Heroe(s), des humains d’aujourd’hui

Un premier spectacle à Avignon, c’est une première fois.
Comme pour toutes les premières fois, on n’a pas envie d’être déçu.
On sait que ce spectacle ne sera pas comme les autres. Quel qu’il soit. Il est le premier. Il donnera la couleur. Il donnera le ton. Il mettra du temps à s’effacer.
Même sans le vouloir, on y met ses espoirs, ses envies. Presque tous ses espoirs, et toutes ses envies. Malgré soi. On ne partage pas (encore) avec les petits frères et petites sœurs à venir.
On y vient entier. Ouvert. En friche.
Alors ça fait du bien quand la première graine semée est de qualité. On sent que « ça part bien. » On sort ragaillardi, confiant, serein, même si on sait que le mauvais temps surgit toujours sans prévenir, malgré toutes nos certitudes, et que le risque se renouvelle à chaque fois qu’on entre dans une salle.

Heroe(s)

Trois hommes s’adressent à nous. Leur projet, faire un spectacle à trois compagnies. Ils sont trois metteurs en scène. Un projet longue durée. Un spectacle sur le monde d’aujourd’hui. Et tout un rêve d’interactivité, et de déambulation, … enfin surtout, l’envie (l’utopie ?) d’un partage avec le public, d’une adéquation, d’une cohérence du théâtre avec le monde qui l’entoure.

Des hommes. Trois. Différents. Qui surgissent et se parlent. Expliquent et sont.
La sobriété des chiffres, leur froideur, l’immatérialité de ces suites de zéro trop longues pour qu’on ait envie de tenter de les compter.
Et comment lutter? quoi faire contre un système?
Les scandales du capitalisme révélés par les robins des forêts d’algorithme.
Étranges super-héros que ces êtres que rien ne protège.
Rien.
Pire que les repentis de la mafia. Un mauvais film. Ou — pire — un bon…
Pas de la fiction. Du cinéma du réel.
Un film de guerre. Non. Pas un film. LA guerre. La Guerre d’aujourd’hui. Pas le vieux re^ve d’hier, englué dans les contes et les fictions d’antan
Vous ne savez plus ce que c’est que la guerre.
La résistance est à réinventer.
Le théâtre se réinvente aussi.

Le musicien…? on n’avait pas tout de suite compris. Cette silhouette à capuche sur le plateau, comme un mystère, une menace,… la caricature d’une menace, oui. Une capuche serait menaçante? (Honte de cette pensée)
Cette présence physique de la musique sur scène, présence à la fois humaine et technologique nous ressemble, à nous êtres humains de 2018, à la fois humains et technologiques.
Un ordinateur, un violon électrique, et surtout un être vibrant qui les anime, les caresse, les guide.
Branchés en permanence à nos machines. Presque perdus sans elles, nous sommes.
Ou tentons d’être.
Nous restons terriblement humains, charnus, transpirants. Veules, faibles parfois.

Les bulles électroniques naissent et retombent dans le silence.
Et chante le cri écorché du violon électrique.

 

Heroe(s) - affiche

Heroe(s).
De Guillaume Barbot, d’après un travail collectif
Mise en scène et interprétation : Philippe Awat / Guillaume Barbot / Victor Gauthier-Martin
Création sonore et musique live : Pierre-Marie Braye-Weppe
A La Manufacture, du 6 au 26 juillet 2018, à 10h20

 

[vimeo 248337162 w=600 h=338]

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