La trop bruyante solitude d’un amoureux des mots

35 ans. 35 ans hors du monde. 35 ans sous terre, au trou, dans une cave. Avec pour unique trace de vie celle de dizaines de souris espiègles et polissonnes.
Est-il prisonnier ? Dangereux terroriste ? Bandit de grand chemin ? Rebut de la société ? Que nenni ! Hanta n’est qu’un simple ouvrier. Ouvrier d’une presse mécanique. Toute la journée, depuis donc 35 ans, il broie des livres dans le noir et broie du noir car il broie des livres. Mais pour rien au monde il n’échangerait sa place ni son emploi. Car cette place lui permet de sauver des dizaines, des centaines de livres. Cet emploi contribue à lutter contre l’obscurantisme. Face à la censure, Hanta a trouvé un subterfuge. Philosophe, humaniste, il se dévoile peu à peu homme de lettres, à mesure qu’il subtilise et cache tous ces (ses?) ouvrages. Kant, Hegel, Nietzsche… sont devenus au fil des ans ses compagnons d’infortune. Grâce à eux, pour eux et avec eux, il tente d’oublier son amour perdu – une jeune tzigane qui n’eut pas la chance, elle, d’être soustraite à la barbarie nazie.

 

Une Trop Bruyante Solitude Thierry Gibault
©Pauline Le Goff

Quand il ne reste rien, demeurent les voix, dans l’espace vide… qui nous invitent à tout réinventer – Laurent Fréchuret.

Thierry Gibault incarne ce héros bibliophile avec une conviction, une densité, une intensité exceptionnelles. Pour l’accompagner dans ce projet dont il est à l’origine, Laurent Fréchuret a opté pour une mise en scène tout en sobriété.
Une simple ampoule pour éclairer les vêtements maculés de Hanta. Un jeu de lumière signé Eric Rossi pour évoquer tour à tour la salle de presse ou les rues de Prague. En fond sonore, le ronronnement doux et régulier d’une machinerie. C’est presque rien et pourtant on voyage dans la vie d’Hanta, on souffre avec lui, on est suspendu à ses lèvres, on écoute et on vit son histoire.
À la fois reconnaissant et plein d’empathie, on est admiratif d’une telle bravoure. Son héroïsme et sa rébellion nous touchent au plus profond. Et pour un peu, on serait prêt à demeurer 35 ans sous terre, à l’écouter nous dire des vers…

 

Une trop bruyante solitude – spectacle vu le 28 juillet 2016 au Théâtre des Halles
Un texte de Bohumil Hrabal
Adaptation et mise en scène : Laurent Fréchuret
Avec : Thierry Gibault

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