La main de Leïla : théâtre merveilleux
Comment? Vous ne connaissez pas encore le “Haram cinéma”? Vous ne connaissez pas le cinéma le plus illégal de toute l’Algérie? L’Algérie des baisers censurés par la morale, des amours bannies par la religion, des indignations punies par l’ordre politique? Dans ce cas, venez écouter l’histoire de Samir et Leila. Le récit de leur liaison interdite, dans cette Algérie de la pénurie organisée pour tarir la révolte de la jeunesse.
Aïda Asghardzadeh d’origine iranienne et Kamel Isker d’origine kabyle ont écrit cette pièce avec poésie et passion. Aux côtés du très charismatique et malicieux Azize Kabouche, ils en sont aussi les héros sur scène, transcendés par l’intensité d’une histoire qu’ils vivent dans leur chair, qu’ils nous content avec fougue, humour, gravité… Laissez vous transporter par leurs regards embués de la sueur et des larmes de leurs propres émotions.
Les deux co-auteurs et acteurs ont eu l’étincelle géniale de faire appel à Regis Vallée pour une mise en scène lumineuse et créative. Quelle gentillesse, quelle émotion, quelle sensibilité et quel talent ! Tous les quatre ont travaillé, créé, sans rien laisser au hasard, sauf l’essentiel : la magie d’une rencontre avec le public.
La mise en scène est captivante, chaleureuse, poétique. Elle magnifie une pure tragédie, façon “Roméo et Juliette moderne, bien de chez nous”. Les accessoires scéniques se métamorphosent et dévoilent les secrets de l’histoire qui s’égrène, ils nous surprennent, tels des poupées russes aux multiples visages. Les caisses de bouteilles en plastique forment un décor d’épicerie, un banc, une table à repasser puis se muent en un instant en barricades de la révolte. Le frère de Leïla porte une veste de survêtement rouge et lorsque l’on comprend que les balles l’ont frappé, son père n’a plus qu’à enfiler la veste rouge sur les bras et à se retourner pour pleurer son fils qui s’éteint contre lui… magnifique moment de théâtre.
@Lisa Lesourd
“On est peut-être en train de changer l’Algérie pour de vrai ; c’est maintenant que tu peux te faire entendre”.
L’eau est rationnée et rythme un quotidien de privations dans lequel l’amour et l’envie d’ailleurs sont les seules sources d’espoir. Quand cette eau rejaillit enfin, elle devient la métaphore d’un ultime souffle de vie dans lequel nous plongeons, sans bouteilles, avec nos trois sublimes acteurs. Sous l’eau, sans eau, c’est avec l’audace de leurs baisers que nous respirons, jusqu’à l’épilogue.
Dans cet “espace vide” et de rêves qu’est le théâtre, Peter Brook avait déjà identifié et défini des théâtres bien différents. Le théâtre qui nous émeut, celui qui nous rassure, nous révolte, nous ennuie… le “théâtre bourgeois”, le “théâtre rasoir”. Il faudrait y ajouter celui du théâtre merveilleux, celui de “La main de Leïla”.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=keoBJYmVPDE]
LA MAIN DE LEILA
À l’affiche du Théâtre des Béliers Parisiens du 23 septembre au 31 décembre 2017 (mercredi au samedi 19h, dimanche 15h)
Un spectacle de : Aïda Asghardzadeh et Kamel Isker
Mise en scène : Régis Vallée
Avec : Aïda Asghardzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche
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