Je reviens de la vérité – Si tu rentres, toi, tu diras

C’est l’histoire d’une affiche, rencontrée le dernier jour du festival d’Avignon 2016, un de ces jours magiques où les âmes encore chaudes du festival, gorgées d’un bonheur nostalgique, se font déjà une joie du prochain. Je l’ai décrochée et je l’ai emportée avec moi. Depuis, elle ne me quitte plus. C’est l’une des plus belles, des plus sensuelles, des plus puissantes affiches du festival.
Une image. Une invitation à venir écouter le texte de Charlotte Delbo, résistante, déportée et femme de lettres. L’histoire de femmes, qui seront dans le seul convoi de résistantes envoyé à Auschwitz le 24 Janvier 1943.
Une image. Une image pour tenir, se retenir, comme ces mains suspendues au temps.

Une image. Une fresque d’une force inouïe, avec mille contrastes et mille émotions … qui nous frappe par sa beauté et sa douleur, sa force et sa fragilité, sa solidarité et l’abandon parfois … quand l’espoir s’éteint et qu’il ne reste de liberté que celle de choisir sa mort.

”On n’attend pas la mort, on s’y attend”.

Une image pour dire. Dire l’indicible, dire l’invisible, dire l’impossible, dire l’impensable.

Agnès Braunschweig porte une mise en scène intime, intense. Un cercle blanc au milieu de la scène pour être le lieu des 18 fragments tirés de la pièce de Charlotte Delbo “Qui rapportera ces paroles?”. Espace théâtral par excellence, qui sera tout à la fois l’arrivée au camp où la déshumanisation retire son masque, le dortoir où “il fait peur de dormir parce qu’il fait peur de rêver” où les corps se touchent se réchauffent et se contaminent, lieu de peu de vie mais de vie quand même, parce qu’ici “personne ne tient à la vie, c’est la vie qui tient un peu à nous”.

Agnès Braunschweig, Edith Manevy, Caroline Nolot en vêtements gris et fichus gris sur la tête, sont bouleversantes; elles n’ont plus que leur voix et leur corps pour raconter et redonner vie à Françoise, Yvonne, Claire, Mounette, Denise, Gina, Renée et toutes les autres …. elles nous offrent leurs âmes aussi.

Je reviens de la vérité, de Charlotte Delbo, mise en scène Agnès Braunschweig, festival off Avignon 2017, coup de coeur Pianopanier

”Si tu rentres toi, tu diras”.

Dans notre monde de mensonges, dans notre époque où la vérité perd ses sens, dire cette vérité, aux enfants, aux adultes, pour qu’ils le disent à leurs enfants, c’est réaliser le seul espoir de celles qui sont restées et de celles qui sont revenues de la vérité, c’est ne pas laisser le monstre ricaner sans fin comme la terre tremblante ricane en fixant ceux qu’elle engloutit. “Si tu rentres toi, tu diras”.

En arrivant en 2017, je l’ai vue tout de suite, il n’y en avait qu’une parmi les milliers qui flottaient au vent, je l’ai tout de suite reconnue. Elle était toujours aussi captivante, toujours aussi singulière. Troublante.

On y a juste ajouté “finaliste des coups de cœur 2016”. A vous d’écrire ce qu’il y aura sur les prochaines …

JE REVIENS DE LA VERITE
Compagnie Prospero Miranda
À l’affiche de la Salle Roquille du 7 au 28 juillet 2017 – 13h
Un texte de : Charlotte Delbo
Mise en scène : Agnès Braunschweig
Avec : Agnès Braunschweig, Edith Manevy, Caroline Nolot
Photo de l’affiche par Jennifer Westjohn

0 réponses

Répondre

Se joindre à la discussion ?
Vous êtes libre de contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *