Je suis trop vert : la classe !
Avec un gros parallélépipède plein de trappes et de caches, trois fantastiques comédiennes, une justesse d’observation ravageuse et une vivacité d’écriture de chaque instant, David Lescot concocte un régal de spectacle « jeunesse ».
Je suis trop vert fait suite à J’ai trop peur et J’ai trop d’amis, que le Théâtre de la Ville a la bonne idée de reprendre pour ceux qui veulent faire plus ample connaissance avec le jeune héros, “moi”, 10 ans et des poussières. Dans J’ai trop peur, il affrontait le grand passage de l’école élémentaire au collège (et « la première année au collège, c’est tout simplement horrible ! Tout le monde le sait ! »), puis découvrait dans J’ai trop d’amis la complexité des relations sociales.
On est en novembre, « moi », le jeune héros de la trilogie se sent bien dans sa classe. Grande nouvelle pour lui et ses camarades : la 6e D va partir en classe verte, après les vacances de Noël, au cœur de la Bretagne. Des semaines à ne penser plus qu’à ça !
Des cailloux se mettent dans le soulier du projet, qui démarre un peu boiteux : sur les vingt-neuf familles de la 6e D, trois ne souscrivent pas, et, déception-frustration-j’suis trop vert ! il ne faut pas plus de deux désaffections sinon, annulation ! Merci l’amitié et la solidarité, obstacles pécuniaires ou hypocondriaques sont balayés et les mômes se retrouvent enfin dans le car scolaire pour LA CLASSE VERTE !
Le jeu des chaises musicales pour les places dans le car, la sensation du réveil un peu vaseux après une nuit de route, la symphonie des bruits de la ferme – tracteur, broyeur à grain, chiens, coups de marteau, vaches, poules… – bruités en direct, pour le plus grand plaisir de l’auditoire -, les matériaux réels manipulés par les comédiennes – feuilles mortes, terre, grains de maïs… : on s’y voit, on y est !
Dans le texte aux dialogues vifs et imagés comme dans la mise en scène, le spectacle fourmille de ces mille détails « bien vus » qui titillent l’imagination ou les souvenirs.
La classe est accueillie par les deux ados de la ferme, Cameron et Valérie. L’occasion pour les élèves et les petits spectateurs citadins de découvrir à quoi ressemble une journée de travail à la ferme, aérer la terre, préparer l’engrais, nourrir les animaux, finir la journée bien crotté et bien crevé !, manger les légumes qu’on récolte, – voir d’un peu plus près le lien entre la nature et les humain.e.s qui l’utilisent et en dépendent.
Avec Valérie, 13 ans, qui prône d’un air bourru une agroécologie douce et respectueuse, « moi » met les mains dans la terre, et la tête dans un autre monde, fait d’autres rythmes, d’autres façons de vivre, d’autres légendes.
« Les parents t’ont appris plein de trucs, mais ça, ça va être toi qui va leur apprendre »
dit “moi”, à sa petite soeur
David Lescot a eu l’idée très futée : c’est la petite sœur du narrateur qui porte le message de l’éco-responsabilité contemporaine. Mini-activiste radicale de 3 ans, restée à la maison avec papa-maman, elle jette ses jouets en plastique, éteint les lumières et, toute zozotante et zézayante, elle somme la famille de remplacer le chauffage par des paires de chaussettes et des pulls pour sauver les pitits pinguins et les zou’s blancs. Manière de faire un peu de pédagogie avec beaucoup d’humour !
La petite sœur ce jour-là était interprétée par Lyn Thibault, qui jouait aussi d’autres personnages. Sur scène avec elle Camille Bernon portait aussi plusieurs rôles, tandis que Sarah Brannens restait « moi ». Mais ça aurait pu être l’une ou l’autre ou leurs acolytes Elise Marie, Lia Khizioua-Ibanez et Marion Verstraeten : comme dans les volets précédents, elles échangent leurs rôles au gré des représentations. Il y a fort à parier que toutes les combinaisons soient également réjouissantes ! Elles ont toutes beaucoup de précision dans le dessin des différents protagonistes qu’elles interprètent, et une belle énergie, fraîche, enjouée et communicative.
À voir avec des enfants dès 7-8 ans : la mise en scène astucieuse, le décor à malice, le jeu punchy des interprètes les embarqueront allègrement dans ce voyage initiatique. Un spectacle tonifiant, plein de vie et de gourmandise, qui aborde joyeusement et sans naïveté aussi bien l’esprit de groupe que les questions liées à l’environnement, pour des gamins des villes et des champs d’aujourd’hui.
JE SUIS TROP VERT
Au Théâtre de la Ville jusqu’au 16 novembre 2024
Texte et mise en scène David Lescot
Scénographie François Gauthier-Lafaye | Lumières Juliette Besançon | Costumes Mariane Delayre
Assistante à la mise en scène Mona Taïbi
Avec en alternance Lyn Thibault, Élise Marie, Sarah Brannens, Lia Khizioua-Ibanez, Marion Verstraeten, Camille Bernon
Photos © Christophe Raynaud de Lage
À VOIR EN TOURNÉE
du 2 au 17 novembre au Théâtre de la Ville – Paris / les 9-10 et 16 novembre : L’Intégrale
19 et 20 novembre au Théâtre+Cinéma – Scène nationale de Narbonne
21 novembre à Narbonne / programmation du Crédit Agricole
22 novembre à Lattes / programmation du Crédit Agricole
26 novembre à Nîmes / programmation du Crédit Agricole
28 novembre à Mende / programmation du Crédit Agricole
du 9 au 18 décembre au TNG – Centre Dramatique de Lyon
du 13 au 15 janvier au Théâtre de l’Olivier – Istres / Scènes et cinés
du 30 janvier au 1er février au Théâtre des Sablons – Neuilly
les 27 et 28 février à la MCL – Gauchy
les 12 et 13 mars au Théâtre André Malraux – Reuil-Malmaison
du 13 au 16 avril à Les Petits devant, les grands derrière – Poitiers
les 28 et 29 avril au Théâtre du Champ du Roy – Guingamp
Production Compagnie du Kaïros. Coproduction Théâtre de la Ville-Paris.
La Compagnie du Kaïros est soutenue par le ministèrede la Culture – DRAC Île-de-France.
Le texte de la pièce est édité aux Solitaires Intempestifs, collection jeunesse,
avec les illustrations d’Anne Simon. Parution : octobre 2024
© Anne Simon