Encore une nuit et je serai trop vieille, l’âge d’aimer

Geneviève de Kermabon sait parler des corps et des désirs.

Après Sous ma peau, spectacle intense sur le désir à l’âge adulte, composé à partir d’écrits de Grisélidis Réal, artiste et prostituée, et d’autres témoignages, Geneviève de Kermabon donne forme à la question de la sexualité des adolescents. Là encore elle nourrit son travail de rencontres, et les propos des jeunes gens interrogés gorgent son texte de réel. La liberté de leurs confidences témoigne sans nul doute de la confiance qu’elle a su leur inspirer.

Encore une nuit et je serai trop vieille, le désir en question

C’est l’histoire de Rosie… Rosie est une adolescente aux formes généreuses, entravée par son éducation, la difficulté d’accepter son corps, le regard des autres et par l’autocensure.
Elle aimerait, mais elle n’ose pas…
Alors elle écoute les confidences des autres, leurs histoires intimes, parfois crues, souvent drôles…

 

« L’amour avec un grand A,
c’est le fait d’être complètement nu de l’intérieur devant quelqu’un »

Rosie, c’est un ample personnage en jean XXL, à la poitrine faite de 2 demi-mappemondes, au visage de loupe. Elle trône au centre d’une piste peuplé d’un apparent bric-à-brac profus, pas loin d’une installation d’art brut, ou de cet « art pauvre » qui redonne une valeur artistique à des matériaux dits modestes.

Silhouettes à taille humaine, corps de tuyaux, ressorts, bras articulés. Amas de fils de fer qui se déploieront en un gracieux couple pour une danse lascive. Ces « machines » signées Soux prendront la voix de ces « autres » dont Rosie guette la parole, leurs visages de plexiglas animés en transparence par le visage de l’artiste, leurs corps mus ou abandonnés au gré de ses mouvements.

Des empilements d’accessoires, masques, perruques, photos, accrochés à des patères, posés sur un coin de chaise : bientôt un jeune homme romantique, bientôt une jeune fille amusée. Menue, vive, avec ou sans masque, Geneviève de Kermabon a 15 ans, 20 ans, garçon ou fille, ou pétillante grand-mère – pour un souvenir d’une adolescence d’un autre temps – avec la même crédibilité.

 

« La première fois, ça a duré 6 secondes, il était trop désolé,
mais moi j’men fous, des premières fois, y’en aura des tas »

Il y a de la fraicheur et du sérieux – car les sentiments et le sexe peuvent être choses très sérieuses ! – dans ces mots adolescents. Il y a aussi des dévoilements inattendus, touchants ou cruels. A un Robin figuré par un portrait du Caravage, sa mère déboussolée : « je préférerais te voir mort que pédé » « alors si c’est ça, je vais choper le SIDA ». Un bref et dur silence.

Marionnettes, masques, mise en scène joueuse, interprétation décalée : ainsi portée, la parole peut s’adresser autant aux adolescents qu’aux adultes, et être sans inhibitions, spontanée, sans que jamais l’on se retrouve voyeur malsain, déplacé. La finesse de jeu de l’actrice, la justesse et la malice de son regard sans jugement, au contraire, nous font spectateur attentif et sensible de ce portrait aux multiples facettes, tendrement humain.

 

ENCORE UNE NUIT ET JE SERAI TROP VIEILLE – spectacle vu le 14 juillet 2016
À l’affiche du théâtre Les 3 Soleils
Un spectacle conçu et interprété par Geneviève de Kermabon

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