Le théâtre de La Huchette, à l’instar du Tardis, est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, et sur son petit plateau se déploient des univers, des vies entières.
On y retrouve en ce moment Christophe de Mareuil, dont on aime le talent sensible et profond.
Il nous a déjà sur scène touchés, fait rire, interpellés.
On avait été conquis par son précédent seul-en-scène, le percutant Wall Street malgré moi. On a aimé aussi sa façon d’incarner les mots d’autres auteurs, comme le délicat Livret de famille d’Eric Rouquette, ou l’intense Mademoiselle Molière de Gérard Savoisien (nommé aux Molières du Spectacle Privé 2018).
On le retrouve avec bonheur dans ce nouveau seul-en-scène, Il a jamais tué personne mon papa, adaptation personnelle du texte éponyme de Jean-Louis Fournier.
Il était docteur, le papa de Jean-Louis. Un drôle de docteur qui s’habillait comme un clochard, faisait ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d’argent. Ses patients lui offraient un verre en échange. Il n’était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu…
Christophe de Mareuil porte à la scène à la première personne du singulier cet hommage poignant au père de Jean-Louis Fournier, qui fut un bon médecin mais un père un peu trop fantasque, au gré de ses humeurs alcoolisées. Protéiforme et joueur, autour du narrateur et de son père, il campe avec vivacité toute une galerie de personnages hauts en couleur, où sous la drôlerie perce toujours l’humanité.
Antoine Lhonoré-Piquet lui offre un cocon de lumières simples et élégantes et d’images presque abstraites qui se proposent comme des photos souvenirs à recomposer, sur lesquelles on est libre de projeter sa propre nostalgie.
De ce texte intime, Christophe de Mareuil fait, avec une immense tendresse, un spectacle farce et grave comme la vie. À savourer pour quelques dates encore, le cœur vibrant.
IL N’A JAMAIS TUÉ PERSONNE, MON PAPA
Au Théâtre de la Huchette les samedis jusqu’au 19 octobre 2024
De Jean-Louis Fournier
Adaptation, mise en scène et interprétation Christophe de Mareuil
Scénographie : Antoine LHonoré-Piquet
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/10/ilajamaistuepersonne-P1199734.jpg17012551Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-10-03 23:08:082024-10-12 16:57:18Il a jamais tué personne mon papa : du rire aux larmes, et retour
Un tulle coupe la scène en un couloir étroit, ne laissant à l’acteur qu’une bande de plateau, un espace contraint, un territoire-cellule, à un pas des spectateurs, au ras de leurs regards.
Au sol, un carré blanc. Mat. Dans le noir, derrière le tulle, un carré blanc. Lumineux.
Pieds nus, Denis Lavant franchit le 4e mur, entrant par l’avant-scène, pantalon et pull noirs, simples, stricts, silhouette invisible et puissante. Il se campe au centre, le bout des pieds sur la dalle blanche, les talons dans l’ombre, le corps obscur. Respiration ample. Il occupe l’espace. Il ne bougera plus.
« Encore, dire encore, dire pour soi dit »
Dire pour soi, dire… Cap au pire est un des tous derniers textes de Beckett – je dis texte parce qu’il ne s’agit pas de théâtre, ni vraiment de roman, pas réellement un récit, pas plus un essai, pas tout à fait de la poésie. Un peu de tout cela, surtout quelque chose de l’aveu et de la quête, quelque chose entre gratter une plaie et accoucher. Un homme s’enfonce dans une forêt des mots. Il sait qu’il ne trouvera jamais celui qui est juste mais il essaie. Encore. Il essaie toujours. Il sait qu’il va tomber mais il se relève. Il essaie malgré les mots qui trahissent. Les mots sont au bord du vide. Il les rattrape. A moins que ce ne soit eux qui le rattrapent. Les mots le font se tenir debout. Encore. Les mots le font tomber. Les mots l’effacent.
Ce texte est aride, une fin de trajet, l’écriture d’un questionnement insatiable, d’un épuisement du sujet et de la forme. Beckett a asséché le langage, réduit à l’os, au sec, plus d’humide, de flou, de souple, plus de phrases, de qualificatifs, de subordonnées. A l’essentiel, à peine des verbes, à peine besoin d’un sujet pour s’interroger. Un texte indicible.
Denis Lavant qu’on connut ailleurs bondissant, fauve en liberté, énergie pulsée, course effrénée, ludion insaisissable, se tient à présent là, seul, immobile, dans une concentration intense.
Une voix riche, grondante des heurs de la vie. Un corps sans tension mais sans relâchement. Les mots sortent en une diction géométrique, courbes descendantes, inaltérables. L’attention est toute entière absorbée par ce torrent heurté de mots, acteur et spectateurs plongés ensemble dans un même noir profond.
La dalle blanche s’éclaire, le visage et les mains apparaissent, fantômes d’humains, les pieds semblent comme flotter au-dessus du vide. L’étrange humour de Beckett distillé à froid libère quelques éclats de rire, brèves victoires de l’absurdité sur le désespoir.
«Les mots sont des traîtres. Mais ils sont ce qui reste »
Denis Lavant, bonze aux sombres mantras, projette ce Cap au pire et ses litanies abrasives sans un geste, à peine un temps relèvera-t-il la tête, le corps en un bloc condensé, le regard abrupt et sans ciller, les mains sans un tremblement, « tant mal que pis debout » comme se voit Beckett. Il est arrivé tout à l’heure, la démarche simple et directe, s’est campé, droit, bras le long du corps, tête inclinée, plus rien ne l’atteindra d’autre que ce texte qui le traverse. La lumière montera, naitront des ombres, elle s’effacera plus tard, on retournera à l’obscur, là où il n’y a même plus d’ombre. D’une rigueur exemplaire, cette lumière sculpte l’espace et le temps au scalpel. « Moins de vision avec mots que sans », moins d’écoute avec images que sans : la mise en scène de Jacques Osinski est sans concession, ne laisse aucune échappatoire, ni au comédien, ni aux spectateurs. C’est une expérience, une transe, un effort partagé. La performance de Denis Lavant est spectaculaire, un travail d’ascète, un moine qui jeûne 40 jours, un apnéiste des grandes profondeurs, sa voix de chaque syllabe et chaque silence creuse le sillon de Beckett, son immobilité impose l’attention accrue ; en face de lui, les spectateurs n’ont pas le droit au repos, il faut maintenir sa vigilance, son écoute, ne pas se laisser distraire par cette toux ici, ce raclement de pieds là, c’est la moindre des choses, le moindre des respects – mais aussi le seul moyen d’entrer et de rester dans le spectacle. Des spectateurs décrocheront, quitteront la salle, peu nombreux tout de même, fatigués sans doute, distraits peut-être, ça n’a pas pris ou ça n’a pas persisté, Beckett les a perdu dans le labyrinthe de ses interrogations, Lavant n’a pas pu les retenir dans les filets rugueux de son élocution rythmique et hypnotique ; ceux qui ont passé le cap, qui ont accepté les spirales, les retours en arrière, les errements dans la forêt de mots, qui se sont accrochés au peu à voir, au peu à entendre, ceux-là repartiront riches d’un moment rare, extrêmement rare, et précieux, une pépite de nuit dense et troublante.
Marie-Hélène Guérin
CAP AU PIRE
Au Théâtre 14 jusqu’au 19 octobre 2024
De Samuel Beckett
Mise en scène Jacques Osinski
Interprétation Denis Lavant
Scénographie Christophe Ouvrard
Lumière Catherine Verheyde
Photos Pierre Grosbois
Texte publié aux Editions de minuit, traduit de l’anglais par Edith Fournier
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/10/capaupire-pgrosbois-portrait.jpg6671000Marie-Hélène Guérinhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifMarie-Hélène Guérin2024-10-03 15:00:392024-10-03 22:35:35Cap au pire, œuvre monstre
Maman lui promet : « Toi aussi plus tard tu tromperas ta femme et tu la feras souffrir ». Papa le rassure : « J’aurais dû être PD comme toi. Mais les nichons m’auraient trop manqué ». Élevé par une « armée d’amazones », grandi entre des hommes pas souvent admirables et des femmes jamais admirées, pas facile de trouver sa place au masculin quand on « ressemble à Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée (si elle était vilaine et grosse) ».
« Le Premier Sexe », en écho au « Deuxième Sexe » de Beauvoir, dont il reprend les étapes pour structurer son seul-en-scène, en une allègre tentative de déjouer la grosse arnaque de la virilité.
Mickaël Délis questionne masculinité, misogynie et homophobie, étaye son propos des réflexions de Bourdieu, Beauvoir, Héritier… d’une écriture vive, savante et pleine d’humour, dans une mise en scène modeste et élégante – un acteur, un tabouret, un texte, une lumière précise, un tableau noir pour en ap/prendre plein les zygomatiques, un trapèze pour s’envoler.
Se prenant comme sujet d’observation, il remonte le chemin de sa construction. Bambin-fillette, ado complexé, jeune homme tiraillé entre l’homophobie subie et son propre rejet des effeminés, jusqu’à l’adulte devant nous, corps, esprit et jeu déliés.
Autour de lui, des personnages pittoresques, joliment incarnés, chéri.e.s, famille… et – non des moindres – son psy, présent à intervalles aussi réguliers dans le spectacle que dans son agenda… Autant de soutiens ou de baffes qui l’ont fait avancer dans son acceptation de soi, sa compréhension de sa singularité comme de son appartenance à des grands schémas psychosociologiques.
Un spectacle d’une grande honnêteté dans son introspection sans fards, et d’une joyeuse intelligence. On se réjouit de sa fraîcheur et son acuité, de sa vitalité généreuse.
Marie-Hélène Guérin
LE PREMIER SEXE
De et avec Mickaël Délis
À voir à La Scala-Paris du 17 septembre au 27 novembre 2024
Mise en scène Mickaël Délis, Vladimir Perrin, collaboration artistique E. Erka, C. Le Disquay, E. Roth, collaboration à l’écriture C. Larouchi, lumière J. Axworthy
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/01/lepremiersexe-1-marie-charbonnier-e1706030483445.jpeg5201024Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-09-30 12:00:322024-09-27 14:10:18Le Premier Sexe : un joyeux manifeste du masculin pluriel
“Andréa Bescond nous fait entrer dans une danse aussi émouvante qu’énergisante, une danse dont on ne ressort pas indemne, une danse qu’il serait criminel de ne pas accepter : la danse des Chatouilles…”
Voici un spectacle que j’ai découvert à Avignon l’été dernier et qui m’avait “mis les poils”… Sortie de la salle en larmes, il m’avait fallu un bon moment pour m’en remettre. Comment vous en parler sans trop dévoiler le contenu de ce “Seule en scène”? Simplement en vous présentant la comédienne, Andréa Bescond, visage d’ange sur morphologie d’athlète. Envoûtante, rieuse, révoltée, belle, sauvage, enragée, fragile : Andréa est le personnage principal de sa pièce, la petite Odette.
Andréa a écrit le spectacle “les Chatouilles ou la danse de la colère“ et a demandé à Eric Métayer de la mettre en scène. Il la connaît bien : il partage sa vie depuis 10 ans… Des mois et des mois de travail à deux, des producteurs qui croient en ce projet “casse-gueule”… et enfin le Chêne Noir, salle emblématique d’Avignon pour 20 représentations “coup de poing”. Au départ, Andréa vient de la danse. La danse qui est très présente dans son spectacle. Et Andréa danse tellement bien.
Ce spectacle nous touche au plus profond. Il nous touche autant que le ferait une petite fille de six ans qui nous prendrait par la main…
Pourquoi se précipiter voir “ les Chatouilles” ?
1 – Pour le thème central : ce spectacle est un formidable moyen d’aborder le sujet encore trop souvent tabou de la pédophilie. 2 – Pour Andréa Bescond qui incarne une bonne vingtaine de personnages, dont un flic légèrement borné, l’immense artiste Noureev, une fillette en proie à ses démons, un professeur de danse haut en couleur, une psychanalyste plutôt sensée, un junkie totalement paumé… Andréa est une comédienne drôle et touchante, en même temps qu’une formidable danseuse! 3 – Pour “avoir les fameux poils” et vous laisser embarquer dans la danse de la colère et de la résilience.
LES CHATOUILLES OU LA DANSE DE LA COLÈRE
De et avec Andréa Bescond
Mise en scène : Eric Métayer
Vu à Avignon en juillet 2014
À l’affiche du Théâtre du Chêne noir du 3 au 21 juillet 2024
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2015/01/Les-Chatouilles3-Article-1.png643428Sabine Aznarhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifSabine Aznar2024-07-03 09:00:582024-07-03 09:39:44Les Chatouilles ou la danse de la colère : résili-danse
C’est quoi Delphine Horvilleur ?
Rabbin libéral, revuiste, animatrice, autrice plutôt d’essais, médiatisée, elle se colte dans Il n’y pas de Ajar à l’écriture de fiction théâtrale.
Elle est soutenue par la présence très impressionnante de l’actrice et metteuse en scène Johanna Nizard, qui seule en scène, magnifie, dans la cour des grands, le texte de Delphine Horvilleur.
L’idée de départ est d’imaginer qu’Emile Ajar alias Romain Gary aurait eu un fils imaginaire, reclus dans une cave, qui soliloquerait, avec philosophie comme on dit, pour un visiteur imaginaire, de son rapport avec son père, avec Dieu, avec sa judéité et avec sa laïcité, avec la société et beaucoup de questions identitaires qu’elle pose, comme par exemple, celle du genre ou des communautarismes ou du monde des « pareils », avec le langage, avec la psychanalyse, pour conclure sur l’esquive des assignations déterministes.
Mais il faut d’abord rappeler qui était Romain Gary. Romain Gary est un écrivain français qui a obtenu deux prix Goncourt (ce qui est impossible) en écrivant sous pseudonyme, celui d’Emile Ajar, son second prix Goncourt et d’autres livres. Il s’est également attribué d’autres pseudonymes dont la pièce de Delphine Horviller ne parle pas. Romain Gary s’est suicidé en se tirant une balle dans la gorge, révélant par ce fait le pot au rose de ses multiples identités.
@ Pauline Le Goff
L’ensemble de ce seule-en-scène a la profondeur des réflexions d’une intellectuelle qui se laisse aller au délire littéraire, ouvrant des portes que l’écriture sérieuse d’essais ne lui a pas permis jusqu’ici. Et sa puissance créative crée un personnage gouailleur à la logorrhée intarissable, sûr de lui, drôle, attachant et plein d’humanité.
Il s’agit du fils d’Emile Ajar, Abraham Ajar, initiales A.A, qui est interprété par Johanna Nizard, qui, elle aussi, se transforme sous nos yeux ébahis de spectateurs et nos oreilles attentives. Ses travestissements et ses dénudements, au sens propre comme au sens figuré, nous réjouissent et sa puissance vocale et oraculaire, passant d’une voix de fausset à une voix de stentor, au physique d’une reine toute-puissante à celui d’un baroudeur des sous-sol de la ville, en passant encore par des mystifications que je vous laisse la primeur de découvrir.
La multiplicité de la personnalité, le refus des assignations à un moi unique et fort qui nous enfermerait forcément, et l’acceptation d’être plusieurs, de ne pas se laisser déterminer, c’est la thèse de nombreux écrivains comme Virginia Woolf ou comme le philosophe Gilles Deleuze et le philosophe-psychanalyste Felix Guatari ou encore, l’écrivain Fernando Pessoa et ses nombreux hétéronymes. Mais ce sont tous des gens qui ont mal fini…
Ce que Delphine Horviller extrait de la pensée d’Emile Ajar, est qu’au-delà du sang et de l’inné, là où intervient l’acquis, et notamment la transmission littéraire, serait la voie royale contre les assignations et serait notre véritable identité. Nous sommes ce que nous lisons.
@ Pauline Le Goff
Le plateau évoque un no man’s land fait de poteaux de miroirs et de couvertures de survie chiffonnées en guise de sol, le tout reflétant la lumière sourde des projecteurs et nous plaçant dans un univers atemporel et glacé. On se serait presque imaginé près d’un fleuve, sous un pont ou quelque chose comme ça, mais il m’aura fallu l’explicitation du texte pour savoir que la scène se situe dans une cave.
Il y a beaucoup de choses sur « le fait d’être juif » dans ce spectacle et peut-être que ce n’aurait pas été la question centrale de Romain Gary s’il avait pu répondre, et pendant un bon moment, on a l’impression d’être justement dans une pièce traitant d’un problème communautaire.
Quelque chose du moi pré-penseur, de la peau analysée par Didier Anzieu, est en jeu dans ce texte et dans sa représentation théâtrale.
Un spectacle original, puissant, drôle, qui nous fait réfléchir, avec des partis pris à l’emporte-pièce, dans lesquels l’identification sera aisée à trouver.
Isabelle Buisson,
Les Ateliers d’Ecriture à la Ligne
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/06/plg_il_n_y_a_pas_de_Ajar-7111.jpg321845Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-06-26 14:06:072024-06-26 14:18:57Il n’y a pas de Ajar
Y’a de la joie à la Huchette !
La chanson revient comme un mantra et s’impose comme une évidence.
C’est l’histoire vraie* de Joseph, ouvrier intérimaire.
Malgré des études de Lettres brillantes, Joseph se retrouve sur la ligne de production d’un abattoir breton. Un boulot inattendu ! Mais bon, « l’usine c’est pour les sous » .
Alors, va pour l’inattendu ! Suivons la ligne. Suivons Joseph !
Mais suivre Joseph dans son quotidien, c’est comprendre que la ligne, même implacablement droite, n’est pas le chemin le plus court entre l’homme et son accomplissement. Suivre Joseph, c’est entrer « en usine » comme d’autres entrent en religion. C’est croiser des collègues hauts en couleurs, des chefaillons bas de plafond, des odeurs putrides, des sons à vous crever les tympans. C’est s’exposer à la souffrance des corps, celle des hommes épuisés, celle de bêtes suppliciées. C’est se demander chaque jour pourquoi on le fait et chaque jour y retourner sinon, ça manque ! Suivre Joseph dans son quotidien, c’est écrire tout ça, cette expérience, cet épuisant foisonnement de vie et de mort mêlées ! Écrire pour témoigner, parce que c’est nécessaire, jusqu’à ce que la fatigue, l’inhumaine fatigue vienne à bout de cette nécessité. Parce que l’Usine, ça épuise tout. Tout, sauf la dignité, le partage, la solidarité… les rêves ! Tout sauf la joie. L’indicible, l’incompréhensible joie. La joie comme tuteur devant les vicissitudes de la vie ouvrière. La joie qui tient debout.
Au centre du plateau, le guitariste Tonio Matias accompagne et ponctue le récit de rythmes, de notes, de chants. Double musical de Joseph, frère de labeur. Compagnon précieux pour route sinueuse.
Autour de lui, sur tous les fronts, d’une humanité rayonnante et combative, Grégoire Bourbier incarne Joseph. Une performance puissante et digne, sensible et engagée. Il frappe fort et juste. Bravo ! La mise en scène de J-P Daguerre est au cordeau ! Millimétrée, précise, empathique.
C’est sûr, Y’a de la joie à la Huchette !
CLDDM
*(Joseph Ponthus, décédé prématurément en 2021, a publié « A la ligne », roman autobiographique, en 2019).
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/04/alaligne-affhuchette2024-e1714165968872.png451300Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-04-26 14:00:092024-04-26 22:00:32À la ligne, un seul-en-scène puissant et sensible à la Huchette
Backlash, littéralement, c’est le contrecoup. En 1991, l’Américaine Susan Faludi a employé le terme pour titre de son essai féministe : Backlash : la guerre froide contre les femmes.
L’expression, passée dans le langage courant, désigne les réactions conservatrices et masculinistes face aux progrès des droits des minorités et en particulier ceux des femmes, et revient dans l’air du temps avec le retour de bâton réactionnaire post-MeToo.
Un lundi matin, un homme américain, qui fut mieux classé professionnellement, qui fut plus heureux en famille et en ménage, un homme américain nouvellement chômeur, divorcé papa d’un ado qu’il perd de vue entre deux vacances scolaires, amoureux d’une Courtney pas méchante mais qui ne s’en laisse pas conter, découvre un nouvel espace d’empowerment masculin, un endroit où il va enfin se sentir de nouveau bien, de nouveau puissant, de nouveau agissant. Un lundi matin, un homme américain, un peu désabusé, pas mal désoeuvré, errant dans le vortex de google, tombe sur Angry Alan.
Angry Alan, gourou des Men’s Rights, prend les hommes dans ses bras, dans ses rets, dans les filets de son discours à la fois lénifiant et belliqueux.
À ceux qui n’ont pas le secours d’une pensée politique élaborée, d’un soutien familial ou professionnel, d’une souplesse de caractère ou d’une force mentale pour trouver d’autres réponses à leur désarroi, Angry Alan offre le réconfort d’une cause à leur rage et leur faillite : le gynocentrisme. Pas la dureté d’une société capitaliste où compétitivité et narcissisme tiennent lieu de vertus. Pas la solitude, pas le manque d’échanges. Les femmes, voilà l’ennemi.
Avec un ennemi commun, on peut redresser la tête, se serrer les coudes et se sentir fier.
Angry Alan redessine la carte d’une société où les hommes seraient les grandes victimes. Maltraités par les femmes, et par voie de conséquence par la justice, le monde du travail, les médias, la culture. Asservis. Cantonnés aux tâches subalternes. Mal payés. Séparés de leurs enfants par les juges des affaires familiales lors des divorces. Pointés du doigt à chaque blague déplacée. Rabroués. Moqués, vilipendés. Victimes. Et les victimes ont le droit légitime de se défendre. S’organiser. Prendre les armes s’il le faut. L’instinct de survie dictera jusqu’où il faudra aller.
Angry Alan fait payer cher le billet d’entrée à ses colloques masculinistes et antiféministes, mais chacun jette son obole pour la grande cause anti-gynocentriste, pour la consolation, pour la confraternité.
Angry Alan n’est ici qu’une image sur un écran, comme il l’est pour Danny et tous les followers de sa chaîne vidéo. Il est interprété avec une finesse glaçante par Guillaume Trotignon, filmé dans un élégant noir & blanc.
C’est Danny qui occupe la scène. Danny et son inextinguible soif de chaleur humaine. Son pathétique besoin de justification. Sa terrible nécessité d’un monde binaire, simple à décoder. Hommes, femmes, victimes, bourreaux, ce qui mérite et ce qui ne mérite pas. Danny pris au piège de la réthorique masculiniste, dont le manichéisme l’empêchera d’entendre le monde plus complexe et plus nuancé de son enfant, qui cherche à conquérir de nouvelles libertés, de nouvelles façons d’être soi. Danny qui payera son aveuglement un prix incommensurable. Le “backlash”, le contrecoup, a lui aussi son contrecoup.
Acteur au jeu très sûr et très juste, à l’incarnation fluide et concentrée, Philippe Bodet offre la normalité de son grand corps d’adulte et l’expressivité déliée de son visage à ce Danny en chute libre. Il fait basculer ce gars de la bonhomie du pote qui traverse une mauvaise passe avec vaillance, à la joie naïve de se découvrir des frères de combat, puis à la joie mauvaise de se découvrir un ennemi à affronter. On le voit se défaire sous nos yeux, croire trouver un sens à sa vie puis le perdre.
Le beau ciel projeté sur un large cyclo de l’ouverture du spectacle laisse place, en alternance aux vidéos youtube d’Angry Alan, à un habillage vidéo très graphique, souvent intéressant, mais disparate, qui aurait gagné sans doute à trouver une forme plus homogène, qui aurait densifier l’attention.
Mais cela n’altère ni la réception du texte de Penelope Skinner, à l’écriture rapide, dont la dureté est allégée par un humour piquant et un sens précis du quotidien, ni la perception du jeu à vif, débordant de sincérité, de Philippe Bodet.
Ce qui est beau, et fort, c’est que texte et interprétation ne jugent pas Danny. Guillaume Doucet et Bérangère Notta, qui ont amené ce texte sur scène dans une traduction de Guillaume Doucet, ne cherchent pas le procès, ils cherchent l’humain.
L’autrice et le comédien font de Danny un être de chair et de vie, d’espoirs et de peines, un être fragilisé emporté par une spirale qu’il rêvait salutaire et qui, nourrie de haines de soi et des autres, ne pouvait être que destructrice.
Une descente aux enfers, implacable, pudique et subtile, magnifiquement incarnée.
Marie-Hélène Guérin
BACKLASH
Un spectacle du Groupe Vertigo
Au théâtre de Belleville jusqu’au 30 mars 2024
Un texte de Penelope Skinner
Traduction Guillaume Doucet
Conception Guillaume Doucet et Bérangère Notta
Interprétation Philippe Bodet
Avec la participation de Guillaume Trotignon
Création lumière Juliette Besançon | Création sonore Maël Oudin | Régie Adeline Mazaud
Administration Marine Gioffredi, Hélène Lega, Chloé Montel
Photos Caroline Ablain
Production Théâtre de Belleville & Le Groupe Vertigo
Coproduction L’Archipel Pôle d’action culturelle (Fouesnant), Pont des Arts (Cesson-Sévigné), Pôle Sud (Chartres de Bretagne)
Soutiens DSN Dieppe Scène Nationale – Dieppe, Centre Culturel Juliette Drouet – Fougères, EVE – Scène Universitaire – Le Mans, Théâtres L’Arche-Le Sillon – Pleubian-Tréguier, Espace Beausoleil – Pont-Péan, La Manekine – Pont-Sainte-Maxence, Le Strapontin – scène de territoire de Bretagne pour les arts du récit – Pont-Scorff, Le Tambour – Rennes
Avec le soutien de la Ville de Rennes et de la Région Bretagne
Le groupe vertigo est conventionné par le Ministère de la Culture – DRAC Bretagne
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/02/backlash-007_0539.jpeg11811770Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-02-21 23:56:052024-02-22 17:44:05Backlash, au Théâtre de Belleville
Une femme seule, très seule, vit entre réalité domestique et réalité virtuelle, elle ne travaille pas, elle n’a pas d’amant ou de mari ni d’ami, encore moins d’enfant. Sa seule fenêtre vers l’extérieur est une machine, son ordinateur, par lequel, elle trie ses courriers quotidiens une fois ses tâches domestiques achevées, courriers pour la plupart indésirables, jusqu’au moment où elle va identifier dans le lot des indésirables, un désiré qui lui rappelle qu’elle doit commander son stock de patates annuel. Elle en est toute troublée, d’autant qu’elle n’a pas été prévenue par quelque missive préalable de l’imminence de la commande à passer, comme il se devrait, car ELLE vit de beaucoup d’habitudes et n’aime pas que celles-ci soient perturbées. Aussi s’attèle-t-elle immédiatement à l’exécution de son passage de commande qui va l’entraîner vers la folie dans laquelle la technologie nous plonge, qui était, du reste, déjà bien entamée. Pourtant, ELLE, c’est son nom, est très prudente. Il ne lui arrive jamais rien et elle ne voudrait surtout pas qui lui arrive quelque chose. Elle se contente parfaitement de son univers fait de patates à éplucher et de machines en tout genre, de la friteuse en passant par la machine à laver le linge.
L’autrice, Léonor Chaix, a su parfaitement identifier et montrer les rouages déshumanisés de la technologie et du marketing, unis main dans la main, qui ne tournent pas ronds et nous rendent chèvre et soumis à leur diktat. Dans un langage qui va de glissements sémantiques en décalages verbaux, en détournements de mots, à des expressions consacrées ou réinventées, elle nous emmène aux portes de la jubilation langagière, du lapsus et du contresens voire du bug comme le ferait une machine qui planterait.
L’écriture, le style, le projet tout à fait maîtrisés de Léonor Chaix créent un personnage devenu objet de la société et de sa tyrannie technologique. Quelque chose de Kafka ou encore du Brazil de Terry Gillian nous est donné à entendre pendant cette heure où l’interprète seule en scène ne s’encombre pas d’accessoire, d’une mise en scène de grands mouvements ou même de mise en lumière compliquée, mais d’un jeu où la direction d’acteur se lit sur le visage, dans les stigmates du corps et par la voix. C’est vraiment le brio du texte, ciselé, très abouti et de son interprétation de variations vocales, de schizophrénie ambiante qui portent ce spectacle de bout en bout, où la sobriété règne, où tout est fade comme la vie d’ELLE et où tout déjante tout à coup quand Big Brother s’en mêle et décide qui lui arrivera quelque chose à ELLE. Mais quelque chose est forcément à craindre quand on souhaite que rien n’arrive. Et ce qui arrivera sera de taille.
Même si à titre personnel, j’ai préféré la première partie du spectacle et du texte donc, plus en phase avec nos réalités, plus politique quelque part, je n’ai pas détesté, loin de là, la dernière partie complètement délirante, exagérée, dans laquelle le devenir de ce personnage nous entraîne.
On sent également dans le texte des influences oulipiennes, même Raymond Devos aura été convoqué ou encore le non-sens anglais, l’absurde ; tout est finesse qui nous fait rire, parce qu’on rit beaucoup à écouter et à observer ELLE et cela nous renvoie à nous-même et à la servitude et la violence qui nous tiennent.
La femme à qui rien n’arrive
De et par Léonor Chaix
Mise en scène Anne Le Guernec
A La Scala Paris du 6 février au 20 mars 2024
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/01/La-Femme-a-qui-01-bandeau.png321845Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-02-04 11:00:282024-01-12 11:17:48La femme à qui rien n’arrive : Quand quelque chose arrive, ce n’est jamais.
C’est une mastress of ceremony à la fois onctueuse et piquante qui nous accueille en lieu et place des traditionnel.le.s ouvreur.se.s, dérivant des précautions d’usage habituelles en instructions plus fantaisistes.
Élégance et gouaille, rouge à lèvres rouge et robe de velours d’un noir suave, elle enchaîne avec une improbable (et impeccable) interprétation a cappella de Une femme avec toi , tube des années 70 dont on (re)-découvre mi-amusé mi-effaré le texte.
Le ton est donné, avec Ex Machina, Carole Thibaut va parler d’être femme (avec ou sans toi), avec beaucoup de gaieté. Car, oui, on peut faire un spectacle féministe, rageur ET joyeux.
Le « deus ex machina » du titre, c’est ce fameux « dieu descendu de de la machine », le machin macho censé dénouer les drames et redonner sens et ordre au monde, qu’elle nous propose d’envoyer valser.
Carole Thibaut – actrice, metteuse en scène, autrice, directrice d’institutions (actuellement, elle dirige le CDN de Montluçon) – part/parle d’elle-même pour nous interroger sur la place qu’occupent les femmes – comment les femmes, avec leur corps, leurs envies, leurs faiblesses et leur(s) pouvoir(s), peuvent se mouvoir dans la société et dans l’espace de notre monde contemporain ?
Suivant un découpage en chapitre aux intitulés explicites (« La Chevalière » « Puberté » « Sexualité et séduction » « La vie de couple (hétéro) » « Le Théâtre »), elle nous embarque dans un seule-en-scène protéiforme, soutenu par des créations vidéos (Benoît Lahoz) et sonores (Karine Dumont) dont on peut souligner la richesse et l’adéquation.
Petite fille initiée tôt à la domination des hommes par un paternel ordonné et ordonnant, ado fille-garçon qui tombe amoureuse de garçons-filles (dans les années 80, on n’a pas de mots pour sortir de la binarité, sans mots on ne peut élaborer ni conscience de soi, ni pensée politique, trop tôt pour sortir de la binarité de genre), femme dans des « milieux d’homme » (bref, dans le monde du travail occidental) … On la suit d’âge en âge, de premiers pas en croche-patpatriarcaux, de Charybde en Scylla, de plafonds de verre en je-m’débrouille-très-bien-merci. Pour évoquer la représentation des femmes dans les rôles de pouvoir, pointer du doigt cet équilibre fragile qui demande un contrôle permanent, une intégration des règles tacites, Carole Thibaut convoque Marylin Monroe et Ingrid Bergman, la psychanalyse et la culture pop, convoque sa colère et son humour.
Conférence, cabaret, confidence, freakshow – entre écriture ciselée et improvisations un brin dingues, entre baroque et trash, vêtue/dévêtue avec humour et impertinence par Malaury Flamand, Carole Thibaut se métamorphose pour retracer son apprentissage de la domination et sa quête de libération/liberté.
Avec bain de sang et violoncelle baroque, avec faux seins, fausses fesses, fausses hanches et autodérision, avec éclats de rire, désordre et violence, elle délivre une dyonisiaque, pugnace et revitalisante incantation à sortir de la machine, une performance indéniablement spectaculaire, d’une générosité et d’une liberté folles !
Marie-Hélène Guérin
EX MACHINA
Écriture, mise en scène et interprétation Carole Thibaut
À voir au TNP Villeurbanne du 30 janvier – 3 février
Production Théâtre des Îlets – Centre Dramatique National de Montluçon
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages Ex Machina est publié chez Lansman Éditeur
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2024/01/EX-MACHINA-c-Heloise-Faure-0652-bandeau.jpg10751613Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2024-01-22 21:19:472024-01-30 17:17:52Ex Machina : une pour toutes, toutes pour une !
Le petit et accueillant Funambule Théâtre, perché dans le XVIIIe arrondissement de Paris, accueille un seul-en-scène jouissif qui s’arme d’absurde, d’humour et de tendresse contre la mécanique vorace de l’ultralibéralisme.
2028. Elu manager du siècle, l’homme le plus riche de la planète a Wall Street à ses pieds, et est le dos au mur. Bondissant de succès industriels en overdose d’argent, il doit se démener pour rompre ce « cercle vicieux de la win » qui le mène à l’AVC (accident vénal cérébral) et l’éloigne de sa famille et ses valeurs de jeunesse. Pas si simple…
Dans une mise en scène rythmée d’Anne Bouvier, Christophe de Mareuil, drôle, grave, joueur, cynique, attendrissant, incarne le piteux et flamboyant héros et la dizaine de personnages qui l’entoure. Il campe avec une précision et une allégresse délectables sa piquante épouse, le vice-président de son empire tout en veulerie, la farfelue richissime Mouna… Le texte composé à six mains et trois têtes affutées par l’interprète, Stéphane Guignon et Carole Greep, est brillant, on rit beaucoup et de toutes les couleurs, jaune tant le fond est inquiétant et réaliste, vert comme les billets qui lui servent de drogue…
Antoine Lhonoré-Piquet a offert à cette vive « fable morale » une élégante scénographie qui envoie notre héros dans une BD en crayonné noir et blanc réalistico-baroque, nous baladant des habitacles feutrés des bagnoles de luxe de Rusquin aux méandres de son cerveau en surchauffe. Pour Richard Rusquin, moderne roi Midas, pas de Dyonisos pour lever le miracle-malédiction : il va devoir se débrouiller tout seul. Croisons les doigts pour qu’il trouve le moyen de s’extraire de la « matrice financière » qu’il nourrit et qui le nourrit – et l’empoisonne, en même temps que le reste de la planète : de son salut dépend le nôtre !
En attendant l’issue fatale ou heureuse (allez voir, vous saurez !), savourons ce seul-en-scène jouissif qui pousse l’absurdité d’un système jusque dans ses derniers retranchements, et, sur le terreau de l’ironie et de la farce, fait finalement place à l’émotion.
https://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/11/wallstreet-Funambule-02-scaled-e1700692750947.jpg15062560Redaction PianoPanierhttp://pianopanier.com/wp-content/uploads/2023/10/pianopanier.gifRedaction PianoPanier2023-11-22 22:33:272023-11-22 23:00:10Wall Street malgré moi : une fable moderne folle et drôle, au Funambule Théâtre