Les mots d’Une Vie
Auteur dramatique de référence, Pascal Rambert n’est pas connu du grand public. Et le sujet qu’il nous propose d’explorer dans « Une Vie », la recherche de l’identité d’un artiste de renommée internationale à travers une interview donnée à la radio, ne paraît pas très théâtral.
C’est sans doute ce qui explique que le public soit un peu clairsemé dans la salle du Vieux-Colombier où les acteurs de la Comédie-Française sont mis en scène par Rambert lui-même.
Cependant, il faut aller voir et écouter cet exercice de poésie assez rare. Oui, de poésie. Toute la vie d’un homme est là, dans ce studio de radio qui accueille tour à tour les fantômes de cette vie, sous le regard matois et la voix mielleuse d’un interviewer malmené (Hervé Pierre, touchant et malicieux).
@Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française
“Vivre, c’est vouloir ne rien manquer du réel”.
C’est d’abord la mère qui apparaît en génitrice amoureuse de son fils, enfant de l’amour charnel et de l’amour véritable. Magnifique interprétation de Cécile Brune, qui, tout en autorité et en émotion, nous livre un sublime voyage truffé de références classiques et mythologiques pour décrire le moment précis de la conception de son fils chéri.
Vient ensuite l’amour de jeunesse, une jeune femme d’une délicatesse infinie, la bien nommée Iris. Jennifer Decker nous entraîne avec douceur dans l’aventure qui nous fait passer de l’enfance à l’âge adulte. La comédienne en fait l’un des moments les plus forts de la pièce.
Puis c’est au tour de l’enfant, l’enfant qu’il était, lui, l’artiste, de s’inviter dans le studio. Il nous renvoie à la réalité grâce à des aphorismes balancés avec affront par le jeune Nathan Aznar, qui fait preuve d’une grande maturité de jeu, c’est assez rare pour être souligné.
“On est ce vers quoi l’on va. Point.”
Le frère mal aimé, le frère « Amer », fait alors irruption. Violent, écorché, détruit, radical, Alexandre Pavloff réussit à nous emmener dans une sorte de folie et passe aisément du rire aux larmes sur un texte qui laisse apparaître quelques références bibliques et psychanalytiques (oui, ça existe !).
Enfin le diable fait son entrée. Il est le meilleur ami, l’âme damnée de l’artiste quand il était jeune. Il est beau et séduisant, il affiche une assurance insolente. Sébastien Pouderoux remplaçait au pied levé Pierre Louis-Calixte ce soir-là, et il était confondant de naturel. Du grand art.
L’artiste, c’est Denis Podalydès. En manipulateur tour à tour sec, violent, lyrique, cru, méchant, doux, ému, il est parfait. Lorsqu’il évoque la beauté des « ornements », notre cœur se serre.
L’artiste, c’est aussi Pascal Rambert, qui nous offre sa vision d’une vie à travers l’incroyable richesse de son langage. Ses phrases sont sculptées, peut-être à la manière du Bernin, et sa pièce est un vrai moment de grâce.
UNE VIE
À l’affiche du Théâtre du Vieux-Colombier de la Comédie-Française du 24 mai au 2 juillet 2017 (20h30 du mercredi au samedi, mardi à 19h, dimanche à 15h)
Texte et mise en scène : Pascal Rambert
Avec : Cécile Brune, Denis Podalydès, Alexandre Pavloff, Hervé Pierre, Pierre Louis-Calixte, Jennifer Decker
Répondre
Se joindre à la discussion ?Vous êtes libre de contribuer !