Vaslav, poignant et drôle « travelo d’obédience genetienne »

Elles sont belles, les fleurs échappées de la serre tropicale de Madame Arthur.
« Dépoté.e » du terreau fertile de ce cabaret et des autres où il œuvre au milieu de ses sœurs de fête et de cœur sous le nom de Vaslav de Folleterre, transplanté.e dans le terrarium cubique d’une salle de théâtre, Vaslav chatoie d’ombres et de lumières, de scintillements et de mélancolies.

Majestueuse et pétillante, la « travelote lettrée » passée par Normale Sup’ a la bouche scintillante et le regard taquin. Longue robe de velours noire, calot à pompon, épaules athlétiques, mains graciles, Vaslav a bien l’intention ce soir d’être la sirène et le marin. Lettrée mais pas snob, l’androgyne créature nous prend par la main pour nous emmener en voyage loin, ailleurs, genres, espaces et temps devenus fluides, ondulants, mêlés.

Olivier Normand, de son nom dans l’autre « vraie vie », celle hors-scène, a le goût et la science des lettres et des mots, du mouvement et du chant. Il balade sa voix juste et ample d’un fado langoureux à quelques mesures aériennes de Haendel, d’un air qui fut il y a des siècles entonné par des troubadours à une suave « Paloma triste ». Brigitte Fontaine, Marie Dubas, Jane Birkin, chanteuses matrimoniales, passent par ici, « Lithium » de Nirvana se mue en un déchirant et funèbre chant d’amour et de solitude, des poèmes aussi se glissent dans le tour de chant, Genet bien sûr pour cet auto-défini « travelo de spectacle d’obédience genetienne », Ginsberg en scansion hallucinée. L’interprétation intimiste, personnelle et profonde de Vaslav nous permet de ré-entendre comme neuves certaines chansons avec le temps devenus si familières qu’on ne les écoutait plus. Le lancinant bourbon de la shruti box, harmonium minimal venu d’Inde, « instrument modeste mais fascinant » dont il s’accompagne, envoûte.

Tandis que, dans les délicates lumières composées par Vincent Brunol, Vaslav nous enlace de son romantisme sombre, Olivier Normand, lui, traverse le « quatrième mur »  et aère le spectacle de confidences et de menues leçons fines et malicieuses (« pourquoi les chanteuses à texte comme Piaf et lui-même portent-elles une robe noire ? », « quelle est la différence fondamentale entre la drag queen et le travelo – outre la hauteur des sourcils ? » – entre autres interrogations existentielles…).

C’est poignant et drôle, léger, émouvant, c’est beau, triste et gai, on y rit, sourit, et le cœur y bat la chamade. On est bien heureux que les noctambules créatures des cabarets viennent rendre visite aux vespéraux spectateurs des théâtres…

Au Rond-Point à Paris, c’est complet, mais on peut s’y inscrire sur liste d’attente – ou guetter d’autres dates, d’autres lieux, pour découvrir cet élégant, poétique et flamboyant artiste.

Marie-Hélène Guérin

 

VASLAV
Conception et interprétation Olivier Normand
Son Pablo Da Silva | Lumières et collaboration artistique Vincent Brunol |Regard dramaturgique Anne Lenglet | Robe Hanna Sjödin
Photos couleur © Félix Glutton | Photos noir&blanc © Cécile Dessailly

Rencontre avec Olivier Normand :

À voir :
12 – 14 novembre 2025 Maison de la Danse / Lyon (69)
16 – 22 novembre 2025 La Garance / Cavaillon (84)
16 décembre 2025 L’Étincelle / Rouen (76)
3 avril 2026 Théâtre de Boulogne-sur-mer (62)

Production :
Production déléguée de la tournée Retors Particulier
Production et accompagnement au développement La Compagnie
Accueil en résidence de plateau Performing Arts Forum et le LoKal
Accompagnement à la diffusion Margot Quénéhervé et Alma Vincey, bureau Retors Particulier

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