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Pinocchio (live) #3 : fabuleuses marionnettes humaines

En ce moment, au Points Communs – Nouvelle scène nationale de Cergy Pontoise et du Val d’Oise, on assiste au merveilleux Pinocchio (live) #3 d’Alice Laloy.
Merveilleux, parce qu’il captive et fascine, mais aussi pour la part de “merveilleux”, de magie et d’étrangeté qu’il contient.

« Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. Renversez la proposition, et tâchez de concevoir un beau banal ! », écrivait Baudelaire il y a bientôt 2 siècles.
Voilà qui va comme un gant à ce Pinocchio (live) #3, à la beauté déstabilisante et hypnotisante.

Débarrassons-nous tout de suite de l’énigmatique #3 : il s’agit de la troisième version de ce travail, dont la 1ère version avait été créée en 2018 à l’occasion de la Biennale Internationale des arts de la marionnette à Paris et la 2e en 2021 au Festival d’Avignon.

Alice Laloy a rencontré tôt la marionnette et en a fait un support majeur de sa création. Depuis 2023 la compagnie S’appelle reviens qu’elle a fondée voilà 20 ans a posé ses bagages au joliment nommé Bercail à Dunkerque. Par volonté d’ancrer son travail dans les territoires qui l’accueillent, elle a remonté son Pinocchio (live) avec vingt-deux jeunes gens et enfants dunkerquois et hauts-de-franciens, ou françaltiens (gentilés faits-maison faute de mieux…).
 

 
Pinocchio, dans l’imaginaire collectif, c’est ce petit pantin de bois fabriqué par un Gepetto en mal de paternité, qui après moults péripéties et mensonges repérables à son nez de bois qui s’allonge s’assagira et deviendra un vrai petit garçon.
Alice Laloy nous emmène à rebours de cette métamorphose, nous faisant assister à la transformation de dix enfants de chair et de vie en dix pantins de plâtre aux yeux figés.

Dix gamins débordant d’énergie ouvrent le spectacle, joueurs, rieurs et chamailleurs. Ils déboulent, envahissent l’espace de sons et de mouvements, repartent, et sur le plateau déserté, laissent la place à la construction d’un curieux laboratoire. Dix Gepetto perchés sur de hauts socques de bois vont monter leurs établis, sous un fracas rythmique de woodblocks et de coups de marteau orchestré par un duo de percussionnistes d’opérette, dans une belle esthétique steam-punk low tech, entre mécanique et système D. Dix gamins catatoniques vont prendre place sur ces établis mi-ateliers de sculpteurs mi-tables de dissection.

On assiste alors à une lente et troublante cérémonie durant laquelle les Gepetto vont, avec tact, soin, patience, et même douceur, en une chirurgie fantasmagorique et angoissante, tenter de faire disparaître les enfants, d’abolir le mouvant et le divers sous l’inerte et le similaire. Vingt-deux interprètes en équilibre sur la frontière entre l’animé et l’inanimé.
Pourtant, le dissemblable résiste, s’obstine : tous uniformisés, tous standardisés, blancs de peau bleus d’iris blonds de cheveux, tous vêtus comme des petites poupées dans leurs boîtes, tous muets regard figé, et pourtant, chacun son relâchement du corps, chacun son abandon, chacun son mutisme, chacun sa façon de s’absenter.
Le long nez de Pinocchio fait une apparition clin d’œil, effilé et dangereux comme une aiguille.
 

 
L’ouïe est chahutée de bruitages et musiques grinçant cliquetant, l’odorat même est sollicité par l’odeur du talc humide vaporisé sur les enfants pour les blanchir.
La séquence peut être dérangeante, en tout cas fait naître en chacun questions et réflexions, interrogeant des pulsions d’emprise et de manipulation, même, littéralement, de réification, une volonté de normalisation à la limite de l’eugénisme – tous ces bambins parfaits, à la peau pâle, dociles et dépendants…
On admire le travail magnifique qu’a fait Alice Laloy avec sa troupe, homogène dans sa remarquable disponibilité, dans sa belle précision. La prestation des enfants est particulièrement incroyable, on imagine la confiance qu’elle a dû obtenir d’eux pour qu’ils s’investissent dans ce travail si exigeant. Ils offrent une performance extrêmement aboutie, rigoureuse et puissante. Une passionnante création musicale métisse sons bruts, circassiennes percussions en live et composition électro obsédante et étoffe encore la matière du spectacle.
 

 
Pinocchio, pantin de bois, garde une sauvagerie de la forêt d’où vient son bois, désobéissant et méchamment farceur, et gagne son statut d’humain en se pliant aux règles de la société, en se conformant. Ici, autre chose se joue. Sous les faux yeux aux pupilles écarquillées que les Gepetto leur ont posés, les enfants ont les paupières fermées : peut-être, sous ces paupières closes, opposent-ils des rêves au cauchemar dans lequel les adultes semblent vouloir les enfermer ? Peut-être est-ce dans ces rêves qu’ils vont se débarrasser de leur rigidité de pantin ? ou peut-être est-ce dans le mouvement qu’ils se redécouvrent, reprennent possession de leur souplesse et de leur joie.

Dans une saisissante chorégraphie orchestrée par sa soeur Cécile, Alice Laloy leur et nous offre un final libérateur, salutaire bouffée d’air et d’espoir après cette performance singulière, intense et troublante. Un spectacle rare. À voir en famille, à partir de 8 ans.

Marie-Hélène Guérin

 

 
PINOCCHIO (LIVE) #3
Un spectacle de la Cie S’Appelle Reviens
Conception, mise en scène Alice Laloy
Composition sonore Éric Recordier
Chorégraphie Cécile Laloy assistée de Stéphanie Chêne
Scénographie Jane Joyet
Avec Alice Amalbert, Mathilde Augustak, Matthias Beaudouin, Étienne Caloone, Ashille Constantin, Roxane Coursault, Robinson Courtois, Nina Fabiani, Léon Leckler, Valentina Papić
et les enfants Charlotte Adriaen, Nohé Berafta, Louna Berafta, Juliette Martinez, Mila Ryckebusch Vandaële, Romane Sand, Elya Tilliez, Eléna Vermersch, Giulio Risaceo, Iness Wilmotte, Éloi Gonsse Martinache pour « l’entrée des enfants » à Dunkerque et à Lille et Edgar Ruiz Suri (remplaçant)
accompagnés par les jeunes percussionnistes Hector Yvrard et Mathis Rebiaï
Création lumière Julienne Rochereau | Costumes Oria Steenkiste, Cathy Launois, Maya-Lune Thieblemont | Accessoires Antonin Bouvret, Benjamin Hautin, Maya-Lune Thieblemont | Régie générale, plateau Sylvain Liagre | Régie son Éric Recordier | Construction des établis Atelier de construction du Théâtre National Populaire
Photographies © Christophe Raynaud de Lage

Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès
Coproductions Points communs – nouvelle scène nationale de Cergy Pontoise / Val d’Oise I Bateau Feu – scène nationale / Dunkerque I Théâtre de l’Union – centre dramatique national / Limoges I Le Trident – scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin I La Comédie de Clermont – scène nationale / Clermont-Ferrand
La compagnie est subventionnée par la DRAC Hauts-de-France, la Région Hauts-de-France et la Communauté Urbaine de Dunkerque, avec le soutien du Département du Nord, la Ville de Dunkerque et la Fondation d’entreprise Hermès.

Pinocchio : quand le magicien Pommerat rencontre le génie Collodi

Pinocchio – Spectacle vu le 12 décembre 2015
A l’affiche de l’Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’au 3 janvier 2016, puis en tournée (dates ici)
Un spectacle de Joël Pommerat, d’après Carlo Collodi

 

Pinocchio réinventé par l’un des génies du théâtre contemporain : incontournable pour les petits et les grands

Un spectacle de Joël Pommerat : c’est toujours un cadeau précieux, un rendez-vous privilégié, une promesse de bonheur… Le retour de Pinocchio, je l’attendais d’autant plus que c’est grâce à un autre conte – Cendrillon – que j’avais découvert le Pommerat magicien. Dans ma vie de spectatrice, il y a clairement un avant et un après Cendrillon.

Succédant sur la scène des Ateliers Berthier à la truculente Cendrier, un curieux pantin blafard nous invite à un voyage tout aussi inoubliable. Dès les premières secondes, le charme opère, avec l’apparition d’un conteur aux allures de forain (réincarnation du fameux criquet). Ce Monsieur Loyal nous décrit ce qu’il voyait lorsqu’il ne voyait pas… Le voyage vient de débuter. Il nous entraînera tour à tour dans la forêt, dans une salle de classe, sur une piste de danse, dans un cachot, chez une Fée, au plus profond de l’océan ainsi qu’à la surface d’une mer déchaînée. Tout cela sans autre artifice que les jeux de clair obscur. La lumière, toujours la lumière…

Mais l’efficacité du texte n’a rien à envier à la beauté de ces images. Joël Pommerat revisite le mythe créé par Collodi avec intelligence, finesse, subtilité, humour souvent, philosophie toujours. Il aborde des thèmes tels que la pauvreté (“En plus d’être vieux, tu es pauvre, alors ça c’est la meilleure de la journée !“), le mensonge (“Rien n’est plus important dans la vie que la vérité”), la paternité (“J’ai envie de rentrer chez moi et de revoir mon père, il me manque”) et surtout la liberté (“Pinocchio, c’est le symbole de la transgression, la liberté par la bêtise et l’ignorance” explique Joël Pommerat). Au final, ce spectacle est une sorte de parcours initiatique pour l’enfant – et parfois le pantin – qui sommeille en nous.

A découvrir ou revoir en famille, cette variation magique de Joël Pommerat autour du mythe de Pinocchio :

1 – L’occasion de découvrir, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, un auteur de spectacles d’une intelligence rare et précieuse.
2 – Par son jeu de noirs et de lumières tellement caractéristique, Joël Pommerat grave en nous des images d’une beauté mémorable.
3 – Un spectacle destiné, non pas aux enfants, mais à la part d’insouciance, de candeur et d’indispensable naïveté enfouie en chacun de nous.

ELECTRONIC KIT PRESS

Revue de presse du 16 décembre 2015 : l’Autre, Pinocchio, Roméo et Juliette, Norma

 

1. Eric Ruf signe une superbe mise en scène de Roméo et Juliette dans la maison qu’il dirige depuis cet été :

– “Le patron de la Comédie-Française Eric Ruf réveille une belle endormie, avec sa mise en scène incandescente de “Roméo et Juliette” de Shakespeare, qui n’avait pas été donnée Salle Richelieu depuis soixante ans.” – Le Parisien

– “C’est la plus belle déclaration d’amour de la littérature dramatique et la scène n’a jamais été aussi simplement belle.” – Le Figaro

– “Le fol amour juvénile des deux héros, d’une ardeur égale à sa spontanéité, est porté avec force et flamme par Suliane Brahim, magicienne à la grâce aérienne, et Jérémy Lopez, fougueux, terrien. – Le JDD

– “Jérémy Lopez et Suliane Brahim ont la jeunesse de leur rôle, une technique imparable et une personnalité peu commune.” – Les Echos

– “Découvrir ou revoir cette tragédie légendaire fait battre le cœur, qui se prépare, s’ouvre et s’emporte, électrisé par la beauté et la force de cette œuvre unique et intimidante.” – Froggy’sDelight

– Interview d’Eric Ruf pour Le Monde

 

 

2. Au Poche-Montparnasse, Thibault Ameline propose une nouvelle mise en scène de l’Autre, la pièce de Florian Zeller créée il y a plus de dix ans :

– “D’une certaine façon, Florian Zeller régénère le théâtre bourgeois traditionnel en le dépoussiérant de toute idéologie et de toute rancoeur sociale.” – Froggy’s Deligth

– “Une pièce qui mine de rien, avec sa musicalité très particulière et cristalline, cache sans doute une sorte de tragédie de l’existence…. A voir, à déguster, à méditer.” – Le Figaro-le blog

– “Les trois acteurs font des merveilles avec ce texte écrit d’une écriture blanche. Ils parviennent à nous faire sentir avec talent leur douleur sourde et leur désaffection égoïste pour le passé et le futur. Benjamin Jungers y est épatant.” – Toute la culture

– “Fines et acérées, les répliques de “l’Autre” ne laissent rien déborder. L’auteur, amoureux de l’interprétation scénique abandonne entièrement son texte aux comédiens.” – France TV Info

– Interview de Florian Zeller pour Le Figaro

 

 

3. Aux Ateliers Berthier, c’est le retour du Pinocchio, de Joël Pommerat, un spectacle créé en 2008 toujours aussi magique :

– “Une fête disco somptueuse à sa rencontre avec la fée, le voyage de Pinocchio nous offre un feu d’artifice d’émotions et de sensations, entre ombres et lumières, joies et frissons.” – Les Echos

– “Sous la plume de Joël Pommerat, Pinocchio se transforme en un conte sombre sur la violence de la société.” – Telerama

– “On pense tous connaître Pinocchio et son histoire, mais lorsque Joël Pommerat se réapproprie l’œuvre, on se plaît à la redécouvrir.” – Les trois coups

– “Joël Pommerat imprime à Pinocchio une qualité de présence magnifiquement spectaculaire, et manifestement moderne.” – La Terrasse

– “Chacun est saisi, et le restera jusqu’à la fin des aventures de Pinocchio, qui se dessinent en tableaux qu’on dirait découpés dans le noir du plateau.” – Le Monde

 

 

4. Stéphane Braunschweig met en scène Norma, l’opéra de Bellini au Théâtre des Champs-Elysées :

– “Stéphane Braunschweig n’est certes pas le premier à vouloir signifier les deux mondes, public et privé, entre lesquels évolue la prêtresse gauloise Norma.” – Les Echos

– “La mise en scène de Stéphane Braunschweig ? Neutre et grise, elle mise sur le théâtre psychologique pour éviter le péplum, mais ne parvient qu’à remplacer une convention par une autre, sans éviter le ridicule dans la gestuelle du chœur.” – Le Figaro

– “Porté par une orchestration magistrale, des voix dans l’ensemble impressionnante et une mise en scène qui fait grimper l’émotion, cette Norma gagne vraiment à être connue et reconnue. – Toute la Culture

– “Ce personnage de femme qui mène une double vie, selon les mots de Stéphane Braunschweig, est porté par une musique d’un puissant lyrisme et d’une frémissante sensualité. – Les Echos

– Interview de Stéphane Braunschweig pour Libération