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Deux amis : Rambert, Berling, Nordey, des hommes et leurs amours

En fond de scène du vaste plateau vide du Rond-Point, tout un bric-à-brac de réserve de théâtre, tables – de bois, carton, plastique, tabourets et chaises, racks orange supportant câbles, casques de moto, « gamelles », bidons, seaux, plots…
C’est un beau cadeau, déjà, cette image, c’est beau de voir une cage de scène à nu, et sa peau de peinture noire éraflée, comme un bœuf écorché, tuyauterie et abattis à vue – rails d’accroche, numéros des cintres peints sur une traverse, échelles, armoires électriques…

Et c’est ça, le sujet, d’une certaine manière : le théâtre, nu, et les deux hommes, en costumes de ville, qui vont y vivre, 1h30 durant.

Pascal Rambert, qu’on suit depuis des années, dont on a aimé Actrice, Argument, Sœurs, etc, a écrit Deux amis pour Stanislas Nordey et Charles Berling, puisant dans leur complicité commune (ils ont tous deux déjà joué des textes de Rambert) et dans leur singularité la matière de leurs personnages.
Deux amis, si « amis » signifie « amants amoureux partenaires de création », signifie « des décennies de passion partagée ». Parce qu’ici on parlera de théâtre et d’amour, les deux grandes affaires de Pascal Rambert.

« Deux chaises, une table et un bâton »

Stan et Charles veulent re-monter les 4 Molières de Vitez. Comme Vitez qui l’avait monté en 1978, en imaginant comme Molière avait pu le monter : avec une table, deux chaises et un bâton.
« Molière fait tout avec 1 table, 2 chaises et 1 bâton, Vitez l’a refait, ça me semble pas insurmontable qu’on refasse pareil. […] On a une table en plastique, on dit que c’est une table en bois, et tout le monde y croit. Là, je suis au théâtre, là, je fais mon métier », proclame Stan.
On se dispute, on cherche, on tâtonne, on scénographie, on construit, on déconstruit, on épilogue, on work-in-progress, la langue est très orale, spontanée, incisive et extrêmement drôle. Rambert qui a le goût du tragique a aussi un humour alerte.

Cet air de naturel, cet air de vie comme s’inventant devant nous, se rompt à quelques reprises, pour des adresses au public d’une simplicité et d’une théâtralité folles, en ces longs monologues hypnotiques caractéristiques de l’écriture de Rambert.
L’un figé dans son temps intérieur, l’autre s’immisçant dans cet interstice de l’action (« Dans les textes de théâtre, il est parfois noté « un temps », et je me glisse dans ce temps », dit Stan), cette fraction de seconde entre deux respirations, pour déployer son regard sur son compagnon, et nous embarquer dans un voyage dans les eaux profondes de leurs amours.
Dans ces moments suspendus, ils parlent des silences de l’autre, et de théâtre, toujours. De son labeur, de sa machinerie et de sa magie – qui sont une seule et même chose, de ses aspérités, de ses frustrations, et de sa nécessité.

Deux scènes « jouées » offrent des mises en abyme des plus jubilatoires :
Lors de la première, Charles suggère d’intégrer à leur montage de Molière un extrait de Ma Nuit chez Maud (Rohmer, 1969), dans lequel jouait Vitez et apparaissait la mère de Stan. La lumière baisse sur le public, pour isoler un temps le plateau : texte en main, attablés, Charles va jouer Trintigant, dans le rôle de Jean-Louis, et Stan va jouer Vitez, dans le rôle de Vidal. Poupées russes, un acteur qui joue un personnage qui joue un acteur qui joue un personnage… Délicieux moment de jeu dans le jeu ! On y sent tout à la fois l’amusement et la tendresse de l’auteur pour ce cinéma pour le moins… daté…
Ensuite, une mise en situation de la scène entre Orgon et Elmire (dans Tartuffe), virant à la déclaration d’amour pantalons aux genoux, pudiquement indécente. C’est touchant de crudité banale.

« En fait seulement la peau »

Puis cinq petits mots sur un écran de portable, lus par mégarde : « En fait seulement la peau ».
En fait ? seulement ? la peau ? ta peau ?
La scène de jalousie va bientôt se gonfler, s’envenimer, devient une action en elle-même : Rambert, qui croit au pouvoir des mots, active la fonction performative du langage, où ainsi le danger naît parce qu’on l’énonce. Charles va gorger chaque mot de venin et en noyer Stan. C’est Le Début de l’A (dont on retrouve la diagonale tranchante, coupant le plateau en deux comme l’histoire est coupée en deux) et La Clôture de l’amour (deux remarquables « Rambert » des années 2005-2010) compactés en un quart d’heure, les chairs et les esprits complices et aimant tournant à l’aigre pour une sonnerie et cinq mots sibyllins – cinq petits mots anodins, dont le curieux agencement fait cinq petites bombes, qui semblent prêtes à fragmenter les décennies et l’amour.

Mais la pièce opère un nouveau revirement, on zigzaguait de réalisme en absurde, de comédie en théorie, pour finalement prendre un tournant brutal vers quelque chose de plus ténébreux. Deux hommes gorgés de sève, d’envie et de vie nous accueillaient, deux hommes pathétiques, dérisoires et poignants nous quittent. Il y a de la beauté dans la flamboyance comme dans le déclin. Il faut du métier, du cran et du coeur pour se dévoiler autant.
Pour porter cette pièce-puzzle, tonique et exigeante, dont il faut accepter parfois l’inconfort (mais le confort n’est pas toujours une vertu), Stanislas Nordey et Charles Berling, d’une belle plasticité, se prêtent à tous les registres avec le même engagement, la même justesse. Ces deux grands comédiens, mobiles, joueurs, sont impeccables de bout en bout, denses, présents et d’une immense générosité.
Un délectable et bouillonnant hommage à la puissance des sentiments, des mots et du théâtre.

Marie-Hélène Guérin

 

DEUX AMIS
Au Théâtre du Rond-Point jusqu’au 3 décembre 2022
Texte et mise en scène Pascal Rambert
Avec Charles Berling, Stanislas Nordey
Lumières Yves Godin | Costumes Anaïs Romand
Le décor du spectacle est composé d’appareils électroménagers provenant du réseau associatif Envie, spécialisé dans l’insertion et la réparation d’équipements électriques et électroniques depuis 1984.
Production : Structure Production, Coproduction Châteauvallon – Liberté – Scène Nationale, TNS – Théâtre National de Strasbourg, Théâtre des Bouffes du Nord
Texte publié aux éditions Les Solitaires intempestifs.
Photos Giovanni Cittadini Cesi

Affabulazione, « Un amour qui ne finit pas » et Thabet et Bolze au Rond-Point

Revue de presse du 20 mai 2015

 

 

1. Affabulazione au Théâtre de la Colline, les retrouvailles de Nordey et de Pasolini :

– « Au Théâtre national de la Colline, Stanislas Nordey retrouve Pier Paolo Pasolini dans « Affabulazione », une pièce centrée sur la complexité des rapports entre un père et son fils. » – Marianne

– « Stanislas Nodey a choisi une mise en scène opératique dans une scénographie à la Visconti, pour accompagner d’une image lumineuse un propos complexe. » – Théâtral Magazine

– « L’auteur italien n’a cessé d’accompagner le metteur en scène, qui a inventé son théâtre à partir de la réflexion pasolinienne sur le « théâtre de parole » opposé au « théâtre de bavardage » et au « théâtre de l’Underground » du geste et du cri. » – Le Monde

– « L’aventure que Stanislas Nordey offre au public d’Affabulation est une vraie expérience poétique, presque une transe antique. » – Telerama

 

2. Un amour qui ne finit pas,  avec le comédien-metteur en scène Michel Fau :

– « Au jeu ultra-lunaire de Michel Fau (Jean) répond celui, explosif, de Léa Drucker (Germaine), forcément sublime en bourgeoise « choucroutée » et calculatrice. » – Les Echos

– « Michel Fau nous permet de redécouvrir cette pièce oubliée et l’on ne peut que le louer : ce n’est pas la première fois qu’il va puiser dans un répertoire à difficile distance. » – Le Figaro

– « En tête d’affiche, des comédiens aguerris à la scène, bien distribués en terme d’emploi, qui maîtrisent une partition délicate car faite de ruptures dont ils déjouent habilement les pièges et difficultés. » – Froggy’s Delight

– « Les clichés de la comédie de l’adultère, de la société bourgeoise et de la sexualité sont ici provoqués, secoués, mis en cause par un dialogue brillant qui ne se grise pas de son brio. » – Le Point

 

3. « Nous sommes pareils à ces crapauds qui… » et « Ali » au Rond-Point :

– « Dans « Nous sommes pareils à ces crapauds » et de manière plus elliptique dans « Ali », les danseurs-équilibristes qui tournent sur la scène sont accompagnés d’un groupe musical associant musiciens arabes et grecs pour une synthèse entre rebétiko et musique arabo-andalouse. » –  Froggy’s Delight

– « Ce long titre, tiré d’un poème de René Char, nous dit-il tout de cette pièce qui réunit deux frères,  Ali et Hédi Thabet ? En un sens, oui. » – Les Inrocks

– « L’assemblage est parfait, les deux volets du diptyque, bien que conçus séparément, se répondent et se combinent en un trajet d’émotions indiscutable. » – Mediapart

– « Deux hommes et une femme sur scène s’emportent dans un tsunami de situations et font voltiger la robe de mariée. » – France Inter

 

 

Orlando d’Olivier Py, Innocence de Dea Loher et Hinkemann d’Ernst Toller

Revue de presse du 1er avril 2015

 

© C. Raynaud de Lage

1. Le spectacle « Orlando ou l’impatience » d’Olivier Py créé à Avignon – actuellement en tournée – arrive bientôt à Paris :

– « Loin d’être dupe de sa propre folie, Olivier Py offre à son public quelques répliques cinglantes bourrées d’auto-dérision, une qualité sans borne. » – Time Out

– « Baroque, fou, bien trop long, bien trop bavard, avec de grands élans mystiques à la Paul Claudel, et une écriture emportée et emphatique, entre d’hilarantes scènes comiques. » – Telerama

– « Un texte d’une telle force ne pouvait être porté que par des comédiens d’exception, et il en est qui mériteraient des brassées de roses à chaque représentation. » – Les Trois Coups

– « Malgré ses longueurs, cet autoportrait fragmenté, ou confessions d’un enfant du siècle, mérite la patience qu’il exige et la transforme en plaisir rare. » – L’Express

 

2. L’entrée au répertoire de Léa Doher à la Comédie-Française, un succès :

– « Quand les comédiens du Français sont associés à un metteur en scène d’une telle envergure, on est proche de l’enchantement. » – Marianne

– « Il y a une matière romanesque dans la pièce, comme dans toutes celles de Dea Loher. Il y a un matériau politique très actif aussi.” – Le Figaro

 – « C’est une mise en scène ambitieuse et exigeante que signe Denis Marleau, invité pour la deuxième fois par le Français.” – La Presse

 

3. Stanislas Nordey incarne « Hinkemann » au Théâtre de la Colline :

– « Christine Letailleur a eu l’idée gonflée de monter ce texte méconnu – entre fable socialo-nihiliste et brûlot pacifiste, mâtiné d’une bonne dose de freudisme. » – Les Echos

– « La force de la pièce est d’abord dans sa langue, simple et cinglante, imagée mais nullement fleurie, une langue admirablement servie par les acteurs, comme toujours chez Letailleur, âprement et amoureusement dirigés. » – Mediapart

– «  Stanislas Nordey, metteur en scène et directeur de Théâtre National de Strasbourg est de ces comédiens dont la voix résonne. Elle sort du ventre, et hypnotise. » – Sortir à Paris