Solaris, où science sans fiction n’est que ruine de l’âme
Les références sont posées: Tarkovski, 1972, grand prix du festival de Cannes. Stanislas Lem, 1961. Bam. Du lourd. Mais peu importe, le pari est lancé: on ne voit pas tous les jours de la science-fiction sur un plateau de théâtre, et c’est l’occasion ou jamais d’en faire l’expérience, que vous soyez fan de SF ou novice en la matière, c’est le moment de vous faire surprendre, vous allez vite comprendre pourquoi…
Imaginez une planète où vos souvenirs deviennent réalités – jusque là, ça peut être plutôt pas mal – mais où votre passé vient vous rendre visite sous la forme de créatures intelligentes jusqu’à vous faire perdre le contrôle de vos sentiments et de votre raison – là, ça commence à être un peu chaud… – et bien, bienvenue sur Solaris.
C’est ce à quoi est confronté le psychologue Kris Kelvin, envoyé en mission sur la station d’observation autour de Solaris suite à la présence de phénomènes étranges détectés sur la station et provoqués par un océan intelligent. Comme ses confrères, il est victime des surgissements de son inconscient sous forme d’apparitions. Sa femme décédée y a 10 ans par exemple… Il y a de quoi devenir fou.
Si « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – merci Rabelais – ici ce serait bien la confrontation de l’homme face à son inconscient et à ses propres limites qui pourrait le faire courir à sa perte (comme c’est le cas du docteur Gibarian). Cet océan intelligent met en effet l’homme face à l’épreuve de la séparation et du détachement – les apparitions ne concernant que des personnes déjà disparues de la vie des personnages.
«Nous ne recherchons que l’homme.
Nous n’avons pas besoin d’autres mondes.
Nous avons besoin de miroirs.» Stanislas Lem, Solaris.
Paradoxe donc de la science-fiction qui a recours à un autre monde pour mieux sonder les abîmes de l’homme, son énigme, son mystère. Paradoxe du théâtre qui a recours à la projection d’une réalité imaginaire pour mieux saisir l’âme humaine.
Paradoxe réussi dans cette mise en scène de Solaris. On aime la fumée, les lumières – effets SF garantis – , la base spatiale, on y est et on y croit. Mission Solaris, décollage immédiat ! on prend vite sa place, les départs en station Solaris se font jusqu’au 30 septembre.
© Avril Dunoyer
Au Théâtre de Belleville jusqu’au 29 janvier 2019 (lundi et mardi 21h15, dimanche 20h30)
Texte Stanislas Lem
Adaptation pour la scène Rémi Prin, Thibault Truffert
Avec Thibault Truffert, Louise Emma Morel, Quentin Voinot et Gabriel Laborde
Voix Mathilde Chadeau, Fabrice Delorme et Pierre Ophèle-Bonicel
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