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Avant la terreur : danser sur les décombres

La fête est déjà finie.
Le public s’installe au milieu des ballons de baudruche qui dévalent la salle, des rubans de papier colorés… ici on s’est bien amusé, reste quoi ? Les stigmates de la fête ne sont jamais que des détritus.

Vincent Macaigne s’empare de Richard III, sinistre rejeton de lignées qui ont assis leur règne dans le sang. Il l’assaisonne au Henri VI, le dope au Macaigne, le customise à l’éternité de la soif de pouvoir et le fait muter en un précurseur pathétique et terrifiant des potentats de notre époque. Les siècles se télescopent, et c’est très bien ainsi, car qu’importe que le message arrive par porteur à cheval ou par téléphone, la férocité, l’avidité, la peur, la folie, n’ont pas d’âge.

L’ouverture du spectacle se fait dans une étrange mélancolie, plateau envahi de brumes des plus britanniques, sur un air de Purcell délivré avec une extrême délicatesse par la troupe au complet.
Elisabeth, sœur aîné de Richard, nous enjoint à fermer les yeux pour oublier, oublier trois fois
« Oublier Shakespeare
Oublier Richard III
Oublier notre avenir
»
Oublions, oublions, cela fait de la place, et n’ayons crainte, le spectacle se chargera de les ramener tous trois à l’esprit. De Shakespeare, de Richard et de notre avenir, Avant la terreur regorge, déborde, envahit. Vincent Macaigne ne fait pas du théâtre qui avance à pas feutrés. Macaigne, il pense, il lit, relit, repense, cérébralise, intellectionne, allez savoir, peut-être même a-t-il besoin de silence ? mais quand ça sort sur le plateau, faut que ça pulse, ça brasse, ça explose les tympans, secoue les cœurs.

« Je vous dépose le lourd fardeau de cette couronne et vous allez vous entretuer »
Madame Gloucester, Avant la terreur

Mais n’allez pas croire que parce que l’on y hurle on se contente de hausser la voix. Pour qu’un cri porte, il faut qu’il soit habité, il faut que l’interprète qui le porte puisse aussi bien ne pas le crier. Les interprètes d’Avant la terreur ont de la singularité, de la justesse, un jeu généreux et précis. Familiers du travail de Macaigne, tel Sharif Andoura ou nouveaux venus, ils sont à la hauteur de ce grand défi.
Entre les vociférations, naissent des silences intenses, des monologues sotto-voce tendus et bouleversants.
Douche écossaise qui force l’attention, déluges de fureurs et ondées de retenues.

Macaigne maîtrise le vocabulaire du théâtre contemporain et la grammaire de Shakespeare. Des caméras suivent les acteurs dans de faux dessous de scène, miroirs sorciers des entrailles des familles meurtrières, amoncellement de flingues, portraits grandeur nature de Trump et consorts, reproductions de caravagesques têtes de Saint Jean-Baptiste coupées et dégoulinantes. Les exactions d’hier tentent de nous mettre en garde contre celles d’aujourd’hui et de demain. Les protagonistes multiplient les adresses au public, les exhortations micro en main. La cage de scène (magistrale scénographie) est exploitée dans ces moindres recoins, dans toute sa hauteur, s’ouvrant ou se resserrant sur les errements et les affrontements des Plantagenêt.

« Les enfants crient tous d’effroi au moment de naître, c’est normal que le monde crie d’effroi au moment de venir au monde »
Clarence, Avant la terreur

Le corps des interprètes est mis à rude épreuve, celui des spectateurs aussi est sollicité, infrabasses qui font vibrer les cages thoraciques (des prudents bouchons d’oreille sont distribués…), odeur piquante des fumées, crépitements des stroboscopes. C’est un spectacle qui n’est pas de tout repos, un spectacle avec de la sauvagerie, du bruit et de la crasse. Mais puisqu’ici il s’agit de la boue de sang où poussent les racines du mal, eh bien, oui, la tragédie et le meurtre, le fratricide et la soif de pouvoir, oui, ça peut être sale et faire du bruit.

Macaigne a quelque chose d’adolescent dans sa fougue, ses emportements, son goût du grand-guignol et son romantisme punk, et cette jeunesse est revigorante, comme est hautement salutaire sa foi en la puissance du théâtre, de la fiction, et de l’espoir.
Du chaos, lui et ses interprètes font surgir de la beauté, des images puissantes et bouleversantes, qui resteront gravées dans les mémoires; et créent un théâtre spectaculaire, lyrique, poignant. Un théâtre de tête et de corps, avec de la sueur, des larmes, des grands éclats de rire, des murmures, du bruit et de la fureur, avec de la vie et de la mort. Un théâtre qui réveille.

Marie-Hélène Guérin

 

AVANT LA TERREUR
À La Colline
Ecriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique Vincent Macaigne
très librement inspiré de Richard III de William Shakespeare
Avec Sharif Andoura, Max Baissette de Malglaive, Candice Bouchet, Thibault Lacroix, Clara Lama Schmit, Pauline Lorillard, Pascal Rénéric, Sofia Teillet et des enfants en alternance : Camille Amétis, Clémentine Boucher-Cornu et Mia Hercun
Photos © Simon Gosselin

assistanat à la mise en scène Clara Lama Schmit | lumières Kelig Le Bars assistée de Edith Biscaro | accessoires et régie générale adjointe Lucie Basclet | vidéo Noé Mercklé-Detrez, Typhaine Steiner | son Sylvain Jacques, Loïc Le Roux | costumes Camille Aït Allouache | régie générale François Aubry dit “Moustache”, Sébastien Mathé | collaboration scénographique Carlo Biggioggero, Sébastien Mathé
régie lumière Edith Biscaro | régie accessoires Manuia Faucon | régie plateau Tanguy Louesdon | régie vidéo Laurent Radanovic, Stéphane Rimasauskas | régie son Jonathan Cesaroni, Vincent Hursin, Loïc Le Roux, Baptiste Tarlet
administration de production Florian Campos et Lucila Piffer
construction du décor Atelier de la MC93
collaboration à la mise en scène Francesco Russo | stagiaires à la mise en scène Noémie Guille, Nathanaël Ruestchmann
stagiaire à la production Nine Martin, Luwen Solomon et Hannah Starck
stagiaire aux accessoires Anna Letiembre-Baës

production
MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Compagnie Friche 22.66
coproduction La Colline – théâtre national, Théâtre national de Bretagne, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, TANDEM – Scène nationale Douai-Arras, Bonlieu – Scène nationale d’Annecy, Festival d’Automne à Paris, Les Célestins – Théâtre de Lyon, Le Quartz – Scène nationale de Brest, Domaine d’O Montpellier – Cité européenne du théâtre, Théâtre de Liège
avec le financement de la région Île-de-France

Mummenschanz à Paris, Le Roi Lear, Richard III et Valère Novarina à Avignon

Revue de presse du 8 juillet 2015

 

1. Du 3 au 12 juillet, la troupe du Mummenschanz débarque au Théâtre Antoine  :

– “La seule certitude reste l’univers magique dans lequel vous entraine cette troupe d’artistes atypique.” – Europe 1

– “Tout n’est que poésie, délicatesse, et surprises.” – Sortir à Paris

– “L’esthétique de Mummenschanz n’est pas sans rappeler l’univers du Cirque invisible – de Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin – avec ces costumes fabuleux qui s’animent sur scène.” – La Presse

– “What is very fascinating is that in a world like today where people are so much into their computers and high-tech communication, they still adore and have fun interacting and playing with just about nothing.” – Chicago Tribune

 

2. Le Roi Lear d’Olivier Py divise la critique…

– “Olivier Py ne cache pas sa joie de monter ce Roi Lear qu’il couve depuis trente ans.” – Le Point

– “Dérangeant, inabouti, ce « Roi Lear » gonflé d’un Olivier Py furieux est un spectacle clivant, qui va déchaîner les passions.” – Les Echos

– “Seul Jean-Damien Barbin, un fou au bonnet de laine blanc à pompon, est comme toujours surréaliste et décapant.” – Telerama

– “Paresseuse, boursouflée, la mise en scène part dans tous les sens, et rend incompréhensible le point de vue d’Olivier Py.” – Le Monde

 

3. …et le Richard III d’Ostermeier la réconcilie :

– “Un triomphe comme une évidence, tant ce théâtre-là est à la fois d’une intelligence magistrale et totalement accessible, jouissif et inscrit dans une modernité qui n’a rien de cosmétique.” – Le Monde

– “Les spectateurs, déçus par le “Roi Lear” d’Olivier Py donné dans la Cour d’Honneur par des acteurs vociférants, n’ont pas boudé leur plaisir à la vue de ce “Richard III” virtuose.” – Le Parisien

– “La puissance de ce spectacle teigneux, pas une seconde ennuyeux, vif comme le feu — ou le rock qui le baigne — est en effet comme toujours chez Ostermeier de déplacer les frontières.” – Telerama

– “À la rigueur de la mise en scène s’ajoute celle du jeu des comédiens, pour la plupart complices d’Ostermeier depuis des années.” – La Croix

 

4. “Vivier des noms”, le spectacle de Valère Novarina, délicieux vivier de mots :

– “La troupe de Valère Novarina dévoile Le Vivier des noms, stupéfiante et savoureuse méditation sur le théâtre, le langage et la mort.” – Le JDD

– “Un régal de théâtre, novarinien en diable.” – Les Inrocks

– “Il suffit de s’abandonner pour se laisser prendre au piège de cette langue généreuse, chatoyante, étourdissante, aussi jubilatoire que du Rabelais.” – La Croix

– “Valère Novarina tente une nouvelle aventure langagière, Le Vivier des noms, réminiscence enrichie des milliers de figures ayant déferlé dans son oeuvre.” – Telerama