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Il a jamais tué personne mon papa : du rire aux larmes, et retour

Le théâtre de La Huchette, à l’instar du Tardis, est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, et sur son petit plateau se déploient des univers, des vies entières.
On y retrouve en ce moment Christophe de Mareuil, dont on aime le talent discret, sensible et profond.
Il nous a déjà sur scène touchés, fait rire, interpellés.
On avait été conquis par son précédent seul-en-scène, le percutant Wall Street malgré moi. On a aimé aussi sa façon d’incarner les mots d’autres auteurs, comme le délicat Livret de famille d’Eric Rouquette, ou l’intense Mademoiselle Molière de Gérard Savoisien (nommé aux Molières du Spectacle Privé 2018).
On le retrouve avec bonheur dans ce nouveau seul-en-scène, Il a jamais tué personne mon papa, adaptation personnelle du texte éponyme de Jean-Louis Fournier.

Il était docteur, le papa de Jean-Louis. Un drôle de docteur qui s’habillait comme un clochard, faisait ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d’argent. Ses patients lui offraient un verre en échange. Il n’était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu…

 

Christophe de Mareuil porte à la scène à la première personne du singulier cet hommage poignant au père de Jean-Louis Fournier, qui fut un bon médecin mais un père un peu trop fantasque, au gré de ses humeurs alcoolisées. Protéiforme et joueur, autour du narrateur et de son père, il campe avec vivacité toute une galerie de personnages hauts en couleur, où sous la drôlerie perce toujours l’humanité.
Antoine Lhonoré-Piquet lui offre un cocon de lumières simples et élégantes et d’images presque abstraites qui se proposent comme des photos souvenirs à recomposer, sur lesquelles on est libre de projeter sa propre nostalgie.

De ce texte intime, Christophe de Mareuil fait, avec une immense tendresse, un spectacle farce et grave comme la vie. À savourer pour quelques dates encore, le cœur vibrant.
 

 
IL N’A JAMAIS TUÉ PERSONNE, MON PAPA
Au Théâtre de la Huchette les samedis jusqu’au 19 octobre 2024
De Jean-Louis Fournier
Adaptation, mise en scène et interprétation Christophe de Mareuil
Scénographie : Antoine LHonoré-Piquet

Photos © Eric Dormoy

Wall Street malgré moi : une fable moderne folle et drôle, au Funambule Théâtre

Le petit et accueillant Funambule Théâtre, perché dans le XVIIIe arrondissement de Paris, accueille un seul-en-scène jouissif qui s’arme d’absurde, d’humour et de tendresse contre la mécanique vorace de l’ultralibéralisme.
2028. Elu manager du siècle, l’homme le plus riche de la planète a Wall Street à ses pieds, et est le dos au mur. Bondissant de succès industriels en overdose d’argent, il doit se démener pour rompre ce « cercle vicieux de la win » qui le mène à l’AVC (accident vénal cérébral) et l’éloigne de sa famille et ses valeurs de jeunesse. Pas si simple…

Dans une mise en scène rythmée d’Anne Bouvier, Christophe de Mareuil, drôle, grave, joueur, cynique, attendrissant, incarne le piteux et flamboyant héros et la dizaine de personnages qui l’entoure. Il campe avec une précision et une allégresse délectables sa piquante épouse, le vice-président de son empire tout en veulerie, la farfelue richissime Mouna… Le texte composé à six mains et trois têtes affutées par l’interprète, Stéphane Guignon et Carole Greep, est brillant, on rit beaucoup et de toutes les couleurs, jaune tant le fond est inquiétant et réaliste, vert comme les billets qui lui servent de drogue…
Antoine Lhonoré-Piquet a offert à cette vive « fable morale » une élégante scénographie qui envoie notre héros dans une BD en crayonné noir et blanc réalistico-baroque, nous baladant des habitacles feutrés des bagnoles de luxe de Rusquin aux méandres de son cerveau en surchauffe. Pour Richard Rusquin, moderne roi Midas, pas de Dyonisos pour lever le miracle-malédiction : il va devoir se débrouiller tout seul. Croisons les doigts pour qu’il trouve le moyen de s’extraire de la « matrice financière » qu’il nourrit et qui le nourrit – et l’empoisonne, en même temps que le reste de la planète : de son salut dépend le nôtre !
En attendant l’issue fatale ou heureuse (allez voir, vous saurez !), savourons ce seul-en-scène jouissif qui pousse l’absurdité d’un système jusque dans ses derniers retranchements, et, sur le terreau de l’ironie et de la farce, fait finalement place à l’émotion.

WALL STREET MALGRÉ MOI
Au Théâtre le Funambule les mercredis jusqu’au 4 janvier
Texte de Stéphane Guignon, Carole Greep et Christophe de Mareuil
Mise en scène Anne Bouvier
Avec Christophe de Mareuil
Création lumières et animation graphique Antoine Lhonoré-Piquet
Un spectacle de la compagnie Le Théâtre des Possibles
Photos © Manu Marques