L’identité est un leurre
Première création au Théâtre de la Colline dont il reçut les clés en avril 2016. Premier grand, grand spectacle depuis sa trilogie qui le fit connaître au niveau international… Avec Tous des oiseaux, Wajdi Mouawad nous offre un récit épique digne des plus grandes tragédies. Tout part, comme souvent, d’une histoire d’amour toute simple, d’un coup de foudre, d’une rencontre façon big-bang. Pas si simple que cela cette idylle qui unit, dans le quartier du Bronx, le juif allemand Eitan à la jeune américaine d’origine arabe Wahida. Compliquée cette histoire qui rend fou de colère David, le père d’Entant. “Tu me forces à exclure quand je ne veux pas”, assène David lors du repas de Pessah où tout éclate – “En quoi aimer sépare ?” lui rétorque Eitan.
La fureur du père, cette violence, cette rage, ce ressentiment : d’où viennent-ils ? Sans doute de bien plus loin que du conflit israëlo-palestinien qui est la toile de fond de cette saga shakespearienne. Au fil du récit-fleuve de Mouawad (4 heures qui passent à toute vitesse) on découvrira ce que David lui-même ignore de sa propre histoire…
@Simon Gosselin
“ L’identité ? facile. 46 chromosomes. L’amour, la jeunesse, les rêves ? 46 chromosomes !“
Car souvent, toujours dans les pièces de l’auteur libano-québecquois, il y a cette quête d’identité, totale. Comme une raison de vivre… Sans doute encore plus prégnante dans Tous des oiseaux qu’elle est liée aux différentes langues que sont les langues maternelles des personnages. Eitan et Wahida parlent anglais entre eux, Eitan parle allemand lorsqu’il visite ses parents à Berlin, David et son père Etgar parlent souvent yiddish, Wahida parle arabe lorsqu’elle s’adresse à Hassan El Wassan, un diplomate du XVe siècle réfugié au Maroc sur lequel elle rédige sa thèse… Quelle gageure de jongler entre toutes ces sonorités ! Le résultat est fascinant, envoûtant, captivant, magique.
“L’identité n’est pas l’origine. Elle est seulement un rêve, une utopie.”
Au-delà d’une écriture foisonnante, parfois un peu grandiloquente mais très souvent brillante, ce qui fait la richesse de ce spectacle, ce sont les trouvailles de mise en scène et l’infinie beauté de la scénographie. Au gré d’une impressionnante fluidité du dispositif, on passe en quelques secondes d’une bibliothèque à une chambre d’hôpital, d’une salle à manger berlinoise aux rues de Jérusalem, d’une salle d’attente d’aéroport au désert palestinien, de l’enfance de David à sa mort brutale.
Alternant entre les différentes langues, les comédiens portent le texte de Mouawad avec un immense talent. Merci à eux, merci à leur auteur et metteur en scène de nous faire voyager aussi loin, aussi intensément… À la manière des oiseaux…
-Sabine Aznar-
TOUS DES OISEAUX
À l’affiche du Théâtre de la Colline du 17 novembre au 17 décembre 2017 (mardi au samedi 19h30, dimanche 15h30)
Texte et mise en scène : Wajdi Mouawad
Avec : Jalal Altawil, Jérémie Galiana, Victor de Oliveira, Leora Rivlin, Judith Rosmair, Darya Sheizaf, Rafael Tabor, Raphael Weinstock, Souheila Yacoub
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