Revue de presse du 28 septembre : Rêve et Folie, Dom Juan, L’Interlope, Le Silence de Molière

reve-et-folie-pascalvictor © Pascal Victor

1. L’ultime mise en scène de Claude Régy, Rêve et folie, une expérience hors norme :

“L’homme danse. Lentement, il dessine sa douleur. Puis il la clame, en un bouleversant poème plein d’horreurs et d’énigmes. Chaque intonation de la voix est une plainte, un cri de joie transformé en pleur, un tremblement de détresse ou de peur. Les silences aussi sont des mots. Puissants.
En cinquante minutes, le metteur en scène et son comédien fétiche Yann Boudaud nous font changer de dimension. Plongé dans un temps dilaté, chaque spectateur réinvente un monde chaotique, en se raccrochant à un mot ou un silence… Une musique lancinante – discrète presque subliminale – participe du vertige.
Expérience inédite pour certains, exigeante pour tous (le silence imposé au spectateur quand il s’installe ; le phrasé singulier de Yann Boudaud), “Rêve et folie” est le dernier geste sublime d’un géant du théâtre. Un théâtre de l’épure et du mystère qui, porté à son acmé, change la vie en poésie.
Les Echos

“Un spectacle captivant. Décor abstrait, minimaliste, terrain vague au sens propre, mais déterminé par une lumière ultra précise. L’acteur grandit et s’affaisse au rythme du texte, les genoux fléchissant au point qu’on a le sentiment que le plateau est légèrement mou.
Se laisser happer et désarçonner par “Rêve et folie” est une expérience qu’on aurait tort de ne pas tenter.
Libération

“Chancelant, grimaçant, extatique, le comédien Yann Boudaud nous ouvre les territoires clandestins de Rêve et Folie après un long moment de pénombre et de silence. Il se lance dans une plainte empreinte de mystère qui exclut toute idée d’évidence narrative. Des images nous parviennent. Plus ou moins fortes. Plus ou moins nettes… Cette échappée sépulcrale se situe en deçà, disons-le, des fulgurances qui faisaient de “La Barque le soir” – création qui réunissait, en 2012, le comédien et le metteur en scène – une proposition hors du temps. Le voyage qui nous est à présent proposé, bien qu’engendrant moins de vertiges, est une nouvelle occasion de prendre part à une aventure de théâtre quasi chamanique. Une aventure unique. Une de ces expériences qui ne se refuse pas. La Terrasse

TT Aller au-delà des objets, des mots, des images ; y frayer au spectateur, dans la pénombre et le silence, un chemin entre contemplation et prière : tel est l’ultime voyage auquel nous invite Claude Régy au côté du poète austro-hongrois Georg Trakl (1887-1914). Avec pour guide l’étonnant comédien Yann Boudaud… On en sort hagard. Et c’est ça qui est beau. Télérama Sortir

“3 étoiles – L’ultime acte, le dernier geste d’un metteur en scène qui a repoussé les limites de la mise en scène, osant le silence et l’obscurité, osant la pureté, la rigueur absolue, pour dénoncer l’ultra violence, la transgression. Amenant le spectateur aux limites de la perception, lui ouvrant, par cette obscurité, les yeux sur l’indicible. L’obligeant fermement à la concentration, à la perception la plus infime au tremblé des âmes troublées.
Yann Boudaud ploie et déploie son corps, pour en extraire toute sa force poétique, sa folle démesure. Une voix grave, une élocution exagérément lente, artificielle, qui résonne et fait tambouriner la folie d’un homme.
Et nous restons suspendus, hébétés dans de ce gouffre noir, engouffrés dans l’écriture de Trakl qui nous absorbe à notre tour.
Un fauteuil pour l’orchestre

“Dans un espace vide et indéfini, baigné d’obscurité et de fines variations de lumières crépusculaires, Yann Boudaud porte les mots de Trakl tout autant dans ses lents déplacements et sa gestuelle, que dans ses silences et dans son élocution tour à tour syncopée ou psalmodiée, dont chaque ponctuation porte sens. Avec une précision et un rigueur exemplaire. Un spectacle hors normes à la fois envoutant, fascinant et éprouvant, qui entraine loin des bruissements du monde et laisse des traces pour le peu que l’on se soit investi dans sa relation. Webtheatre
dom-juan-brigitteenguerand © Brigitte Enguerand

2. Mis en scène par Jean-François Sivadier, un Dom Juan vif et actuel :

“Sous la direction de Jean-François Sivadier, Nicolas Bouchaud est un Dom Juan provocateur et libre penseur.
La mise en scène de Jean-François Sivadier qui s’engouffre résolument dans le registre de la comédie enlevée. Comme pour “Le Misanthrope”, précédemment mis en scène, Jean-François Sivadier joue avec la salle et Nicolas Bouchaud avec le public… Des sphères lumineuses tombent des cintres, figures de l’univers et de ce ciel qu’il ne cesse de défier, l’espace se transforme à l’aide de cordages, de rideaux, le plancher s’entrouvre sur les entrailles de la terre. Dans ce bric-à-brac, le texte de Molière et la vision de ce Dom Juan se moquant du ciel résonnent cependant avec force…
Le Journal du dimanche

“Un grand moment pour une pièce d’une brûlante actualité.
Aujourd’hui, dans le contexte ambiant des attentats terroristes perpétrés au nom d’un prophète soumis à un drôle de régime, le “Dom Juan” de Jean-François Sivadier tient de la profession de non foi et de l’hymne à la liberté. Ce texte d’une formidable actualité, longtemps considéré avec une pointe de mépris, n’a pas pris une ride. Dans leur commune plongée dans l’œuvre, Jean-François Sivadier et Nicolas Bouchaud, désormais inséparables, en offrent une version des plus réussies. De la scénographie à la musique, tout est maîtrisé, inventif. On regrettera quelques baisses de régime dans une pièce menée à fond la caisse, mais ce ne sont là que broutilles.
L’essentiel est ce formidable spectacle, interprété par des acteurs au diapason, emmenés par un Dom Juan qui rend ses lettres de noblesse à la liberté de conscience.
Marianne

TT Jean-François Sivadier suit les deux arguments, la libre-pensée et l’insatiabilité amoureuse, en valorisant surtout la première dimension. Car si Nicolas Bouchaud se révèle un séducteur charmant plutôt qu’un prédateur terrible, il s’affirme encore mieux dans sa résistance au ciel. Face à la foi si maladroitement défendue par son valet, Sganarelle, il enfonce le clou en feuilletant le marquis de Sade, qui écrit : « Nous ne voulons pas d’un Dieu qui meut l’homme au moment où il se livre à des horreurs »… Sentence d’actualité et couple Dom Juan-Bouchaud et Sganarelle-Guédon en parfaite opposition… Que rêver de mieux ? Allez-y, foncez ! Télérama Sortir

“Jean-François Sivadier fait de Dom Juan un bateleur dans l’arène branlante du monde. A chaque instant, on est bluffé par l’extraordinaire vitalité de Nicolas Bouchaud (et donc du personnage qu’il incarne) sans montrer le moindre signe de fatigue. Vincent Guédon n’est pas de reste en Sganarelle toujours frais comme un gardon même dans ses bougonnements.

 Malgré ses défauts (notamment sa longueur), le spectacle emporte le morceau par sa richesse. On en garde l’image d’un Dom Juan véritable bloc de mystères. Tout comme la statue de pierre du Commandeur qu’il défie dans un ultime rebond. Sauf que Dom Juan, lui, est un bloc de vie, pensant, raisonnant, désirant. Et que sa parole est toujours bien vivante. Rue du théâtre

“Une mise en scène trop chargée, sauvée par les acteurs.
Une machinerie à l’ancienne de sacs suspendus et de boules lumineuses, genre discothèque, envahit le décor. Elle est trop chargée. Quant à la distanciation brechtienne qui règne, elle est efficace, mais seulement deux fois sur trois. Cette ambiance de foire un peu trop virtuose liquide une qualité essentielle à la pièce de Molière, que Sivadier semble pourtant revendiquer : sa violence métaphysique.
Cependant, le plaisir est là. Nicolas Bouchaud, qui interprète Dom Juan, n’y est pas pour rien. La délicatesse de sa grande carcasse, un mélange très physique de farce et d’ironie, lui donne un charme légèrement méphistophélique, sourcils relevés, qui permet de comprendre pourquoi ceux qui en viennent à le détester préféreraient continuer de l’aimer ou le servir…
Libération

linterlope-brigitteenguerand © Brigitte Enguerand

3. Un bel espace de liberté que ce cabaret Interlope composé par Serge Bagdassarian :

“Une réussite.
Place à la revue avec l’apparition spectaculaire des trois artistes emplumés et en robes de strass (la Comédie-Française n’ayant pas de telles plumes dans son atelier de costumes, elle a fait appel au Moulin Rouge !) avec un étonnant Michel Favory en drag queen… Un échantillon évocateur des chansons de l’époque est livré mais le cabaret associe la fantaisie, l’humour, la sensualité à la poésie.
Serge Bagdassarian, chanteur et comédien sensible, joue de toutes ses métamorphoses, amer, émouvant et Benjamin Lavernhe est troublant de séduction et d’ambiguïté. Mais derrière le clinquant des costumes et des maquillages, il s’agit toujours de liberté d’être soi, et d’aimer.
Le Journal du dimanche

“Un cabaret interlope bouleversant et exaltant qui défend brillamment le choix et le droit d’aimer.
L’émotion, la bouleversante sincérité de l’aveu murmuré ou la cinglante drôlerie fustigeant la bêtise sont magistralement réglées dans ce spectacle aussi désopilant que poignant.
Si Serge Bagdassarian compose et signe un spectacle qui offre à tous ses camarades l’occasion de faire miroiter leurs talents, il brille entre tous dans la composition éblouissante de Camille, travesti sur le retour, dont les œillades assassines, la beauté insolente et la fierté iconoclaste sont renversantes de séduction.
Les costumes sont somptueux, les arrangements musicaux et l’accompagnement au piano et à la contrebasse sont parfaits. L’ensemble compose un spectacle servi par des interprètes d’exception, dont la beauté égale l’émotion et la puissance d’une tolérance militante.
La Terrasse

TT Les trois acteurs (excellents) interprètent des chansons à double sens, dont l’autodérision faisait rire le public averti de l’époque. Les acteurs sont travestis avec de flamboyantes plumes dignes du Moulin Rouge. La mise en scène de Serge Bagdassarian est magnifique de finesse, d’intelligence et de sensibilité. C’est un cabaret très émouvant, dont le climat de liberté vivifie. Télérama Sortir

“Le spectacle, cousu de textes incisifs et drôles de Serge Bagdassarian, nous emmène d’abord dans une des loges du cabaret, où l’acteur, comme le transformiste, opère sa métamorphose, change de peau et de vie.
Avec “L’Interlope (cabaret)”, Serge Bagdassarian, superbe en transformiste sur le retour et dont l’ironie distanciée nous empoigne le cœur, ne signe pas seulement un éblouissant spectacle de haute saveur poétique. En effet, sous le clinquant des plumes et des strass, derrière les savants cabotinages dosés juste ce qu’il faut pour que le rire déjoue les larmes, c’est le rude chemin parcouru qu’il nous montre en même temps qu’il plaide avec finesse pour le droit à la différence et la liberté d’aimer qui bon nous semble. Un message d’ouverture et de tolérance qu’il n’est pas inutile d’entendre ces temps-ci.
Webtheatre

 

le-silence-de-moliere-pascalvictor © Pascal Victor

4. Dans Le Silence de Molière, mis en scène par Marc Paquien, Giovanni Machia donne la parole à la fille de Molière… :

“Marc Paquien met en scène avec grâce “Le Silence de Molière”, Ariane Ascaride transformant en touchante héroïne Esprit-Madeleine, la fille du dramaturge.
Marc Paquien orchestre avec beaucoup de délicatesse ce texte… On peut lui faire confiance à pour bien choisir ses interprètes et savoir les diriger. Ariane Ascaride incarne avec retenue et justesse Esprit-Madeleine. Aucun pathos dans son jeu, mais une douleur rentrée, qui explose seulement quand l’émotion est trop forte…
Le décor, simple et efficace est magnifiquement éclairé par Dominique Bruguière, qui crée un clair-obscur onirique. Le spectacle nous fait toucher à l’indicible – à la magie blanche et noire du théâtre. Les comédies sont cruelles, mais la vie l’est plus encore. Sur scène au moins, on peut encore croire au monde.
Avant cette « conversation imaginaire », la fille de Molière était à peine un fantôme dans nos mémoires. Par la grâce de Macchia, Paquien, Mobihan et Ascaride, elle revient à la vie, devient un « personnage réalisé » – mieux, une héroïne.
Les Echos

TT Le texte de Giovanni Macchia parle bien du théâtre, de la manière dont Molière s’y consume, de la violence des rapports familiaux entre la fille et le père, de l’absolue solitude d’Esprit-Madeleine, du non-dit qui pèse sur elle. La mise en scène raffinée de Marc Paquien nous fait entrer dans ce personnage désespéré, presque irréel. Télérama Sortir

“Marc Paquien met en scène Ariane Ascaride et Loïc Mobihan dans l’adaptation scénique des confidences imaginaires d’Esprit-Madeleine, fille de Molière. Magnifique défense et illustration du théâtre !
Le choix le plus judicieux de ce spectacle est sans doute d’avoir confié le rôle d’Esprit-Madeleine à Ariane Ascaride. La comédienne offre une noble simplicité à Esprit-Madeleine… Marc Paquien et ses comédiens offrent, avec cette pièce, non un cours sur Molière, mais une véritable leçon de théâtre !
La Terrasse

“Marc Paquien, qui a mis en scène ce texte bouleversant, confie le rôle d’Esprit-Madeleine Poquelin à une actrice magnifique, Ariane Ascaride.
Le décor épuré de Gérard Didier et la longue robe monacale, d’une blancheur immaculée, d’Ariane Ascaride, servent avec justesse le propos.
Pourtant…
Pourtant, nulle émotion véritable ne se dégage de cette douloureuse confession et des brefs échanges entre Esprit-Madeleine et le jeune homme… On sort de la représentation quelque peu perplexe, en se demandant pourquoi, alors que tous les ingrédients étaient réunis pour sa réussite, la mayonnaise (ce jour-là peut-être ?) n’a pas pris.
Reg’Arts

“Fervent admirateur de Molière, Giovanni Macchia a imaginé une rencontre fictive dans laquelle Esprit-Madeleine Poquelin se donne en spectacle et se livre comme jamais.
Le récit souffre de quelques longueurs. Tout repose sur le texte, qui est déclamé presque comme un monologue. L’homme qui donne la réplique à la fille de Molière ne lui sert en effet que de faire-valoir. Mais le jeu de ces deux acteurs ne repose pas seulement sur la parole, il se joue aussi dans leur silence, leur jeu de cache-cache et le ballet des ombres et des lumières. La pièce repose et est essentiellement portée par Ariane Ascaride. Elle interprète avec justesse, finesse et délicatesse l’âme tourmentée d’Esprit-Madeleine Poquelin.
Toute la culture

“Marc Paquien signe une mise en scène austère, rêche et sans aspérité. Glaciale même. Ariane Ascaride dessine une femme blessée, amère. Une femme enclose en sa douleur, butée, trop sans doute pour nous émouvoir. Un jeu très concentré qui, et malgré tout l’engagement et le talent d’Ariane Ascaride, ne nous atteint pas, ne nous touche pas. Tout est parfait dans cette mise en scène, impeccable le jeu, mais tout y est lisse, tout glisse sans accrocher. Il n’y a rien que l’on puisse saisir, rien de palpable, aucune faille. L’émotion, comme délibérément contrainte, retenue, est absente. Et l’ennui gagne de tant de contention… Reste le portrait saisissant, à vif, d’un auteur et comédien, Molière, qui fit du théâtre « son salut et sa damnation ». Un fauteuil pour l’orchestre

Ariane Ascarie en entretien avec BSC News “Marc Paquien a un grand respect et un grand amour des acteurs et des actrices. C’est un immense accompagnateur, il ne lâche jamais. Il est là, et en même temps, et c’est ce qui est bien, il a une véritable exigence.”… BSC News

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