J’ai trop peur : « être ou ne pas être » en 6e, telle est la question !

On avait vu l’an dernier Je suis trop vert dont on avait beaucoup aimé la belle énergie, fraîche, enjouée et communicative.
On découvre avec appétit la reprise de « J’ai trop peur », le premier volet de cette trilogie de David Lescot sur la prime adolescence, centrée autour du moment du passage en 6e.

« Je sais, enfin, j’ai entendu, enfin, il paraît, enfin, j’imagine, enfin, tout le monde sait que la 6e, c’est l’horreur ! »
« moi », J’ai trop peur

Dans Je suis trop vert, « moi », le petit héros de la trilogie, était déjà en 6e, et partait en classe verte. On flashbackque de quelques mois, et on retrouve « moi » au dernier jour de CM2, déconfit, non, miné de trouille à l’idée de ce qui l’attend en 6e ; trouille qu’il va emmener avec lui en grandes vacances… Sa mère lui propose de rencontrer Francis, le rejeton ado d’une de ses copines, histoire de dédramatiser (et accessoirement de penser à autre chose pour le reste des vacances). Francis : jean grunge (bref, déchiré), casquette vissée au crâne, regard disparu derrière le cheveu gras, et malencontreusement pas décidé à mettre des jolies couleurs dans le tableau des années collège. De la cantine (dégueu), de la cour (une jungle sans pitié), des couloirs (où l’on se paume), des profs (à mauvaise haleine), des « grands » (qui soit te rackettent, soit te snobent), ou des bagues dentaires, on ne sait ce qui est le plus flippant. La 6e, c’est the struggle for life puissance 10, le premier cercle de l’enfer, le début de la fin…
Avec cette description apocalyptique de l’entrée en 6e, David Lescot ne ménage pas ses jeunes spectateurs (et leurs parents) dans ce premier opus où son jeune héros va faire ses premiers pas tremblants hors du cocon de l’école élémentaire. Mais comme le titre l’indique, ce n’est pas le collège le sujet, mais bien la peur que l’idée qu’on en a fait naître.

C’est avec l’acuité et la malice qu’on lui connaît que David Lescot donne vie à ce « passage initiatique », et interroge le mécanisme de la peur face à l’inconnu : comment cette appréhension fait son nid dans la p’tite tête du jeune héros, comment elle va se distiller dans son été et distordre le déroulement du temps, qui s’en trouve étrangement ralenti et accéléré…

Conseil, si c’est possible : binger la série ! Pour multiplier par trois le plaisir, et aussi… se rassurer sur l’avenir de « moi » : la 6e, ça fait plus peur quand on n’y est pas que quand on y est ! On se régale de l’écriture très orale, très actuelle, du décor-accessoire d’où émergent bureau d’écolier ou petite sœur, des bruitages qui donnent du volume à l’espace, on savoure le jeu plein de fantaisie des trois comédiennes qui incarnent aussi bien le jeune futur collégien, le grand dadais de Francis, la mini-mimi petite sœur – 3 ans, futée mais pas au point question langage « même pour son âge », que le dernier jour de CM2, le feu d’artifice du 14 juillet (si poétique dans sa simplicité !), ou même Quiberon (vagues, vent et mouettes)…
Un spectacle sans fausse pudeur, jamais mièvre, malin et tendre, à voir dès 8-9 ans.

Marie-Hélène Guérin

 

J’AI TROP PEUR
À voir au Théâtre de la Ville / Abbesses
Texte et mise en scène David Lescot
Avec Sarah Brannens, Élise Marie, Camille Bernon, Lyn Thibault, Lia Khizioua-Ibanez
Scénographie François Gauthier-Lafaye | Lumières Juliette Besançon | Costumes Mariane Delayre | Assistante à la mise en scène Mona Taïbi | Accessoires Élisa Couvert

Production
Compagnie du Kaïros. Coproduction Théâtre de la Ville-Paris. La Compagnie du Kaïros est soutenue par le ministère de la Culture – DRAC Île-de-France.

Histoires invisibles : de magnifiques marionnettes nous emmènent dans un intrigant et poétique voyage au cœur de la mangrove

Au Grand Parquet, un spectacle intrigant et poétique nous fait voyager au cœur des Sundarbans – la plus grande mangrove du monde – et de ses créatures magiques.

On nous promet une conférence sur l’impact des « évènements invisibles mouvants » (traduire : les fantômes) sur les modalités de circulation automobile (traduire : les embouteillages) à Dhaka, bouillonnante capitale du Bangladesh. Les deux intervenants scientifiques (Laurie Cannac et Md Farhat Ahmed) sont parés des atours officiels de leur fonction, costumes noirs, blouses blanches, mines sérieuses. Sages spectateurs, nous écoutons l’exposé des deux doctes acolytes sur la faune magique bengali – avant qu’un tour de passe-passe nous entraîne au Bangladesh, à la suite du quantique Professeur Ahmed – qui plie l’espace-temps quand il est trop pressé de retrouver Dakha, embarquant avec lui son entourage immédiat.

Nous voilà plongés par un univers littéralement fantasmagorique. En compagnie des deux scientifiques égarés en pleine jungle, raptés et déboussolés par leur propre sujet, nous serons confrontés aux forces de la nature, orages, inondations, tigres – ou même esprits. Ces êtres magiques plongent leurs racines dans une très ancienne proximité avec la nature, pour raconter les peurs et désarrois contemporains face aux dangers liés aux changements climatiques. L’ancestral esprit de l’eau, « source des mers du Bangladesh et de la vie », prend corps, pour réclamer vengeance de la pollution dont on l’empoisonne, tandis que Bonbibi, la jeune fille esprit de la forêt, si l’on va vers elle en paix et sans avidité, « les mains vides et le coeur pur », protège aujourd’hui comme elle protégeait autrefois.
 

 
Laurie Cannac, comédienne, metteuse en scène et marionnettiste, nourrie de ses échanges avec Ilka Schönbein, a conçu ce spectacle avec une envie, une nécessité, d’amener sur le plateau le monde naturel, « silencieux et invisible », que l’on efface de nos outils perpétuellement allumés, de notre mépris et de notre ignorance. Swatee Bhadra, qui l’assiste à la création des marionnettes et à la mise en scène, fait aussi le cadeau de sa délicate voix pour un chant bangladais solaire et joyeux. Md Farhat Ahmed apporte sa langue chantante, sa présence de clown blanc et une danse entre contemporain et tradition très évocatrice. Pas de décor sur ce plateau nu où l’on va nous parler du vide et de l’invisible, mais de jolies lumières et une création sonore très réussie.

Le récit, touffu, métissé de légendes anciennes et de préoccupations actuelles, vagabonde au milieu d’animaux et d’êtres invisibles qui prennent vie par la magie des magnifiques « marionnettes de corps », animées par les interprètes. L’esprit de l’eau, immense, mouvant, vert chatoyant, s’étale, se redresse, geint et menace. Un bras-serpent ondule, un crocodile traîne son ventre paléolithique et sa gueule de souche d’arbre, des bras se font jambes pour à un enfant, deux humains emplissent un tigre majestueux. C’est merveilleux à tous les sens du terme, écologique, effrayant, enchanteur.

Des marionnettes spectaculaires, des comédien.nes malicieux, un univers complexe et dense, à découvrir avec des enfants à partir de 9-10 ans, qui, comme les adultes, s’amuseront des péripéties, seront impressionnés par le splendide travail corporel et visuel, et sans doute sauront entendre la leçon d’espoir et de vie que nous donne ce monde invisible si on veut bien l’écouter.

Marie-Hélène Guérin

 

HISTOIRES INVISIBLES
Au Grand Parquet les jeudi 2 et vendredi 3 octobre 2025
mise en scène, marionnettes Laurie Cannac / jeu Laurie Cannac, Farhad Ahmed / assistanat à la mise en scène, marionnettes Swatee Bhadra / assistanat à la chorégraphie Farhad Ahmed / création lumière Sébastien Choriol, Mukhlesur Rahman / création son Chirls Chowdury / fixing Tanim Sadman / musique originale Srichty Sancharee, Aronno Anupom / voix enregistrées Swatee Bhadra, Farhad Ahmed, Urmila Ashrafee
photos : le tigre © Laurie Cannac – autres photos © Shadab Shahrokh
production Compagnie Graine de Vie, Alliance Française de Dhaka / coproduction FMTM Charleville-Mézières, Alliance Française de Dhaka / soutiens DRAC Bourgogne-Franche-Comté, Institut Français, Ambassade de France au Bangladesh, Région Bourgogne-Franche-Comté, Ville de Besançon / résidences AF Dhaka, AF Chittagong, Théâtre Edwige Feuillère – Vesoul, Mi-Scène – Poligny, Le Strapontin – Pont-Scorff

Merlin, ou La Terre dévastée : une fantasmagorique et flamboyante épopée

Les toujours passionnants Plateaux sauvages portent particulièrement bien leur nom en ce moment, ensauvagés qu’ils sont par la fougueuse troupe d’élèves de l’Ecole supérieure de théâtre de l’Union, qui y offre avec générosité et aplomb un très ambitieux spectacle de sortie.
Merlin ou la terre dévastée, de Tankred Dorst, écrit dans les années 70’ avec la collaboration d’Ursula Ehler, compagne de vie et de création, est un texte monstrueux, pléthorique, métaphysique, épique, farcesque : Ambre Kahan et ces jeunes gens ci-devant élèves comédien.nes se jettent à corps perdus et éperdus dans une folle, majestueuse, baroque et barrée adaptation, pour en faire naître un spectacle des plus actuels.
Ce Merlin ou la terre dévastée nous entraîne comme un torrent tumultueux dans la légende arthurienne, celle qui se niche dans nos imaginaires d’enfance, en lui bouturant du passé et du futur, du politique et du charnel. Il y a de l’obscur, de la désespérance, dans ce théâtre qui nous mène en ces terres dévastées, ces terres où il n’y a plus de Graal à chercher. Mais il y a aussi un espoir punk – version hardcore de l’écobuage, terre brûlée-anéantie pour permettre de faire renaître de la vie, une pugnace vitalité, un humour fou.

Ambre Kahan a travaillé avec la troupe en leur donnant beaucoup de liberté, d’improvisation, d’autonomie : ils en ont fait un tout étonnamment cohérent dans sa multiplicité. Comme le récit lui-même, le spectacle est très protéiforme. Récit d’une tentative utopique de bâtir un monde nouveau, récit de guerres et d’amours, d’échecs, de prédation et d’amitiés, de quête et d’oubli, récit de conquêtes et d’errances, Merlin ou la terre dévastée n’est pas un spectacle-monde, mais un spectacle-corps, avec organes, chair, fonction cérébrale, parole, regard, muscles, nerfs, sang.

Télescopages de scènes, rock, transe électro, manifeste politique, gags visuels, grands élans romantiques, pudique et silencieuse scène d’amour, tonitruantes tueries, travestissements, chant baroque : le tragique alterne ou même se superpose à la gaudriole, le burlesque n’est pas loin du majestueux ; tout est bon et beau ici pour faire sens et faire théâtre.
Si les interprètes sont parfois encore un peu frais, iels insufflent une remarquable sincérité, une pertinence et une énergie plus que prometteuses à leurs personnages. Iels sont turbulents et sensibles, chantent, dansent, clament, s’enflamment de rage ou de passion. Tou.te.s savent faire chœur autant qu’affirmer leur personnalité. Une Monique Wittig tout de blanc vêtue se fait inlassable et cocasse commentatrice du mythe selon sa grille de lecture personnelle tandis qu’une grande ange d’une voix bluesy (magistrale Anna Budde, comédienne plus expérimentée) chante des hauts faits chevaleresque en anglais, Dieu répond au téléphone quand il n’est pas occupé ailleurs, pères et fils ne s’entendent guère (le Diable aux longs cils verts fluo ne comprend pas son trop moral rejeton Merlin, et Arthur aura bien du souci avec Mordret – interprété par le charismatique Baptiste Thomas), les femmes ont de beaux rôles, Guenièvre aux deux amours, Ellaine – qui a conçu Galaad (onirique apparition de Sidi Camara) avec Lancelot, Morgane – la nihiliste sœur d’Arthur, femmes puissantes remises au cœur de cette mâle épopée, tandis qu’Arthur est interprété avec beaucoup de justesse et de présence par une comédienne, Inès Musial.

Ambre Kahan, magnifiquement accompagnée par les belles créations lumière de Zélie Champeau, les costumes ultracontemporains et intemporels des Ateliers du Théâtre de l’Union et le riche univers sonore de Mathieu Plantevin, a su créer des images très fortes, des moments intenses qui font vibrer et restent en mémoire. Une épopée arthurienne pour notre siècle. Plus qu’un « spectacle de sortie » pour ces élèves « sortants », un vrai et formidable spectacle d’entrée dans la vie d’artistes.

Marie-Hélène Guérin

 

MERLIN OU LA TERRE DÉVASTÉE
Aux Plateaux sauvages du 22 au 26 septembre 2025
Spectacle de sortie des élèves de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union, Séquence 11 (2022-2025)
Texte de Tankred Dorst avec la collaboration d’Ursula Ehler | Traduction René Zahnd et Hélène Mauleur
Mise en scène Ambre Kahan
Dramaturgie Louison Rieger | Création lumière Zélie Champeau | Création sonore Mathieu Plantevin
Décors et costumes Ateliers du CDN – Théâtre de l’Union
Remerciements aux Célestins – Théâtre de Lyon, au Théâtre national de Strasbourg et Almé Paris pour le prêt de costumes

Photos ©Thierry Laporte

À voir à partir de 15 ans

Avec les élèves de la Séquence 11 de l’École Supérieure de Théâtre de l’Union Ayat Ben Yacoub, Lilou Benegui, Sidi Mamadou Camara, Justine Canetti, Samy Cantou, Hector Chambionnat, Marcel Farge, Nils Farré, Anna Mazzia, Juliette Menoreau, Inès Musial, Barthélémy Pollien et Baptiste Thomas ainsi que les comédiennes Anna Budde et Cyrielle Rayet en remplacement de Chahna Grévoz et Lila Pelissier

Production École Supérieure de Théâtre de l’Union | Coproduction Théâtre de l’Union – Centre Dramatique National du Limousin et la Compagnie Get Out | Coréalisation Les Plateaux Sauvages | Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages | Le texte est paru chez L’Arche Éditeur en 2005.

Je suis trop vert : la classe !

Avec un gros parallélépipède plein de trappes et de caches, trois fantastiques comédiennes, une justesse d’observation ravageuse et une vivacité d’écriture de chaque instant, David Lescot, dont on avait beaucoup aimé la Revue rouge en 2017, concocte un régal de spectacle « jeunesse ».

Je suis trop vert fait suite à J’ai trop peur et J’ai trop d’amis, que le Théâtre de la Ville a la bonne idée de reprendre pour ceux qui veulent faire plus ample connaissance avec le jeune héros, « moi », 10 ans et des poussières. Dans J’ai trop peur, il affrontait le grand passage de l’école élémentaire au collège (et « la première année au collège, c’est tout simplement horrible ! Tout le monde le sait ! »), puis découvrait dans J’ai trop d’amis la complexité des relations sociales.
On est en novembre, « moi », le jeune héros de la trilogie, se sent bien dans sa classe. Grande nouvelle pour lui et ses camarades : la 6e D va partir en classe verte, après les vacances de Noël, au cœur de la Bretagne. Des semaines à ne penser plus qu’à ça !
 

Des cailloux se mettent dans le soulier du projet, qui démarre un peu boiteux : sur les vingt-neuf familles de la 6e D, trois ne souscrivent pas, et, déception-frustration-j’suis trop vert ! il ne faut pas plus de deux désaffections sinon, annulation ! Merci l’amitié et la solidarité, obstacles pécuniaires ou hypocondriaques sont balayés et les mômes se retrouvent enfin dans le car scolaire pour LA CLASSE VERTE !

Le jeu des chaises musicales pour les places dans le car, la sensation du réveil un peu vaseux après une nuit de route, la symphonie des bruits de la ferme – tracteur, broyeur à grain, chiens, coups de marteau, vaches, poules… – bruités en direct, pour le plus grand plaisir de l’auditoire -, les cours en pyjama, les matériaux réels manipulés par les comédiennes – feuilles mortes, terre, grains de maïs… : on s’y voit, on y est !
Dans le texte comme dans la mise en scène, le spectacle fourmille de ces mille détails « bien vus » qui titillent l’imagination des petits ou les souvenirs des grands.
 

La classe est accueillie par les deux ados de la ferme, Cameron et Valérie. L’occasion pour les élèves et les petits spectateurs citadins de découvrir à quoi ressemble une journée de travail à la ferme, aérer la terre, préparer l’engrais, nourrir les animaux, finir la journée bien crotté et bien crevé !, manger les légumes qu’on récolte, – voir d’un peu plus près le lien entre la nature et les humain.e.s qui l’utilisent et en dépendent.

Avec Valérie, 13 ans, qui prône d’un air bourru une agroécologie douce et respectueuse, « moi » met les mains dans la terre, et la tête dans un autre monde, fait d’autres rythmes, d’autres façons de vivre, d’autres légendes.
 

« Les parents t’ont appris plein de trucs, mais ça, ça va être toi qui va leur apprendre »
dit « moi », à sa petite sœur, militante écolo de 3 ans

David Lescot a eu l’idée très futée de faire porter le message de l’éco-responsabilité contemporaine à la petite sœur du narrateur. Mini-activiste radicale de 3 ans, restée à la maison avec papa-maman, elle jette ses jouets en plastique, éteint les lumières et, toute zozotante et zézayante, elle somme la famille de remplacer le chauffage par des paires de chaussettes et des pulls pour sauver les pitits pinguins et les zou’s blancs. Manière de faire un peu de pédagogie avec beaucoup d’humour !

La petite sœur ce jour-là était interprétée par Lyn Thibault, qui jouait aussi d’autres personnages. Sur scène avec elle Camille Bernon portait aussi plusieurs rôles, tandis que Sarah Brannens restait « moi ». Mais ça aurait pu être l’une ou l’autre ou leurs acolytes Elise Marie, Lia Khizioua-Ibanez et Marion Verstraeten : comme dans les volets précédents, elles échangent leurs rôles au gré des représentations. Il y a fort à parier que toutes les combinaisons soient également réjouissantes ! Elles ont toutes beaucoup de précision dans le dessin des différents protagonistes qu’elles interprètent, et une belle énergie, fraîche, enjouée et communicative.

« Nous on sent qu’on a changé, mais les autres ont pas bougé,
alors y a un décalage »
« moi »

À voir avec des enfants dès 7-8 ans : la mise en scène astucieuse, le décor à malice, les dialogues vifs et imagés, le jeu punchy des interprètes les embarqueront allègrement dans ce voyage initiatique. Un spectacle tonifiant, plein de vie et de gourmandise, qui aborde joyeusement et sans naïveté aussi bien l’esprit de groupe que les moments qui font grandir ou les questions liées à l’environnement, pour des gamins des villes et des champs d’aujourd’hui.
 

Marie-Hélène Guérin

 


 
JE SUIS TROP VERT
À La Manufacture (Avignon) du 5 au 22 juillet à 9h50
Texte et mise en scène David Lescot
Scénographie François Gauthier-Lafaye | Lumières Juliette Besançon | Costumes Mariane Delayre
Assistante à la mise en scène Mona Taïbi
Avec en alternance Lyn Thibault, Élise Marie, Sarah Brannens, Lia Khizioua-Ibanez, Marion Verstraeten, Camille Bernon
Photos © Christophe Raynaud de Lage

À VOIR EN TOURNÉE
 du 2 au 17 novembre au Théâtre de la Ville – Paris / les 9-10 et 16 novembre : L’Intégrale
 19 et 20 novembre au Théâtre+Cinéma – Scène nationale de Narbonne
 21 novembre à Narbonne / programmation du Crédit Agricole
 22 novembre à Lattes / programmation du Crédit Agricole
 26 novembre à Nîmes / programmation du Crédit Agricole
 28 novembre à Mende / programmation du Crédit Agricole
 du 9 au 18 décembre au TNG – Centre Dramatique de Lyon
 du 13 au 15 janvier au Théâtre de l’Olivier – Istres / Scènes et cinés
 du 30 janvier au 1er février au Théâtre des Sablons – Neuilly
 les 27 et 28 février à la MCL – Gauchy
 les 12 et 13 mars au Théâtre André Malraux – Reuil-Malmaison
 du 13 au 16 avril à Les Petits devant, les grands derrière – Poitiers
 les 28 et 29 avril au Théâtre du Champ du Roy – Guingamp

Production Compagnie du Kaïros. Coproduction Théâtre de la Ville-Paris.
La Compagnie du Kaïros est soutenue par le ministèrede la Culture – DRAC Île-de-France.
Le texte de la pièce est édité aux Solitaires Intempestifs, collection jeunesse,
avec les illustrations d’Anne Simon. Parution : octobre 2024

© Anne Simon

Un somptueux Peter Pan, par la compagnie Théâtre Amer

Peter Pan, Peter comme tous les petits garçons de sa génération, Pan comme le dieu Pan, paradoxal dieu de la fertilité qui donne son nom à l’enfant éternel, à celui qui ne féconde que des rêves et qui empêche de grandir ; Peter Pan, pas adulte, pas enfant non plus, figé entre les deux – figé, ce qui est l’inverse de l’état d’enfance. Peter Pan, né des jeux des enfants Llewelyn Davies sous l’œil attentif et attendri de James Matthew Barrie (il deviendra leur tuteur à la mort de leurs parents), support infini d’imaginaire, petit diablotin si familier qu’il a donné son nom à un trouble psychologique…

La compagnie Théâtre Amer en offre un tableau somptueux, d’une esthétique gothique sophistiquée, tout en soignant des dialogues dont l’humour et la vivacité ravissent petits et grands.

Ça gronde et ça fumerolle sur le plateau du Théâtre Paris-Villette, du rouge tranche sur le noir de la scène. C’est Sir James Matthew Barrie en personne, maquillage expressionniste et robe de chambre soyeuse, qui ouvre la porte du Never land.

Il y a de la magie, de l’enfance, et de la sauvagerie dans ce Peter Pan.

Car Peter Pan n’est pas une histoire gentillette : le dieu Pan est un sacré sacripant, Peter a l’égoïsme d’un chiot mal sevré, Clochette a le cœur à double tranchant. Le Capitaine Crochet est un être cultivé, poétique et plein de fureur. Les Enfants perdus sont sans pitié. L’amour d’une mère est infini, Wendy et ses frères savent que leur mère laissera toujours la fenêtre ouverte pour qu’ils puissent rentrer. Mais Peter Pan sait que non, lui était revenu, il n’avait pas voulu rentrer, c’était trop tôt. Et quand il est revenu à nouveau, la fenêtre était fermée, sa mère était penchée vers un autre berceau. Alors maintenant, c’est trop tard. « Rentrer ? Pour quoi faire ? devenir un adulte ? non merci ! »
Car oui, qu’est-ce que ne pas être Peter Pan, qu’est-ce que quitter le pays des Enfants perdus ? Quitter le rêve ? Apprendre que l’amour d’une mère se partage, ne pas pouvoir assouvir sa voracité absolue, perdre sa place de tyran bien-aimé ? Sortir de la roue éternelle de la répétition, retrouver le cours du temps qui s’écoule…
Peter Pan, c’est la matrice des jeux éternels, le foyer vivifiant de l’imagination, c’est « la jeunesse et la joie », mais c’est aussi l’avidité, la tyrannie, un dévoreur d’âme, celui qui évince sans hésiter de son royaume les enfants qui grandissent. Absolu de l’enfance et interdiction d’en sortir. Liberté et prison.

Mathieu Coblentz fait de Peter Pan un conte féroce et fiévreux, dont un humour gamin désamorce la cruauté, secouant par surprise enfants et adultes de grands éclats de rire. De la dualité de Peter Pan, il fait logique et matière de jeu, où obscurité et fantaisie se télescopent sans cesse.

La scénographie très stylisée joue des arts de la scène, des artifices assumés. On y trouve des élégances et des exacerbations de théâtre nô, du faste baroque, une utilisation de la mécanique du théâtre et un dépouillement très contemporains. La robe de velours carmin de Wendy semble un rideau de scène, des guindes tombées des cintres seront les barreaux de la cage où le capitaine enfermera les enfants sur son navire. Les cordages dessinent aussi bien des haubans de vaisseau qu’un chapiteau de cirque, dont le capitaine Crochet en frac, canne et chapeau serait un Maître Loyal gothique.
Les interprètes sont fantastiques. Mi-timburtoniens mi-clowns, ils jouent la comédie, chantent, dansent, se métamorphosent avec un sens du théâtral et du rythme impeccables.

Du théâtre d’ombre, quelques pas de danse, du sérieux et du potache, du clavecin et des guitares électriques, des madrigaux et du rock. Des fumigènes et une balançoire. Des pluies de bulles ou d’étoiles, des figurines volantes se découpant en ombres chinoises, une fée Clochette qui virevolte au-dessus du public dans un crépitement d’ailes, tout fait sens et poésie dans ce spectacle flamboyant, admirablement maîtrisé, baroque et punk, ténébreux, merveilleux et émerveillant.

Le Capitaine Crochet quittera son manteau de pirate pour redevenir Sir James Matthew Barrie et conclura, en un retour à la douceur tout en délicatesse, par un bel hommage à la fois au Capitaine Crochet, du Neverland l’adulte, le mal-aimé, et à l’enfant, celui qui invente et imagine, celui qui peut être la fée, le crocodile, Peter Pan et même le Capitaine Crochet.

À voir à partir de 8 ans (validé par mon accompagnant-référent, 8 ans)

Marie-Hélène Guérin

 

PETER PAN
au Théâtre Paris Villette jusqu’au 28 avril
Un spectacle de la compagnie Théâtre Amer
D’après l’œuvre de Sir James Matthew Barrie
Traduction d’Yvette Métral, Flammarion, 1981
Mise en scène, adaptation et scénographie Mathieu Coblentz
Avec Judith Périllat, Florian Westerhoff et Jo Zeugma (création avec Philippe Gouin)
Collaboration artistique, lumière et scénographie Vincent Lefèvre | Dramaturgie Marion Canelas | Création sonore Simon Denis et Nicolas Roy | Régie son Clément Combacal | Création musicale Jo Zeugma | Costumes Sophie Bouilleaux-Rynne | Décor et accessoires Jérôme Nicol | Construction Philippe Gauliard
Remerciements Philippe Gouin pour les masques, le regard chorégraphique et la participation à la création musicale (Brief Candle)
Photos © Bouky

Durée : 1h
Tout public à partir de 8 ans

Production : Théâtre Amer
Coproduction : Théâtre National Populaire, Villeurbanne ; L’Archipel, Pôle d’action culturelle de la ville de Fouesnant/Scène de territoire pour le Théâtre de Fouesnant-les Glénan ; Centre culturel Athéna, Auray ; Maison du Théâtre, Brest ; Centre culturel de Fougères agglomération ; Théâtre du Champ au Roy, Guingamp ; Théâtre du Pays de Morlaix-Scène de territoire pour le théâtre ; Les Bords de Scènes-Grand-Orly Seine Bièvre ; Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper ; Très tôt Théâtre, scène conventionnée jeunes publics, Quimper ; Le Canal, scène conventionnée d’intérêt national art et création pour le théâtre, Redon ; La Paillette-Rennes.
Aides et soutiens : DRAC Bretagne, Région Bretagne, Conseil départemental du Finistère et Théâtre Paris-Villette.

Le texte intégral de Peter and Wendy, traduit de l’anglais par Yvette Métral, est disponible en Librio.iant

Deux pas vers les étoiles : ode au rêve !

Deux pas vers les étoiles : un titre poétique et une affiche rêveuse nous prennent par la main pour nous emmener vers un fantastique spectacle jeunesse délicat et intelligent, plein de tendresse et de rire, profond comme une question d’enfant et léger comme un sourire.

Junior et Cornelia, dix ans, encore des petits, au bord de se sentir des grands, vont faire ensemble deux pas vers les étoiles.

« Mais toi aussi
t’es bizarre »

Ils sont persuadés qu’ils ne sont pas amis, vu qu’ils n’ont pas d’amis.
Deux mômes un peu singuliers « – Toi tu fais toujours tout comme il faut – Et toi tu es toujours dans la lune », qui vont, le temps d’une esquisse de fugue, se découvrir l’un l’autre et soi-même, et grandir un peu.

Junior, c’est celui qui fait « tout comme il faut ». Premier de la classe. Jamais pris en défaut. Surtout qu’il rêve de devenir astronaute, et que « pour être astronaute, il faut être parfait, c’est tout ». Et surtout que, pour ne pas décevoir son héros de papa, il faut être parfait, c’est tout…
Mais Junior vient de rater un examen de math. Pas moyen d’annoncer ça à l’exigeant paternel, plutôt en profiter pour réaliser tout de suite son rêve, et rallier Houston, USA, depuis sa province canadienne, pour intégrer la NASA. Un sac à dos avec des provisions, des papiers d’identité au nom de son père pour être officiellement majeur, une lampe torche, un guide touristique des USA… et bientôt une complice imprévue, la fûtée Cornélia, qui ne compte pas laisser son camarade fuguer tout seul.
Cornélia, c’est celle qui « est toujours dans la lune », la pas carrée, la pas mignonne, la pas-tout-comme-il-faut, la pas-complètement-là, celle qu’on ne voit pas quand elle lève la main en classe.

« – Sur la lune, les mers sont des déserts de poussière
Mais pourquoi on continue à les appeler comme ça ? demande Cornélia
– Parce que souvent on rêve avant de savoir. »

Lui rêve d’être astronaute « pour aller dans des endroits tout neufs, où tout est possible », elle rêve d’être « belle pour être vue, pour être aimée ; pour exister tout le temps ».
En partageant leurs secrets, en remontant par les mots et la confiance accordée à l’autre à la source de leurs rêves, ils vont trouver le chemin vers un lieu où tout est possible, où l’on existe tout le temps, un lieu qui est pile à l’intersection entre l’acceptation de soi et l’affection de l’autre, un lieu qui rend plus fort quand on y a trouvé sa place, et qu’on peut emporter partout, où qu’on soit.

 

 
Dans une scénographie, tout en simplicité, modeste et maline, où les protagonistes dessinent au feutre blanc à même le sol la géométrie de leurs discussions ou pérégrinations – marelle, lignes et cercles, rails de train, Manon Lheureux et Quentin Ballif incarnent avec justesse et précision ces deux gamins, évoquant avec fraîcheur l’enfance sans jamais la surjouer. La mise en scène de David Antoniotti, joueuse, tout en mouvement, offre une partition très visuelle dont on se régale ; petits et grands s’amusent de bon cœur des péripéties de la mini-fugue, et on apprécie tout autant les parenthèses plus intimes, chorégraphiques (signées Sarah Locar) ou oniriques.
Jean-Rock Gaudreault, auteur québécois, a donné une langue très vivante à Junior et Cornelia, une langue vraie et juste, rythmique et rapide comme la pensée des deux petits héros. La poésie qui l’enrichit et la fait décoller du quotidien l’aère et la densifie.

C’est un bien joli chemin initiatique et aventurier qu’auront suivi Junior et Cornelia, une invitation à rêver, car rêver fait exister les rêves et donne la force de faire.
« Le théâtre comme déclencheur d’humanité », professe la compagnie du Crépuscule, qui produit ce spectacle. Le théâtre comme déclencheur d’humanité, et le rêve comme déclencheur de vie !
Et si la fugue n’a (peut-être) pas conduit jusqu’à Houston, Junior et Cornélia ont fait leur mue, l’un quittant son habit de « tout comme il faut » l’autre sa cape d’invisibilité, ils ont marché sur des sentiers nouveaux, ont défriché leurs possibles et fait deux pas vers les étoiles… et nous avec. Un spectacle bref (moins d’une heure, parfait pour le jeune public) mais un grand voyage ! on y rit, on s’y émeut, on en ressort avec le cœur souriant.

Marie-Hélène Guérin

 

DEUX PAS VERS LES ÉTOILES
un spectacle de la Compagnie du Crépuscule
vu au Théâtre Darius Milhaud
Une pièce de Jean-Rock Gaudreault
Mise en scène David Antoniotti
Avec Manon Lheureux, Quentin Ballif
Chorégraphie Sarah Locar
Photos © Judith Policar et AM_pixel

Durée : 50 mn

 

Grinioteçocette : une ode à la joie, pour les tout-petits (et les grands)

Au Théâtre Dunois, on découvrait ces derniers jours la nouvelle création de Naéma Boudoumi, dont on avait aimé la précédente Solitude des mues. Tournée vers les plus jeunes spectateur.ices, mais belle et bonne à voir à tout âge, Grinioteçocette offre une bien délicate et joyeuse réflexion sur l’altérité, sur la possibilité d’une porosité entre les êtres, entre les mondes, sur la beauté de l’échange.
À retrouver en tournée ! Dates en bas d’article.

Matelas gris, vêtements gris, meubles gris, bonhomme gris dedans et gris dehors. Par la fenêtre, il fait gris, il pleut il mouille, c’est pas la fête à la chaussette…
Chez Grangry, oui, tout est gris, tout est carré, les angles sont tout droits, les chaussettes sont noires ou blanches, bien rangées par paire, on n’est pas là pour rigoler. Grangry préfère les bruits de la ville aux rires des enfants, et fermer la fenêtre plutôt que regarder dehors.

Manipulée avec précision et sourire par Elie Baissat ou Victor Calcine (en alternance), marionnette à main quasi ventriloque, une de ses chaussettes, désabusée, lessivée par une longue vie de d’ennui et d’essorages à 1200 tours/minutes nous confie son amertume et ses rêves d’évasion…

Mais que se passe-t-il, un tremblement du cœur, un coup de vent malicieux s’engouffre dans le quotidien de Grangry. Des petites boules de couleur bondissent dans la chambre de Grangry pour une bataille rangée, ou plutôt dérangée, entre socquettes pastel et chaussettes en noir et blanc. Du bleu ! Du rose ! Du orangé ! Grangry se réfugie sous son matelas, glisse un regard circonspect à l’extérieur de sa cache… et ce petit coup d’œil en douce ouvre la porte à deux nouveaux venus qui vont s’immiscer dans son triste train-train, deux drôles de personnages ronds et roses qui apportent le dehors et le pas-pareil dans sa maison.

Grinioteçocette est un rigolard bébé-boule grignoteur de gris, Maison-Maman une mère-grand moelleuse et organique aux jupes briochées. Le marionnettiste – délesté de sa chaussette dépressive – garde une bizarrerie très élégante dans la dodue marionnette-costume de Maison-Maman.
Sarah Topalian, qui avait créé déjà pour La Solitude des mues de magnifiques et mystérieuses créatures textiles, offre à Grinioteçocette et Maison-Maman des corps couleur de chairs et de pivoines aux formes viscérales, accueillantes dans leur étrangeté et leur familiarité.
Grangry se frotte au courbe, s’imprègne du tendre, se noie dans le rose et le beige, s’assouplit. Une plume glissée entre deux doigts de pied il se fait léger et doux comme une tourterelle, danse comme si l’air le portait, comme si les chants du vent et de la mer qui entrent enfin par sa fenêtre lui aéraient le cœur et l’âme.

Enfants et adultes, amusés et épatés, se régalent des pirouettes, chutes et déséquilibres, rétablissements et rebonds, de Pierre Maël Gourvennec, circassien aérien, virtuose et burlesque.Formé au Centre des Arts du Cirque Balthazar et à l’Académie Fratellini, flegme busterkeatonien, silhouette nette et visage imperturbable, il traduit le cheminement émotionnel de Grangry du désarroi à la surprise, de l’enfermement à la libération, par une danse acrobatique pleine de finesse et d’expressivité.

Naéma Boudoumi s’est entourée de créateurs dont on avait déjà apprécié les talents dans La Solitude des mues : Anna Rodriguez pour la gracieuse chorégraphie, Sarah Topalian pour la scénographie et et les marionnettes particulièrement jouissives, Thomas Barlatier pour l’évocatrice création sonore, tressée de mélodies rappelant dans leur pétillante subtilité René Aubry ou Henry Torgue, Charlotte Gaudelus pour la judicieuse création lumière. Elle a confié à Zoé Laulanie la création des superbes illustrations diffusées au fond de la scène. Les dessins au fusain et à l’encre de Chine faisant place aux pastels, aux crayons, à l’aquarelle, peintures faussement enfantines et vraiment poétiques, sont décor et rêveries, support de narration autant que d’imagination, tout à la fois extérieur et intérieur, vue de la fenêtre et états d’âme.

Ce beau langage sensoriel aux multiples formes – visuel, physique, pictural, sonore… – tout autant que le texte malin et vif embarquent les plus petits dès 2 ans avec subtilité et humour dans la métamorphose de ce Grangry enfin grisé de bonheur.

Le monde de Grangry qui a accueilli la couleur s’en trouve tout enchanté, tout barbouillé de joie, et les spectateurs avec.

Marie-Hélène Guérin

 

GRINIOTEÇOCETTE
Création 2025 / à partir de 2 ans (durée 35 mn, idéale pour les tout-petits !)
Texte et mise en scène Naéma Boudoumi
Avec Pierre Maël Gourvennec, Elie Baissat ou Victor Calcine (en alternance)
Anna Rodriguez chorégraphie | Zoé Laulanie création image | Sarah Topalian scénographie et marionnette | Thomas Barlatier création son | Charlotte Gaudelus création lumière

Photos © Christophe Raynaud de Lage
Illustration d’en-tête © Zoé Laulanie

PRODUCTION
Une production de la Cie Ginko, en coproduction avec La Faïencerie, Le Quai des Arts, La Cidrerie-Beuzeville, en coréalisation avec le Théâtre Dunois

DATES DE TOURNÉE
Avril 2025 – Creil – Scène Nationale : 5 représentations
Nov/déc 2025 – Ville de Bobigny : 35 représentations dans les écoles maternelles, médiathèque et crèches et au CC Pablo Neruda
Février 2026 – Le Volcan – Scène Nationale du Havre : 10 représentations
Festival Off Avignon 2026

Lost in Stockholm : des vivants et des morts, comédie métaphysique

Derrière le rideau de fil blanc qui sépare le rationnel de l’irrationnel, on distingue quelques stèles disséminées du « cimetière boisé de Stockholm »
Un groupe de touristes avance cahin-caha comme les aveugles de Bruegel, en file cahotante et la main sur l’épaule du prédécesseur : six Français anxieux, yeux bandés dans le Skogskyrkogården, le-dit « cimetière boisé », cornaqués par deux grands et toniques travel planners. Un chagrin d’amour, le deuil d’un jeune frère, une thérapie de couple, plusieurs crises existentielles et autres dépendances aux psychotropes, à sa môman ou au déni de réalité… : on n’a pas lu le catalogue promotionnel de l’agence de voyage Sverige Creative Travel, mais le public cible semble avoir bien besoin de changer d’air ! Alors, quoi de mieux pour retrouver le sens de la vie qu’une bonne expérience scandinave mêlant nature, culture, fromage en tube, épreuves physiques et saine camaraderie de nuit dans un cimetière boisé ?
 

 

« Au début j’ai trouvé que c’était gai et ludique, ce colin-maillard, que ça nous ramenait à cette part d’enfance qu’on enfouit trop vite » dit Antoine de Lavalette, perdu à Stockholm

Tatiania Breidi et Paul Desveaux, les codirecteurs du Studio | ESCA s’attachent à « inscrire le Studio | ESCA au centre de la fabrication d’un théâtre contemporain, non seulement en confiant l’écriture d’une pièce à un.e auteur.rice confirmé.e, mais aussi en choisissant des sujets qui pourraient questionner notre temps ». Les jeunes interprètes sont ainsi plongés au cœur de l’élaboration d’un texte.
Après Samuel Gallet (En répétition – Expérience #1 de Samuel Gallet a été publié le 18 janvier 2024 aux Éditions Espace 34.) et Pauline Sales, c’est Fabrice Melquiot qui rencontre les apprenti.e.s et la comédienne Anne Le Guernec. Trois jours de dialogues et de travail. De leurs confessions, photos, anecdotes et envies partagées, l’auteur nourrira une farce métaphysique, métaphore légèrement dépressive et très drôle de la société française actuelle.

 

 
Le duo de travel planners suédois se tient droit, articule net et pense pragmatique ; les Français se chamaillent, trébuchent, se relèvent, re-trébuchent et se plaignent de tout ; les fossoyeurs, jumeaux vampires élégants, mélancoliques et quantiques, creusent des tombes, philosophent, oublient ou se souviennent.
Jumeaux quoi ? ah, oui, hum, je n’avais pas précisé : nous sommes dans le cimetière boisé de Stockholm, y résident évidemment quelques vampires et les pullulantes mouches noires typiques de la région.
Les vivants et les ni vivants ni morts se croisent et se télescopent sur les chemins initiatiques de ce lieu des morts, les uns comme les autres à la recherche de la source de leur vitalité.

Les Français égarés dans leurs tourments psychologiques en quête de mieux-être se sont remis entre les mains vigoureuses des tour operators de l’agence Sverige Creative Travel.
Chacun perdu dans son trouble émotionnel ou psychologique, ils tâtonnent de l’esprit et du cœur comme ils tâtonnaient plus tôt yeux bandés pour trouver où poser leurs pas. Les 2 heures de la pièce (qui passent bien vite !) leur laisseront le temps d’avancer sur leur chemin, et entrevoir ou construire des issues possibles. Les Suédois, eux, savent d’où ils viennent, ce qu’ils veulent et comment l’obtenir… Déambulation erratique contre pas de charge. On verra bien qui atteindra son but !
 

« C’est quand même dommage qu’on ne puisse pas être heureux », dit Emile Louis, qui vit mal son patronyme

Dans ce conte contemporain, on goûte l’écriture qu’on aime de Melquiot, son prosaïsme et sa poésie, si habile à restituer la trivialité comme à instiller du lyrisme, et on apprécie qu’elle aille ici musarder plus franchement sur les rives de la comédie qu’à l’accoutumée.
Le langage est quasiment un sujet en soi de cette pièce dont on savoure le malin et réjouissant travail sur l’oralité. Chaque groupe a son propre registre linguistique, permettant d’astucieux jeux de contraste : la langue quotidienne, familière, très spontanée, des Français, chacun dans son style ; le français des tour operators délicieusement déformé de barbarismes et d’approximatives traductions littérales; les échanges sophistiqués et aériens des fossoyeurs vampires, clowns blancs qui citent comme si de rien n’était Einstein et Thoreau, dissertant sur la relativité de l’espace-temps et l’opposition (ou non) de penser versus agir, et s’interrogeant sur la condition humaine et le menu de ce soir.
Au commencement était le verbe, et l’on rit et philosophe de bon cœur dans cet étrange et bavard espace game aux protagonistes farfelus. Mais le corps a la part belle aussi, et la mise en scène de Paul Desveaux est alerte et physique, tout en mouvements, chutes, courses, enlacements et frictions, sac et ressac du groupe s’atomisant ou se ressoudant au gré des épreuves. Il a aussi accordé à ses interprètes (et son public) quelques parenthèses joliment chorégraphiées par Jean-Marc Hoolbecq, rafraîchissantes comme une page blanche entre deux chapitres ou une lamelle de gingembre entre deux sushis.
Les comédiens sont encore en apprentissage – à l’exception d’Anne Le Guernec, qui incarne la suédoise Agneta et a étoffé la troupe de son expérience : l’épreuve du plateau fera bientôt gagner en liberté de jeu à certains qui sont encore un peu appliqués, mais on reçoit avec délectation le talent de cette troupe issue de la formidable pépinière qu’est l’ESCA. Coup de cœur personnel pour les interprètes d’Emile Louis, Antoine et Lola, mais toute l’équipe est fantastique, on aime la plasticité de leur jeu, leur rigueur mais aussi la générosité de leur engagement physique, la justesse de leur incarnation et le plaisir qu’ils ont à habiter leurs personnages et la scène.
Au-delà d’un travail d’école, et du régal de découvrir ses interprètes plus que prometteurs, c’est un vrai spectacle abouti auquel on assiste, une comédie métaphysique, jouissive, décalée et stimulante, à voir aussi avec des adolescents, qui apprécieront la drôlerie et le rythme du spectacle, autant que la fougue et la jeunesse des interprètes.

Marie-Hélène Guérin

 

LOST IN STOCKHOLM
de Fabrice Melquiot
Mise en scène Paul Desveaux
Avec Johmereena Baro : Jade Mathurin, Valentin Campagne : Hugo al-Charif, Maïa Laiter : Eve Robinson, Anne Le Guernec : Agneta Johnasson, Omar Mounir Alaoui en alternance avec Ilan Benattar : Fouad al-Charif, Côme Paillard : Antoine de Lavalette, Maéva Pinto Lopes : Lola Bacha-Martins, Rosa Pradinas : Mona Pirelli, Simon Rodrigues Pereira : Ingemund Johnasson, Alexis Ruotolo : Emile Louis

Assistanat à la mise en scène Lucie Baumann, scénographie Paul Desveaux, chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq, lumières Laurent Schneegans, costumes Philippine Lefèvre, musique Emmanuel Derlon, construction de décors Les Ateliers du Spectacle, régie Emmanuel Derlon, presse Elektronlibre / Olivier Saksik accompagné de Sophie Alavi et Mathilde Desrousseaux
Photos répétitions (noir & blanc) Paul Desveaux / Photos Laurent Schneegans

Yongoyely, de Circus Baobab : femmes puissantes

A la fin de Yongoyely, devant l’ovation debout qui salue le spectacle, Yann Ecauvre, metteur en cirque et scénographe du spectacle, prend la parole pour parler du Cirque social guinéen Circus Baobab. Et c’est admirable et passionnant, cette structure qui permet à des jeunes gens hors des circuits scolaires, parfois même hors des circuits sociaux et familiaux, d’entrer dans cette belle aventure du cirque, d’y trouver un cadre et d’y développer des compétences.

Mais ce n’est pas la démarche sociale qui a fait se lever la salle : c’est un spectacle abouti, riche de sens, de valeurs et de prouesses. Ce sont des artistes accomplis, beaux et enthousiasmants. Ce sont les émotions partagées, le plaisir, la surprise, l’admiration, les yeux qui brillent.

Après le très remarqué, Yé ! (l’eau), qui puisait son inspiration dans la richesse de l’eau, Yongoyely se nourrit à la source du cœur des hommes, et surtout des femmes, ici mises à l’honneur.
C’est une rumeur urbaine qui enfle avant que le spectacle ne démarre, un brouhaha de ville, des klaxons, des stridences citadines et mécaniques, des cris et des interpellations. Une atmosphère sonore des rues de Conakry, d’où est originaire la troupe. Neuf jeunes gens s’avancent – jupettes, brassières, joggings, fluo et wax, matières et couleurs actuelles, des silhouettes très contemporaines – six femmes, trois hommes qui vont se percher hiératiquement sur neuf parpaings verticaux, comme une statuaire d’aujourd’hui.
Avant de se déchaîner, s’empiler à deux, trois, cinq, six sur un parpaing, chuter, se relever, s’envoler, danser, chanter.
 

 
En voix off des témoignages de vie intimes, des interrogations de femmes sur le quotidien, le labeur, les rites d’initiation et l’excision (le titre signifie « l’exciseuse », en langue sosso), s’entrelacent aux numéros d’acrobatie les plus spectaculaires. Chants séculaires et danses urbaines racontent un univers à la trame dense et foisonnante, tissage serré d’une modernité tonique et fiévreuse, et d’une tradition très vivante – avec ses richesses qui nourrissent et ses archaïsmes dont on cherche à s’affranchir.
Le cirque se déploie devant nous sur un plateau nu, les parpaings se feront assises, muret, les agrès – barres asymétriques, poutres – sont tenus à la main par les artistes : puissance du collectif, virtuosité des individus. On est ainsi saisis devant ces deux colonnes, deux fois trois êtres humains sur les épaules les uns des autres, qui soutiennent un portique sur lequel évoluera une cordiste vive comme une flamme, saisis d’une sensation conjuguée de solidité et de fragilité, de précarité et d’équilibre.
 

 
Les femmes, colonne vertébrale inébranlable et membres souples, portent des parpaings sur leur tête, portent la famille, le travail, les hommes, la religion, le poids du passé, l’envie du futur.
Ce sont elles les puissantes de Yongoyely, les forces vives. Les hommes assument avec le sourire de détourner le mythe de leur prétendue supériorité. Toutes et tous sont extraordinairement agiles, font montre d’une incroyable technique : acrobaties, voltige, portés, mas chinois, barre russe, banquine, fouet enflammé… les numéros se succèdent avec maîtrise et brio. Krump, hiphop et danses traditionnelles, rap et chants s’y intercalent ou s’y superposent. Des parpaings, elles et ils érigent des murs, que d’un coup de talon elles et ils dépassent et abattent. On a souvent le souffle coupé devant l’audace et la beauté de ces artistes, de leurs hautes voltiges et de leur message d’espoir et de liberté.
Un spectacle féministe et flamboyant, qui prend aux tripes et au cœur.

Marie-Hélène Guérin

 

YONGOYELY
À La Scala – Paris jusqu’au 2 mars 2025
Direction artistique Kerfalla Camara
Mise en Cirque et Scénographie Yann Ecauvre
Avec Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Sira Conde, Mariama Ciré Soumah, M’Mah Soumah, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré
Intervenants cirque Julie Delaire & Mehdi Azéma | Création musicale Yann Ecauvre et Mehdi Azéma
Chorégraphie collective Yann Ecauvre, Mehdi Azéma, Julie Delaire, Mouna Nemri & les artistes
Création de costumes Solenne Capmas | Lumières et son Jean-Marie Prouvèze | Producteur délégué Richard Djoudi

Découvrez l’univers de Circus Baobab :

R.O.B.I.N. : la justice sociale comme Zone à défendre

Au Théâtre Paris Villette dont la programmation jeunesse est toujours passionnante, on voit en ce moment une transposition actuelle très réussie de l’histoire de Robin des bois.

Sur tout le fond de scène, un pan de forêt emprisonné derrière des barreaux. Planté devant, un petit panneau nous prévient : « Histoire triste ». Bientôt enlevé par une main énergique. Il n’est pas l’heure de se laisser abattre.

Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz ont installé le jeune Robin et sa sœur Christabelle dans une ville d’aujourd’hui avec des rues des commerces un hôpital vaille-que-vaille des écoles couci-couça une forêt-mais-où-on-n’a-pas-le-droit-d’aller. Les parents s’étaient rencontrés à la fête de la brioche, un jour d’été où l’air était « doux comme un agneau ». Maman travaille à réparer des trucs et des machins, des mobylettes et des grille-pains, des fers à souder et des robots ménagers, et Papa est employé aux espaces verts de la ville. Ils répondent au bucolique nom de Desbois, et lorsqu’il fallut déclarer leur premier enfant, un discret air de rébellion leur souffla à l’oreille le joli prénom de Robin. Puis pour la cadette le poétique Christabelle, ce qui a un certain panache, n’est-ce-pas.
La cité est régie par Guy de Guibourne, bigboss bétonneur, engrangeur de dîmes et gabelles, grand interdiseur de tout : d’aller dans la forêt, d’écouter la chanson fétiche des Desbois « Quand le vent se lève » – de Johnny L’Ecarlate – (qui cousinerait gentiment avec L’Estaca de Lluis Llach ?), de courir en descente, de courir tout court, et de bien trop d’autres choses encore.

Ça ne va pas si mal chez les Desbois. Malgré les factures de tout trop cher on s’aime et on s’amuse, on apprend à tirer à l’arc et on chante en catimini « Quand le vent se lève » de Johnny L’Ecarlate. Ça ne va pas si mal, ça va bien même.

Jusqu’au jour où la rejetonne Guibourne humilie Robin devant tous les copains d’école en lui lançant « pauvre nul de sale pauvre ». Claque morale qui révèle à Robin le concret de la violence de la domination de classe.
Jusqu’au lendemain où le papa Guibourne décide de lancer la ville dans un « projet fédérateur » destiné fort populistement à souder la population autour de la perspective du bonheur que peut apporter un parc de loisirs aquatiques. Avec 22 toboggans. L’hôpital et l’école peuvent bien attendre. Les maisons rasées et les arbres coupés pour faire place n’avaient qu’à pas être là. Pour trouver les fonds, trois dispositions nettes et efficaces, prenons-en de la graine :
– Obligation d’acheter des trucs neufs
– Obligation de jeter les vieux trucs
– Interdiction de réparer les trucs
Le progrès par la dé-décroissance. Et voilà comment la famille Desbois, dont la maman est réparatrice-de-trucs, passe de modeste à si pauvre qu’elle doit voler pour se nourrir. Le salut viendra de la forêt, terre-mère où les enfants trouveront refuge, formant une utopique communauté sylvestre avec d’autres jeunes, qui y cherchaient eux aussi havre, chaleur humaine, saine subsistance et possibilité de s’inventer une vie.

« – Et qui était le chef de votre bande ?
– Pas de chef.
– Comment ça, pas de chef ? Un groupe sans chef, c’est comme un repas sans viande, ça n’existe pas !
– Et comment faisiez-vous pour acheter des trucs ?
– On n’achète pas de trucs.
– Mais comment ! comment est-ce possible ! »

Sept années passent, Christabelle et ses compagnons se font arrêter dans la forêt. S’ouvre alors le second volet de la pièce, un procès qui les voient être accusés d’association de malfaiteurs (autre nom d’une manifestation pacifique), travestissement (autre nom d’un bal masqué), sabotage, vols en bande organisée…
Mais qui sabote quoi, et qui vole qui ? qui se dissimule et qui ment ? qui blesse la collectivité et qui la répare ?
Un malicieux retournement de situation retourne l’axe du procès : et si Robin – ou R.O.B.I.N. – était le nom d’une organisation secrète visant à mieux répartir les richesses ? et si les hors-la-loi n’étaient pas ceux qui sont sur le banc des accusés ?

Clémence Barbier, Paul Moulin et Maïa Sandoz ont concocté une salutaire et tonique adaptation du mythe de Robin des bois. L’écriture est rythmée, souvent poétique, toujours franche et vive. Les quatre interprètes se font enfants, adultes, riches ou pauvres, juges ou accusés, leur souplesse de jeu et une grande limpidité de mise en scène permettent de ne jamais s’égarer entre les protagonistes.
Maïa Sandoz a su créer une belle théâtralité, faite de simplicité et d’onirisme, autour de cette histoire qui, de tristement banale, prend une enthousiasmante ampleur. La scénographie est légère, tout en mouvements, les lumières et la création sonore sont soignées, l’espace est utilisé astucieusement, les accessoires et les costumes ont de l’esprit.
R.O.B.I.N. s’adresse aux enfants avec malice et maturité. Le texte aborde sans métaphore édulcorante mais avec beaucoup de fraîcheur et de frontalité les questions de la justice sociale et de l’impact de la société capitaliste et de consommation sur la nature, et les êtres vivants qui l’habitent, et offre une joyeuse leçon de solidarité et de désobéissance civile.
L’espoir est une Z.A.D. et R.O.B.I.N. la défend avec élan et une joie vivifiante !
A voir en famille à partir de 8 ans.

Marie-Hélène Guérin

 

R.O.B.I.N.
Au Théâtre Paris-Villette jusqu’au 2 mars 2025
texte Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz / mise en scène Maïa Sandoz / jeu (en alternance) Clémence Barbier, Maxime Coggio, Jeanne Godard, Anysia Mabe, Angie Mercier, Paul Moulin, Soulaymane Rkiba, Aurélie Vérillon / avec les voix de Ariane Begoin, Matthieu Carle, Sienna Leymarie, Manon Moulin, Quentin Rivet, Achille Riou, Maïa Sandoz / assistanat à la mise en scène Élisa Bourreau / mission relations publiques Mathéo Chalvignac / collaboration chorégraphique Gilles Nicolas / scénographie Catherine Cosme, David Ferré, Maïa Sandoz / lumière Romane Metaireau / costumes Muriel Senaux / musique Christophe Danvin / création sonore Grégoire Leymarie / régie générale David Ferré / intervention graphique Louise et Guillaume Moitessier / administration, production Agnès Carré / diffusion Olivier Talpaert – En votre Cie
Photos ©Laurent Schneegans

production  Théâtre de L’Argument / coproduction Théâtre des 2 Rives – Charenton-le-Pont, Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre de l’Usine de Saint-Céré, Les Célestins – Théâtre Lyon / soutiens Théâtre du Fil de l’Eau – Pantin, région Ile de France, ville de Paris, TNBA / avec la participation du Jeune Théâtre national / Le Théâtre de L’Argument est conventionné par la DRAC Île-de-France et le Conseil départemental du Val-de-Marne