Articles

LaDerniereBandeJacquesWeber

La Dernière bande à l’Œuvre… Bobine ! Bobiiiine !

La Dernière bande de Samuel Beckett – Spectacle vu le 16 avril 2016
A l’affiche du Théâtre de l’Œuvre jusqu’au 30 juin 2016
Mise en scène : Peter Stein
Avec Jacques Weber

 

La dernière bande_photo1

Dans cette courte pièce écrite par le prix Nobel de Littérature à l’âge de 52 ans, nous sommes projetés dans les derniers moments de vie de Krapp, écrivain âgé, myope et dur d’oreille. Il se remémore des souvenirs enregistrés depuis 30 ans, à sa date anniversaire sur un magnétophone d’époque.

Cette pièce est jouissive et tendue par de multiples paradoxes, liés tant à l’écriture de Samuel Beckett qu’à l’incarnation voulue par Jacques Weber et Peter Stein.

Le début de ce monologue se déroule sans que le comédien –travesti en clown, grâce aux costumes d’Annamarie Heinrich et au maquillage de Cécile Kretschmar, Jacques Weber est méconnaissable- ne prononce un seul mot, se livrant à un rituel de dégustation de bananes et de recherche de bobines dans un immense bureau –décor majestueux et épuré de Ferdinand Wögerbauer. Le public devient immédiatement le geôlier de cet animal qui lui renvoie l’image de sa propre prison !

 

La dernière bande_photo2

 

Le souvenir de la balade en barque avec une jeune amoureuse va hanter par trois fois l’esprit du vieil homme et là-encore ce sont les oppositions entre les différentes temporalités qui nous prennent aux tripes : le corps de l’homme affaibli, alcoolique, tordu entre deux quintes de toux, se confrontant à la vitalité et l’exubérance des émotions amoureuses qui surgissent sous nos yeux !

Enfin, l’histoire est rythmée par un humour imprévu, lié à des ruptures de langage et des mots qui sortent de nulle part ; la danse dans laquelle Krapp nous entraîne pour reconnaitre le mot « viduité » est une pure délectation.

Enfin, Jacques Weber est un Maître accompagné par un autre Maître Peter Stein.

Alors, pas d’hésitation, allez rembobiner la bande au Théâtre de l’Œuvre, et ce pour la dernière pièce programmée par son Directeur Frédéric Franck !

Magali Rosselo

 

Revue de presse du 28 octobre 2015 : Home, Maligne, 30/40 Livingstone et Une vie sur mesure

 

1. Au Théâtre de l’Oeuvre, Frédéric Franck poursuit sa saison avec “Home” de David Storey, mis en scène par Gérard Desarthe :

– “Carole Bouquet et Pierre Palmade incarnent les âmes en souffrance créées par David Storey en 1970. Une folle mise en scène de Gérard Desarthe.“- Le Figaro

– “Pendant 1 h 30, on a vu certes du beau jeu. Mais au-delà de la représentation de la détresse humaine, il manque à « Home » des enjeux, un propos, pour nous toucher vraiment.– Les Echos

– “Cette pièce, c’est du boulevard anglais, analyse Gérad Desarthe le metteur en scène qui s’empresse de préciser : le boulevard anglais c’est pas le boulevard français… On rit beaucoup mais on est aussi touché car ce sont des humains qui sont là dessous.” – France TV Info

– Interview de Gérard Desarthe pour la Terrasse

– Interview de Carole Bouquet pour Telerama

 

2. Au Théâtre du Petit Saint-Martin, Noémie Caillault reprend son si touchant spectacle, Maligne :

– “Si vous aimez le tragi-comique qui refuse de se prendre au sérieux,  allez découvrir cet ovni qu’est Maligne de Noémie Caillault.– LeMonde.blogs

– “Lorsqu’elle apprend, à 27 ans, qu’elle est atteinte d’un cancer du sein, la jeune comédienne puise dans sa lutte l’inspiration et l’énergie pour mettre en scène son histoire.” – Aufeminin.com

– “Elle était comédienne, mais elle n’aurait jamais pensé monter seule sur scène avec son propre spectacle. C’est la maladie qui lui a donné cette force.“- France TV Info

– “Maligne est son premier seule en scène et pas son dernier, on peut déjà en prendre le pari.” – Froggy’s Delight

 

3. A la Pepinière Théâtre, reprise du spectacle “30/40 Livingstone” qui a marqué l’édition 2014 du “off” d’Avignon :

– “30/40 Livingstone, un titre mystérieux pour une vraie pépite de théâtre. La fantaisie écrite et interprétée par Sergi López et Jorge Picó avait d’ailleurs eu un succès amplement mérité à Avignon en 2014.– Reg’Arts

– “L’acteur catalan préféré du cinéma français et le comédien et metteur en scène valencien livrent un réjouissant face-à-face entre un homme mal dans sa peau parce qu’en mal d’aventure (Sergi Lopez) et une créature à tête de cerf, muette, craintive et joueuse de (Jorge Pico)” – Le Monde

– “Tout est possible avec Sergi Lopez et son complice Jorge Pico, qui font de cette rencontre surréaliste un spectacle étonnant, totalement loufoque, absurde, avec des scènes désopilantes.“- Le JDD

– “Vêtu comme un tennisman des années 1930, véritable boule d’énergie jouant de sa panse dodue, Sergi Lopezz campe parfaitement un personnage faussement rabelaisien dont le délire induit une inquiétante étrangeté.– Froggy’s Delight

 

4. Autre reprise d’un succès off d’Avignon, “Une vie sur mesure” au Théâtre Tristan Bernard, un spectacle qui donne la pêche :

– “Après cinq années de succès à Paris et au festival d’Avignon, l’excellent spectacle “Une vie sur mesure” est joué sur la scène du théâtre Tristan Bernard jusqu’au 19 décembre 2015. Cédric Chapuis y interprète l’histoire d’un jeune homme naïf passionné de batterie : une merveille !”- Sortiraparis.com

– “C’est Cédric Chapuis, machiavéliquement désinvolte, fou d’adresse et de séduction, qui emmène l’innocent spectateur dans sa folie primitive, son autisme rythmé, sa jungle à écouter sur l’oreiller.– Froggy’s Delight

– “Mélange de Forrest Gump et de Billy Elliot, il est doué non seulement pour nous faire vivre en direct toutes les subtilités de son instrument adoré, mais aussi pour nous raconter les épisodes, joyeux ou dramatiques, de sa vie.” – Le Monde

– “Depuis son enfance, tous ses rêves, toutes ses pensées et ses envies sont tendus vers une passion interdite : la batterie.– La Terrasse

Il vous reste une semaine pour aller voir Serge Merlin dans le Réformateur : courez-y!

Le Réformateur – Spectacle vu le 1er octobre 2015
Au Théâtre de l’Œuvre  jusqu’au 11 octobre 2015  à 21h
Une pièce de Thomas Bernhard
Mise en scène par Thomas Engel

 

 

“Qui n’a pas vu Serge Merlin sur scène n’a pas toutes les clés pour parler de théâtre, à mon avis”.

C’est à peu près dans ces termes que Frédéric Franck présentait le premier spectacle de sa saison 2015-2016 au Théâtre de l’Œuvre. Et après avoir vu Le Réformateur, je ne peux que renchérir. Qui n’a pas vu Serge Merlin sur scène est passé à côté de l’un des plus incroyables comédiens de théâtre. Dans la peau de ce philosophe tyrannique, misanthrope et hypocondriaque né de la plume de l’un des plus grands auteurs autrichiens, il excelle dans son art.

Tel un Stradivarius, il fait résonner une infinité de sensations, passant de la colère la plus acerbe à l’humour le plus taquin, pour revenir à une mélancolie douce amère. Il est magnétique, envoûtant, hypnotique. Tour à tour éructant, cajolant, minaudant, vociférant, s’excusant, beuglant, mentant, trichant, opprimant. Sa palette est immense, il l’utilise à la perfection, nous faisant passer du rire à la consternation. Car la vision du monde de ce personnage auteur d’un Traité de la réforme du monde est “une philosophie de la fin, une véritable fascination pour le néant” (dixit André Engel).

Autre personnage en scène : une femme dont le silence et la douceur contrastent violemment avec les logorrhées de notre nihiliste acharné. C’est elle qu’il invective souvent, lui réclamant tantôt ses repas, tantôt son costume, la morigénant pour chacun de ses faits et gestes, semblant parfois sur le point de lui reprocher d’exister. Ruth Orthmann incarne cette compagne fidèle qui accepte absolument tout, envers et contre lui.

Il est encore temps de vous offrir un grand moment de théâtre, dans ce lieu mythique de l’Œuvre :

1 – Pour assister aux retrouvailles de Serge Merlin avec la pièce de Thomas Bernhard qu’il interprétait il y a déjà vingt-cinq ans. Il connaît tellement bien ce texte qu’il ne le joue pas : il le vit, il EST le texte.
2 – Pour la mise en scène d’André Engel qui insiste sur l’immobilisme, recentrant ainsi l’action sur le verbe. Les liens profonds qui unissent Serge Merlin et André Engel se resserrent chaque soir davantage sur le plateau.
3 –  Pour les silences criant d’amour, d’empathie et de dévouement de sa compagne incarnée par une talentueuse Ruth Orthmann.

 

INTERVIEW

Frederic Franck

Interview de Frédéric Franck, “l’homme de l’ombre”…

Refuser de tomber dans la médiocrité. Ne jamais cesser de faire confiance aux artistes. Garder comme ligne de conduite son amour des auteurs. Les chercher, toujours et partout, ces artistes qu’il vénère. Se battre pour une certaine idée du théâtre. S’insurger contre toute idée de “caste” à l’intérieur de cette grande famille du théâtre. Se placer en-dehors des ridicules clivages entre public et privé. Rejeter avec véhémence les médias, les tenir en grande partie responsables de l’appauvrissement de l’offre culturelle.

Tout cela, Frédéric Franck le porte en lui. Et cette “révolte” nous percute d’autant plus qu’il l’exprime avec une infinie douceur. Oui, lorsqu’on rencontre ce grand homme de théâtre, on est frappé par son humilité, son extrême gentillesse, la délicatesse de son propos. On le sent presque mal à l’aise, tant il fuit les projecteurs et rechigne à parler de lui. Homme de l’ombre méconnu du grand public, il aurait cependant bien des raisons d’être fier de son parcours. Plus de trente ans après avoir débuté dans le métier, il dirige depuis 2012 le Théâtre de l’Œuvre dont on peut dire qu’il “dénote” dans le paysage des théâtres parisiens. Il est également co-directeur du Théâtre Montansier de Versailles, dans le cadre d’une délégation de service public. Troisième casquette : il dirige depuis 2002 la Société Indépendante Contemporaine (SIC) société de diffusion de spectacles, qui lui permet de soutenir quelques théâtres parisiens dont il partage “l’ambition particulière”.

Le point de départ de sa saison 2015-2016 au Théâtre de l’Œuvre : l’idée d’inviter des metteurs en scène renommés familiers des plateaux gigantesques. Proposer à chacun de “peindre une miniature” sur le petit plateau historique du Théâtre de l’Œuvre. Le résultat : Serge Merlin dirigé par André Engel dans Le Réformateur, à l’affiche jusqu’au 11 octobre. Lui succèderont : Gérard Desarthe pour sa mise en scène de Home, Alain Françon pour sa mise en scène de Qui a peur de Virginia Woolf? et Peter Stein pour sa proposition de La Dernière bande de Beckett. Avouez que cette programmation alléchante donne envie de soutenir pour longtemps ce lieu tellement unique et de remercier sincèrement Frédéric Franck pour sa “désobéissance au marché” !

 

INTERVIEW