une modernité de langage, comme quand Achille et Ajax se battent à coup d’insultes métaphoriques, on croirait presque entendre du Léo Ferré.
© Laure Ricouard
Ensuite, l’économie de moyens : une table, des chaises, de la lumière, qui fait la part belle aux costumes, superposition encore une fois des époques de l’antique au contemporain. Comme les demi-jupes longues à motifs treillis des guerriers face à Troie, semblables aux robes de princesses sorties d’un char d’assaut. Un autre élément encore n’est pas à négliger, c’est la musique au piano, qui accompagne tout le spectacle, une composition originale de Christian Roux, qui colle parfaitement à ce qui nous est raconté, qui nous entraine entre concerto classique et musique pour films muets. Et les chansons aussi, drôles et écrites, qui s’inspirent de la chanson de geste et convoquent ici le Moyen-Age, où le Graal, le cheval de Troie et les westerns se chevauchent.
Toute l’histoire est narrée à la troisième personne, chaque personnage, distancié de lui-même nous raconte les faits, un résumé dans les grandes lignes, les moments clefs. Et même si l’on sent le tour de force que cela a dû être pour unifier l’histoire et le style, en conséquence, l’ensemble manque un peu d’incarnation et d’émotion du fait de cette distanciation. C’est plus l’amusement qui mène les troupes. Parce qu’on rit beaucoup des facéties de ces héros, de leur rencontre avec la modernité, de la petitesse des dieux finalement et des trouvailles de mise en scène. Les comédiens s’amusent comme des enfants inventant leur jeu au fur et à mesure qu’il se déroule, le public s’amuse, le pianiste s’amuse jusqu’à simuler son propre assassinat par l’un des héros de l’histoire. Et c’est incontestable qu’on passe un bon moment de 7 à 77 ans.
Isabelle Buisson
LA GUERRE DE TROIE (EN MOINS DE DEUX !)
À l’affiche du Théâtre 13 jusqu’au 10 Juin
Texte Eudes Labrusse, d’après Homère, Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile…
Mise en scène Jérôme Imard et Eudes Labrusse
Compagnie Théâtre du Mantois (Ile-de-France)
Avec : Catherine Bayle, Audrey Le Bihan, Hoa-Lan Scremin, Laurent Joly, Nicolas Postillon, Loïc Puichevrier, Philippe Weissert
Musique de scène (piano / guitare) Christian Roux
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