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Le Moment psychologique, l’obsession du présent de Nicolas Doutey

Alain Françon et Nicolas Doutey se connaissent depuis de nombreuses années, l’auteur ayant assisté le metteur en scène sur plusieurs productions. C’est à Théâtre Ouvert que nous assistons aujourd’hui à la mise en scène du Moment Psychologique, un texte publié au sein de la collection Tapuscrit. La distribution réunit plusieurs habitués de l’écriture de Nicolas Doutey. Pierre-Félix Gravière, Pauline Belle et surtout Rodolphe Congé qui retrouve le rôle de Paul, homme d’âge moyen sans caractéristiques particulières mais qui développe une capacité inouïe à interroger le monde qui l’entoure et à analyser les interactions sociales même les plus ordinaires.

Dans un dispositif ouvert et modulable, réalisé par Jacques Gabel, fidèle compagnon d’Alain Françon, quatre bancs arrondis forment un cercle morcelé devant une toile peinte reproduisant un ciel nuageux. Tout est très sobre, neutre. Les comédiens s’installent, vêtus d’habits du quotidien. L’intégralité de la distribution est présente sur scène tout au long de la pièce, tournant le dos au public jusqu’à l’intervention de leurs personnages respectifs. L’intrigue est d’une rare simplicité. Paul reçoit un ami chez lui, Pierre. Il est interrompu par l’arrivée de So, l’assistante de Matt, qui prétend avoir rendez-vous avec lui. Visiblement, l’information s’est arrêtée quelque part en chemin. Matt débarque, suivie plus tard de Pam et de Don.
Comme souvent chez Nicolas Doutey, au départ, tout est d’une banalité déconcertante. Paul et Pierre échangent quelques propos sans grand intérêt autour d’une bouilloire électrique qui ne veut plus s’allumer. Mais ses personnages sont observateurs. Des penseurs également. Ils sont à l’affût du moindre petit accroc, du grain de poussière qui vient enrayer le quotidien et le caractère anodin de chacune des situations. Les personnages remontent alors le fil de leur pensée et de leurs idées afin de constamment proposer une analyse de ce qu’il est en train de se passer. Finalement, Paul et Pierre ne vivent plus leur rencontre mais ils la commentent, la décortique, ricochant d’un sujet vers un autre, par association d’idées, exemples et contre-exemples.

Nicolas Doutey s’amuse à rester le plus flou et le plus général dans la caractérisation des personnages et des situations. Ainsi, Matt semble être une femme de pouvoir travaillant pour le gouvernement et menant un projet visant à “réinventer le politique”. Pour cela elle s’appuie sur les équipes des “services” qui, à défaut d’être compétentes et efficaces, donnent du fil à retordre à So. Pam contribue également à ce projet de la plus haute importance et se charge de “l’inscrire au niveau international”. Tout cela en lien avec Don, responsable de la sécurité et des renseignements. Le décalage entre la vacuité de cette situation, l’emploi des lieux-communs, la généralité des concepts développés par les protagonistes et leur capacité à tisser des raisonnements qu’ils poussent toujours plus loin génère une atmosphère très particulière et un humour irrésistible. Agissant à partir d’un néant qu’ils remplissent de paroles vides de sens, les personnages arrivent malgré tout à tisser un nœud dramatique qu’ils vont par la suite s’attacher à démêler.
Les comédiens, remarquables de précision et de naturel, jouent au présent. C’est le propos de cette pièce d’interroger notre relation à la rencontre, celle qui se joue en ce moment. Notamment, lorsqu’un public se réunit dans un même lieu à un moment précis pour assister à une démonstration sur scène par d’autres individus. Les personnages entretiennent une forme assez unique de sincérité et de naïveté dans leurs rapports. Le spectateur a le sentiment de revenir aux origines, comme s’il assistait à l’élaboration des tout premiers rapports humains.

La nature du texte, tirant vers l’absurde, développe au final, et le spectateur est pris au propre jeu de l’écriture et de la rhétorique des personnages, une réflexion sur le politique lui-même et sur une forme d’utopie. Celle d’un gouvernement qui souhaite placer le plus lambda de ses citoyens au cœur du système pour “réformer la vie dans le monde”. Tout en réflexivité et en rebond, avec une certaine fraîcheur, la pièce de Nicolas Doutey est formidablement mise en valeur par la direction d’acteur très claire d’Alain Françon et une distribution sur-mesure.
Le Moment psychologique nous rappelle que le théâtre invente toujours de nouvelles formes originales et singulières, souvent dans la plus grande simplicité, plaçant le texte, la langue et le jeu au cœur de la proposition artistique.

Alban Wal de Tarlé

LE MOMENT PSYCHOLOGIQUE
À voir à La Scala-Paris du 1er au 11 février 2024
Texte Nicolas Doutey
Éditions Théâtre Ouvert | Tapuscrit
Mise en scène Alain Françon
Avec Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Félix Gravière, Dominique Valadié, Claire Wauthion
Scénographie Jacques Gabel | Lumières Émilie Fau | Regard costumes Elsa Depardieu | Régie générale Marine Helmlinger
Photographies © Christophe Raynaud de Lage

Production Studio Théâtre de Vitry et Théâtre des nuages de neige
Coproduction Théâtre Ouvert, Théâtre Jean Vilar Vitry sur Seine, Théâtre des Quartiers d’Ivry

Le Théâtre des nuages de neige est soutenu par la Direction Générale de la Création Artistique du Ministère de la Culture.

Revue de presse du 20 janvier 2016 : Qui a peur de Virginia Woolf ? la Médiation et les Chatouilles

 

1. Alain Françon propose une mise en scène percutante de “Qui a peur de Virginia Woolf ?” au Théâtre de l’Œuvre :

– “Qui a peur de Virginia Woolf ? Pas Dominique Valadié, en tout cas, qui se coule avec superbe dans la peau de Martha, l’héroïne de la pièce d’Edward Albee (1962).” – Les Echos

– Un travail au scalpel, minutieux et précis. Une mise en scène fluide, débarrassée de toutes scories, désencombrée de tout artifice, de toutes références.” – Un Fauteuil pour l’orchestre

– “Dans l’affrontement de ces deux fauves que sont Martha et George ressort toute l’interrogation d’Albee sur ce qui sépare – ou plutôt ne sépare pas – l’homme et l’animal, et sur le rôle du langage dans toute cette affaire.” – Le Monde

– “Wladimir Yordanoff, d’une assurance qui se lézarde, cruauté décidée, lâcheté toxique de George. Dominique Valadié, hallucinante dans le tourbillon de la destruction, le sarcasme, le venin, l’alcool.” – Le Figaro

– “La mise en scène d’Alain Françon consiste uniquement, ce qui n’est toutefois pas une mince affaire, à encadrer subtilement ce gigantesque et malestromique affrontement pour garder le cap et un train d’enfer sans qu’il ne s’égare ni ne vacille. Et ce parce que la distribution est émérite.” – Froggy’s Delight

– Interview d’Alain Françon pour La Terrasse

 

2. La comédienne Chloé Lambert propose sa première pièce, “La Médiation” mise en scène par Julien Boisselier au Théâtre de Poche-Montparnasse :

– Chloé Lambert nous livre un magnifique guignol pour adultes divorcés. Chaque rebondissement déclenche les éclats de rire.” – Toute la Culture

– On est pris du début jusqu’à la fin par cette Médiation, qui questionne celui ou celle que l’on est, face aux moments de la vie, avec humour et énergie, même si l’on reste un peu sur sa faim, face à ce spectacle qui répond presque trop bien à ce qu’on lui demande.” – Un Fauteuil pour l’orchestre

– Chloé Lambert a choisi le thème de la médiation familiale pour bâtir une pièce qui explore des sujets sérieux sur un mode fougueux : personnages plus grands que nature, rythme soutenu et péripéties à la clé.” – Les trois coups

– “Héritière de la comédie cinématographique italienne d’antan, Chloé Lambert mêle les situations drôles et les moments de réelle tension.” – Froggy’s Delight

– “Tour à tour mordant, piquant et émouvant, le texte que signe Chloé Lambert réunit toutes les qualités dramaturgiques. Ses répliques font mouche et sa pièce ne manque ni de tendresse, ni de délicatesse.” – Femme Actuelle

 

3. Après avoir été remarquées deux ans de suite à Avignon et entre deux tournées, “Les Chatouilles” d’Andréa Bescond s’installent au Théâtre du Petit-Montparnasse :

– Seule sur scène pendant une heure et demie, la jeune femme incarnée par l’incroyable comédienne Andréa Bescond raconte une terrible histoire.” – Le Figaro

– “De sa danse saccadée, heurtée, secouée, Andréa Bescond exprime sa rage et sa douleur avec une rare énergie.” – Le Parisien

– “Dans ce spectacle mis en scène par Eric Métayer, la jeune femme est hors norme. Seule sur le plateau, elle assume tous les rôles avec maestria, culot, enthousiasme, faisant passer les spectateurs des larmes aux rires et du malaise à l’ébahissement.” – Marianne

– “L’ensemble de la pièce tient sur cette proposition intéressante que l’on peut parler du trauma sans jamais l’évaluer, que le seul énoncé des faits crée événement émotionnel et spirituel.” – Toute la Culture

– “Subtilement mise en scène par Éric Métayer, Andréa Bescond, auteure et interprète du spectacle parvient, avec distance, à conter cette histoire terrible sans tomber dans une représentation trop difficile à supporter par le public.” – Les Echos

– Interview d’Eric Métayer pour France Inter