Monsieur de Pourceaugnac : ses malheurs nous font pleurer de rire

Monsieur de Pourceaugnac – spectacle vu le 18 juin 2016
A l’affiche du Théâtre des Bouffes de Nord jusqu’au 9 juillet 2016
Mise en scène : Clément Hervieu-Léger
Direction musicale : William Christie
Avec : Erwin Aros, Clémence Boué, Cyril Costanzo, Claire Debono, Stéphane Facco, Matthieu Lécroart, Juliette Léger, Gilles Privat, Guillaume Ravoir, Daniel San Pedro et Alain Trétout
Et les musiciens des Arts Florissants

 

Monsieur-de-pourceaugnac-1
© Brigitte Enguerand

Peut-on rire du malheur des autres ? Ca dépend… Si le malheur des autres est rigolo, oui.” – Philippe Geluck, Le Succulent du chat.

Le sort semble s’acharner sur Monsieur de Pourceaugnac – quelle idée, déjà, d’arborer un tel patronyme ! À peine débarqué de son Limousin natal – c’est qu’il revendique haut et fort ses origines, le bougre de chauvin – pour épouser la jeune Julie, il tombe dans le premier d’une série de guets-apens qui construiront sa longue descente aux enfers. Grâce à l’imagination débridée d’Ersatz, l’amant de Julie, et à la complicité cruelle de ses deux acolytes Sbrigani et Nérine, notre Limousin va effectivement passer quelques sales quarts d’heure en compagnie d’une truculente galerie de personnages.

Monsieur-de-pourceaugnac-4

Un matador créancier succède à un médecin tendance psychopathe, des archers brutaux croisent des avocats lyriques, tandis que des épouses revanchardes s’en viennent régler leur compte à notre pauvre bougre. Sans compter le père de sa promise qui ne semble plus voir d’un très bon œil cette union antérieurement scellée.
Tous les thèmes chers à Molière se trouvent concentrés dans cette comédie-ballet (trop) rarement montée : la critique acerbe des médecins et apothicaires, la dénonciation des mariages arrangés, les dégâts causés par l’argent…

 

Monsieur-de-pourceaugnac-6

 

“Monsieur de Pourceaugnac est sans doute l’une des pièces les plus sombres et les plus cruelles que Molière ait écrites.” – Clément Hervieux-Léger

Il ne fallait sans doute pas moins que le talent de Clément Hervieu-Léger pour nous faire découvrir ou redécouvrir les aventures de Pourceaugnac. D’abord parce qu’il ne s’agit pas d’une pièce mais de l’une des comédies-ballets (écrite un an avant le Bourgeois Gentilhomme) de ce cher Jean-Baptiste et que le pensionnaire de la Comédie-Française ne s’y est pas trompé en conviant William Christie et les musiciens des Arts Florissants. Ensuite parce qu’il réunit et dirige une équipe de comédiens ébouriffante, autour d’un Gilles Privat sincèrement irrésistible. Enfin parce que la scénographie subtile et délicate alliée à ce cadre éternellement magique des Bouffes du Nord nous transporte, au gré de notre imagination, de la Cour du Roi Soleil à des paysages de campagne toscane, aux bas-fonds new-yorkais ou même à un épisode de Docteur House.

 

Monsieur-de-pourceaugnac-2

 

Alors forcément, on rit. Enormément, follement, copieusement. On rit crescendo à mesure que Pourceaugnac dépérit sous nos yeux. Plus il sombre, plus on s’esclaffe. Aucune compassion pour le Limousin. On aime se réjouir du malheur des autres. Molière le savait et Clément Hervieu-Léger est un formidable “passeur”…

0 réponses

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *