La Pluie, qui reste après la poussière…

“Je ne sais pas où ils allaient, je sais seulement que les gens ne revenaient jamais.”

Plus qu’un spectacle “de” marionnettes, ce spectacle à l’affiche du Lucernaire est un spectacle “avec” des marionnettes. Alexandre Haslé donne vie à celles qu’il a fabriquées. Leur prêtant une partie de son corps. Il n’est donc pas seul en scène, mais accompagné par dix-sept personnages, dont le principal, la narratrice Hanna, est une femme très âgée qui va bientôt mourir et qui se souvient… Elle était jeune, elle habitait près d’une voie ferrée, elle voyait monter des tas de gens dans des trains. Et ces voyageurs mystérieux, ces inconnus furtivement aperçus lui confiaient des objets personnels avant de monter dans ces trains…

la pluie Lucernaire
@D Guyomar

“Aujourd’hui,je ne peux plus rien faire d’autre que me souvenir.”

Peu à peu, Hanna parvient à remonter au plus loin de sa mémoire, à faire revivre les objets que tous ces gens lui ont confiés avant de s’évanouir à jamais… Le spectateur a un avantage sur Hanna : il sait que ces gens ne reviendront pas. Il sait que les objets entassés au fur et à mesure des déportations ne seront jamais réclamés. Qu’ils demeureront dans la maison d’Hanna, passant de l’état d’orphelins à celui de poussière. L’ampleur de la catastrophe qui se bâtit sous les yeux d’Hanna est proportionnelle au nombre d’objets qu’on lui donne : ils seront un jour tellement nombreux qu’elle sera forcée d’aller dormir dehors. Devenant ainsi, à force de tant recevoir, une exilée de plus. Comme exilée d’elle-même.

la pluie Lucernaire

Les objets étant devenus poussière, toutes ces vies croisées et jamais revenues n’existent plus désormais que dans le souvenir d’Hanna. Et Hanna va mourir… La femme en noir et au bouquet de fleurs jaunes, le gros homme à la pomme, le violoniste et le saltimbanque, la très jeune femme, sorte de réminiscence de la jeunesse d’Hanna : tous défilent sous nos yeux chavirés.
Et parmi tous ces gens qui lui ont remis des objets, une personne a marqué Hanna plus que les autres. Un petit garçon qui lui a donné la seule chose qu’il avait : de la pluie dans une bouteille.
Avoir le courage d’évoquer tous ces objets. Parler des gens qui les lui confièrent. Ranimer l’ombre du petit garçon. Se libérer de son fantôme avant de mourir. C’est bien de cela dont nous parle le magnifique texte de Keene.
En donnant vie à cette pièce troublante de poésie, les marionnettes d’Alexandre Haslé la transcendent et la subliment. Le résultat est bouleversant, poignant, troublant, captivant, hypnotique. Un spectacle dont on ne ressort pas indemne. Un spectacle essentiel, indispensable, fondamental, presque vital…

La Pluie – Une pièce de Daniel Keene
Vu au Lucernaire le 12 octobre 2016
Fabrication, mise en scène et jeu : Alexandre Haslé
Avec la complicité de Manon Choserot
Jusqu’au 26 novembre 2016 – 19 h mardi au samedi

1 réponse
  1. Emmanuelle
    Emmanuelle dit :

    Je. Pilais venir ce soir mais c’est complet…Quelles sont vos prochaines représentations
    En île de france.
    Merci de me dire.
    Une consœur marionnettiste.
    Emmanuelle Levy cie 25 watts, j’ai un spectacle sur la même thématique”Ne sous une bonne étoile”Merci.
    Emma.dora.levy@gmail.com

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