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La Réunification des deux Corées, re-création au Théâtre de la Porte Saint-Martin

La pièce a pour thème l’amour, les couples. On ne peut pas dire que le parti pris soit léger. Peut-être parce que l’amour reste une idée et que son application est toujours un peu décevante. On s’imagine, on croit des choses et puis, en réalité, on tombe toujours des nues. Quoi qu’il en soit, des échos nous sont renvoyés et les problématiques des couples mis en situation nous interrogent et ne nous donnent que peu de réponses, si ce n’est le désespoir et la folie. Rends-moi ce que je t’ai donné, dira-t-elle, rends-le moi ce cœur… Le symbolique disparaît, la folie s’installe…

S’enchaînent une dizaine de scènes de la vie quotidienne, souvent banales, parfois plus dérangeantes, plus questionnantes, mettant en situation des couples, de nos jours, avec leurs difficultés, leurs illusions, quelque soit leur catégorie sociale ou leur âge, leurs ententes préalables. Ça se passe en France.

L’écriture de Joël Pommerat et de ses compagnons de théâtre est sans fioritures, elle va droit au but, elle montre avec efficacité des situations, souvent des points de rupture entre les couples, des séparations, des crises, des scènes, de la violence verbale et physique, des incompréhensions. « Arrête, arrête » est le leitmotiv qui scande toutes les scènes, que ce soit dans la bouche des femmes ou dans celle des hommes.

Une femme internée – dit-on encore ce mot aujourd’hui ? – dans un hôpital psychiatrique atteinte d’Alzheimer et son mari, qui vient la voir chaque jour et chaque jour, elle lui pose les mêmes questions : nous nous connaissons ? Vous dîtes que nous sommes mariés ? Vous dîtes que nous avons des enfants ? Vous êtes bien sûr de ces affirmations ? Et chaque jour, son mari lui répète le même discours, dans un calme exemplaire, parfois, ils font l’amour dans sa chambre d’hôpital.
Une prostituée, également, de luxe plutôt, qui reçoit chaque jour son client favori, avec qui elle a construit une histoire au fil du temps, depuis de nombreuses années. Et quand celui-ci lui annonce qu’il a rencontré quelqu’un et qu’il ne peut plus venir la voir, elle ne comprend pas. Elle, qui a dévoué sa vie, le meilleur de sa vie, à cet homme. Elle reste flegmatique et stratège et demande en contrepartie de son infidélité, qu’il vienne la voir chaque midi et que chaque déjeûner, il le passera avec elle.
Un couple si perturbant. Tout semble joie, ils s’apprêtent à sortir pour passer une soirée en amoureux, ils ont engagé une baby-sitter pour garder leurs enfants en bas-âge. Quand ils reviennent, les enfants ont disparu. La scène dure un moment sans qu’on sache tout à fait où se place la folie. Est-ce la baby-sitter qui serait une criminelle ou ce couple qui serait dérangé et qui n’aurait pas ou plus d’enfant ?
Il n’est pas seulement question d’amour entre hommes et femmes, même si c’est le gros du questionnement, il est également question de l’amour filial et de la place des animateurs socio-cultuels et de leurs gestes physiques envers la détresse des enfants et de la folie des parents.

Le plateau de la porte Saint-Martin est immense et les comédiens évoluent sur fond noir, dans une immensité où ils semblent tout petits, comme pris au piège. Le décor est minimaliste, les lumières souvent blafardes. C’est une ambiance pleine de brouillard et d’angoisse. La lumière n’entre que peu dans cet espace-là.

On en sort assez bouleversés et silencieux, surtout si on y est allé en couple. Que ce soit ce qui nous est dit et la manière dont cela nous est dit, ce qui nous est montré, le jeu des comédiens, souvent à bout de souffle, à bout de nerfs, souvent à hurler, sans qu’on se dise, le trait est trop appuyé, ils en font trop, non, leur cri nous touche comme une déchirure de leur âme et de leur impasse. Les questions évoquées, les troubles de la société lisibles dans les relations de couples, ne nous laissent pas indifférents.

Le public, ce soir-là, comme certainement de nombreux soirs, a applaudi à tout rompre.

Isabelle Buisson,
Atelier d’écriture À la ligne

 

« La Réunification des deux Corées » de Joël Pommerat
Un spectacle de la Compagnie Louis Brouillard
Au Théâtre de la Porte Saint-Martin Jusqu’au 14 juillet 2024
Une création théâtrale de Joël Pommerat
Avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu
Photos © Agathe Pommerat

Distribution complète, partenariat, production : ici

Marie Piemontese

Interview de Marie Piemontese, auteure interprète

Interview du 12 février 2015
Chez elle – Paris 18ème

Actuellement en tournée avec le spectacleLa Réunification des deux Corées


La Réunification des deux Corées

Histoires de couples par le magicien Pommerat

Vu le 19 décembre 2014 – Ateliers Berthier- Théâtre de l’Europe
Actuellement en tournée
Mise en scène : Joël Pommerat

 

Copyright : Elizabeth Carecchio

“Quand Joël Pommerat, l’un des auteurs-metteurs en scène les plus doués du moment s’intéresse à nos histoires de couples…”

Si vous ne connaissez pas encore Joël Pommerat, si vous n’avez pas encore assisté à l’une de ses mises en scène, je vous envie : il vous reste à découvrir un véritable magicien.

Jeudi 19 décembre – Ateliers Berthier.
Un plateau bifrontal.
Une place au centre du premier rang de cette salle transfigurée par Joël Pommerat.

Une succession de scènes de vie quotidienne – scènes de ménage, scènes de famille.
Souvent émouvantes, parfois drôles, toujours justes.
C’est précisément l’enchaînement qui est dingue chez Pommerat…
En trois secondes de noir le spectateur quitte le cortège d’un mariage pour se retrouver en pleine fête foraine. Avec de vraies auto-tamponneuses.
Trois autres secondes pour atterrir dans un asile psychiatrique. Et les auto-tamponneuses ont disparu : si ce n’est pas de la magie, ça!
Magie aussi les comédiens qui, surgis de nulle part, donnent vie à des êtres tellement différents d’une scène à l’autre.

La plupart des comédiens choisis par Joël Pommerat travaillent avec lui depuis les débuts de sa Compagnie Louis Brouillard. Ils ne sont pas lisses, pas beaux, pas “propres sur eux”. Ils sont décharnés, cassés, crayeux.
Ils ont des voix dissonantes, d’outre-tombe, hypnotiques. On les entend crier, hurler, beugler. Mais aussi murmurer, chuchoter, cajoler.  L’un des partis pris de Pommerat est de sonoriser ses acteurs, ce qui leur permet de faire passer autant d’émotions.

Forcément, dans ce type de pièces qui consistent à enchaîner une vingtaine de saynettes, certaines paraissent plus “faibles” que d’autres et le résultat peut sembler inégal. Mais lorsque l’une d’elles vous “cueille” comme m’a cueillie la scène d’Alzeimer, vous ne regrettez pas le déplacement. Et ces quelques scènes qui vous ont marqué, vous y repensez bien longtemps après avoir quitté la salle.
Puis vous avez envie de découvrir un autre Pommerat, puis un autre, et encore un autre. Car Pommerat n’est pas seulement un magicien : il est une drogue dont je vous recommande d’user sans modération!…

3 raisons de découvrir ou redécouvrir Pommerat avec ce spectacle “La réunification des deux Corées”

1 – Pour la scénographie rythmée par les noirs – le noir étant la marque de fabrique de Joël Pommerat. Une scénographie qui nous donne le sentiment de rêver éveillé.
2 – Pour quelques scènes de couples d’anthologie, dérangeantes et drôles, qui vous hanteront longtemps après le spectacle.
3 – Pour les comédiens de la Compagnie Louis Brouillard indissociables de la magie Pommerat.

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