Frères humains
Il y a des spectacles qu’on aimerait ralentir tellement on y prend du plaisir. On regrette qu’ils passent si vite.
Bien sûr on pourrait revenir les voir mais on sait que ce ne sera pas la même chose. Comme les bons livres, on envie ceux qui ne les ont pas encore lus. On voudrait pouvoir retrouver la virginité.
Comme un enfant ébloui à la fête foraine, de tant de lumières, de tant de bruits, on tourne la tête dans tous les sens, on ouvre le cœur à tous les vents, prêts à être surpris par une autre émotion.
On suffoque presque de tant de grâce. En douceur.
Déjà en le voyant, on voudrait le garder en entier en nous. Pouvoir s’y replonger.
On y repense comme à une rencontre amoureuse. Une soirée, une nuit d’amour.
Tel moment. Tel geste. Tel frisson. Tel regard.
Pas lu le programme. Juste une envie. Une intuition. On arrive à la Patinoire de la Manufacture.
De quoi ça cause?
Une fratrie. Nombreuse. Perdues au milieu, deux soeurs. Une absente, une présente.
Un chant. Délicat. Friable. Des chants.
Pas de micros. Ouf.
Une jeunesse s’approprie le théâtre, le fait avancer. Sans révolte. En douceur et en précision. Sur le fil de la justesse. Sans excès. Ou si plutôt : avec une telle justesse dans les excès qu’on l’y accompagne sans effort.
On pourrait citer sans doute des inspirateurs, des parrains de théâtre, conscients ou inconscients, mais ces fantômes sont déjà loin, digérés, intégrés. Ce théâtre-là est ici, maintenant; il est jeune, il regarde devant.
Dans ce spectacle le théâtre tremble, vit, progresse.
Avec intelligence, sans affectation, sans outrance, sans posture.
Il travaille le vrai, la matière humaine, la fouille sans la résoudre, sans la dissoudre. L’écorche et l’émeut.
Des pépites.
Je les garde.
Je ne raconte pas.
Allez-y.
Agnès T.
UN HOMME QUI FUME C’EST PLUS SAIN
Manufacture du 6 au 26 juillet, 11h30
Création collective de BAJOUR
Mise en scène Leslie Bernard
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