Revue de presse du 19 avril : Ubu, Biopigs, Bajazet

Ubu, Alfred Jarry, Olivier Martin-Salvan, Bouffes du Nord, © Sébastien Normand @Sébastien Normand

1. Un Ubu survolté aux Bouffes du Nord :

“La farce potache d’Alfred Jarry peut paraître désuète, difficile à lire pour un théâtreux du XXIe siècle, et pourtant « Ubu » tient le coup… La saga de ce roi crétin, qui tue tout le monde, reste un manifeste « anar » et antitotalitaire efficace. Et surtout, elle constitue un formidable matériau de théâtre. Le jeu burlesque, sans temps mort, orchestré par un Olivier-Ubu survolté décuple l’humour farcesque. Les gags font mouche. Nos cinq musclés jouent la carte de l’absurde, de la gaudriole, du mauvais goût assumé, sans sombrer dans la grossièreté. Gesticulant et transpirant une heure durant, ces marionnettes nous ont bien divertis, en faisant un sort aux champions de la tyrannie. Les Echos

“Les cabrioles de cette séance d’aérobic en folie, éclairent des répliques que l’on croirait taillées pour Trump et Madame. Quel homme cet Olivier [Martin-Salvan] ! Ce qui est le plus frappant, c’est sa légèreté. Il en joue, s’en joue. Figaroscope

“Structure scénique légère, comédiens survoltés aux dégaines d’hurluberlus… Le metteur en scène Olivier Martin-Salvan adapte les pièces d’Alfred Jarry avec rage et drôlerie. Ce que la pièce peut avoir de théorique dans sa déstructuration affichée est renouvelé dans une forme joyeuse qui dégraisse et dynamise le texte. On rit face à ces comédiens aux dégaines d’hurluberlus, aux mimiques insensées, aux yeux terrorisés. On retrouve son effronterie enfantine. En s’amusant de la pièce, Oliver Martin-Salvan et sa bande lui ont rendu d’irrésistibles nerfs. Télérama

“Comme dans un combat de boxe, tout va très vite et les coups fusent. Face à cette farce irréelle ayant le don de s’éterniser à grande vitesse, on se sent évidemment amusé, peut-être lourdement diverti mais, aussi, étrangement captivé, saisi de ne pouvoir s’empêcher de penser aux plus ubuesques des dirigeants actuels, à commencer par Donald Trump… A la fois tenue et défoulée, rigoureuse et déjantée dans sa forme, cette performance restera dans les annales des innombrables variantes offertes au mythique despote. Le Journal du dimanche

“Avec cette farandole de corps hurlants et dégoulinants, les comédiens repoussent la limite du grivois, titillant la limite du supportable et réaffirmant la cruauté de ce personnage immonde. Emportés par leurs gémissements et les éclats de rire du public, on passe un moment des plus absurdes, et on applaudit la troupe pour son énergie et sa folie de rigueur. La Vie/span>

“L’enjeu est de pouvoir représenter l’avidité guerrière du pouvoir dans son entêtement, dans cette tension entre grotesque et cruauté, entre farce potache et quête pulsionnelle et tragique. L’univers choisi permet de mettre en scène la méchanceté des jeux d’enfance – et Ubu est à maints égards un grand enfant -, la puissance des pulsions, le goût irrépressible du pouvoir et une forme d’abrutissement radical. Mais une fois passés l’effet de surprise et ses ressorts, ce qui prend le pas sur tout le reste, c’est la gesticulation et sa répétition lassante. La scène finale que l’on n’espère pas prophétique a beau avoir un certain style, l’exercice a ses limites et, au fil du spectacle, la métaphore perd de sa vigueur. La Terrasse

Biopigs, cie Zerep, Rond-Point

2. Au Théâtre du Rond-Point, Biopigs, spectacle farfelu, dont la folie vivifiante peut tourner à l’exercice de style ultra-référencé :

“L’heure est au kitsch avec ce spectacle farfelu écrit par la folle compagnie du Zerep. La performance, haute en couleur, s’ouvre ainsi dans un déluge de costumes et de perruques face à une sorte d’immense sculpture représentant vaguement la silhouette dégoulinante de Jabba the Hut. Une performance survoltée. Time Out

“Ils ne sont que trois pour faire défiler une galerie de personnages fantasques. A force de perruques et de pirouettes, ils réinventent — encore mieux que d’habitude — un art jouissif du clown pour dire que notre monde est une farce. Télérama Sortir

“Spectacle sans queue ni tête comme sait en faire la compagnie du Zerep, Biopigs est tellement déroutant qu’il risque de vous perdre en route. Il y a des moments hilarants mais aussi des chorégraphies répétitives et beaucoup de passages où le sens de l’humour à la fois absurde et référencé de Xavier Perez et Sophie Boussiron perd le spectateur. Tout n’est pas réussi. Et la succession de saynètes instaure un rythme soutenu et une forme de zapping où la vitesse d’enchaînement fatigue quelque peu l’attention. La Terrasse

“Une caricature un peu vaine. Rompus à la pratique du mauvais esprit, jusqu’au malaise, le duo d’agités formé par Sophie Perez et Xavier Boussiron depuis une quinzaine d’années officie au croisement du spectacle vivant et des arts plastiques. Sous des applaudissements mécaniques a lieu un déboulonnage en règle des vieilles lunes du théâtre contemporain, de Chéreau à Nordey, et d’un esprit de sérieux qui plombe parfois le répertoire comme l’institution. L’actualité récente l’a montré, notre besoin de caricature est inextinguible, tout comme la mise en perspective critique et le dynamitage. Une fois établi, ce constat ricanant et un peu vain signale peut-être pour la compagnie du Zerep l’épuisement d’un système, surtout quand la création collective menace à tout moment d’engloutir la verve des trois interprètes, inaudibles. Libération

Biopigs est conçu comme la succession de fin de spectacle que focalisent les saluts faussement improvisés et la réception des applaudissements. Le tout est estampillé de l’humour provocateur et référencé de Sophie Perez et Xavier Boussiron dans une énergie aussi furieuse que généreuse. A l’abri d’une esthétique baroque et outrancière qui renvoie à l’envers du décor, la compagnie du Zerep éprouve pour mieux s’en moquer mais aussi les revisiter, les formes de la représentation théâtrale. Un geste salutaire. PublikArt

“Habituée du grand n’importe quoi, avec “Biopigs”, la compagnie du Zerep ne déçoit pas : costumes kitsch à souhait, scènes trash et humour caustique, tous les ingrédients sont réunis pour concocter un cabaret déjanté dont seuls Sophie Perez et Xavier Boussiron ont le secret. Hommage, critique, parodie ou moquerie ? On hésite tant la compagnie se fait un malin plaisir à déjouer les codes du genre, à tordre le cou au bon goût… Nombreux sont, en effet, les moments hilarants dans Biopigs. Mais, s’il est bien connu que la culture c’est comme la confiture, l’étalage et l’accumulation de références a de quoi désorienter le spectateur… A la fin, toute en queue de poisson, les applaudissements du public – le vrai, cette fois-ci – paraissent bien timides comparés à ceux qui ont ponctué la représentation. Signe peut-être du sentiment de lassitude face à un tel zapping… Toute la culture

 

Bajazet, Racine, m.e.s. Eric Ruf, Vieux Colombier, Comédie-Française

3. Au Vieux-Colombier, Eric Ruf présente Bajazet, de Racine :

“La situation politique est assez confuse, mais on ressent bien les forces, la fureur, la haine et l’amour qui lient les personnages. Dans sa mise en scène, Eric Ruf utilise des armoires de bois pour délimiter le cœur du sérail, lieu intime. L’ensemble est bien mené. Clotilde de Bayser (Roxane) et Denis Podalydès (Acomat) sont excellents. Télérama Sortir

“Tout n’est que grâce, suggestion, fantasme, aveu arraché ou consenti. Les acteurs de cette tragédie sont portés par la fluidité de l’alexandrin racinien qui rajoute une touche de poésie dans une histoire où Atalide et Bajazet sont les seuls êtres mus par d’autres sentiments que la volonté de pouvoir. Marianne

“La scénographie sert parfaitement la mise en scène minutieuse, propice à l’exposition d’une tragédie dont l’authenticité exotique sert de miroir à une Cour occidentale semée, elle aussi, de chausse-trapes. Où conduisent le pouvoir jaloux d’Amurat, l’ambition traitresse d’Acomat, l’amour contrarié de Bajazet, la jalousie morbide de Roxane et l’amour inconditionnel d’Atalide sinon à la destruction ? Leur état d’esprit, à son paroxysme dès le début, se déploie et s’enflamme, chaque acte ponctué par quelques mesures de musique. Pas le moindre ennui, pris que nous sommes par le déroulement des actes dévastateurs commis, et la tragique fatalité du dénouement. Spectacles Sélection

“Comme à son habitude, Racine déploie ici la ferveur magnifique d’un texte qui déshabille les passions. Dans cette pièce rarement donnée, Clotilde de Bayser et Denis Podalydès sont éblouissants de maîtrise et de vérité scénique. Eric Ruf, qui signe ici la mise en scène et le décor, crée une atmosphère austère et douce à la fois, que les costumes de Renato Bianchi, longues robes souples et fuselées et costumes contemporains, rendent intemporelle. Entendre ce texte vibrant d’émotions réfrénées et explosives, c’est une expérience délibérément salutaire et réjouissante. Artistik Rezo

“C’est pour remplacer « La Cruche cassée », déprogrammée après la défection du metteur en scène, que l’administrateur du Français a choisi de monter au débotté « Bajazet ». Avec la même distribution que celle prévue pour la pièce allemande. Les comédiens-français, habitués à l’alternance, se sont coulés dans le moule et le spectacle proposé apparaît abouti. Classique, élégant, il ne nous a pas fait vibrer pour autant. Dans sa scénographie, Eric Ruf a su rendre avec justesse l’atmosphère de « huis clos » du sérail. Les comédiens évoluent avec précaution dans ce précieux capharnaüm, magnifié par un saisissant clair-obscur. Denis Podalydès, fabuleux dompteur de texte, apprivoise et soumet les alexandrins… Mais faute d’une intensité réellement partagée, le spectacle ne parvient pas à captiver. De belles images et l’inspiration de Denis Podalydès ne suffisent pas à assurer le triomphe de « Bajazet ». Les Echos

“La mise en scène d’Éric Ruf est alourdie d’une scénographie conceptuelle. Et la tragédie se perd dans les détails. Le Figaro

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