Revue de presse du 14 septembre : La Reine de beauté de Leenane, La Version Browning, Quand le diable s’en mêle, Les Frères Karamazov
1. La Reine de beauté de Leenane : une comédie “noire” présentée au Lucernaire par une metteur en scène à suivre… :
– “Une pièce noire, féroce, qui offre une réflexion sur la liberté et le choix de sa vie. Sur le ton du thriller psychologique, la pièce va assez loin sur les rapports mère-fille et ne cesse de procurer un plaisir jouissif au spectateur, malgré le spectacle tragique qui se joue devant lui.” – La Provence
– “Coup de cœur. C’est monstrueux et humain, mais si drôle. Les comédiens manient avec une belle réjouissance un langage qui bouscule la syntaxe pour mieux donner vie à ce milieu populaire et poisseux dont on ne s’extirpe pas. On se pince d’en rire, mais on en rit fort.” – Le Parisien
– “Un petit bijou de la rentrée théâtrale. Sophie Parel est criante de vérité dans le rôle de Maureen, jeune femme frustrée qui rêve sa vie à haute voix… En mère acariâtre prenant un malin plaisir à torturer sa fille, Catherine Salviat est une pub ambulante pour les maisons de retraite. En amoureux sincère, vaguement inquiet de ce mano a mano entre mère et fille, Grégori Baquet est l’angoisse faite homme. En messager de l’amour impossible, un rien ahuri, le propos décalé, Arnaud Dupont dériderait une assemblée mortuaire. « La Reine de beauté de Leenane » est sur la plus haute marche du podium, et elle le mérite.” – Marianne
– “Une tragédie familiale féroce mais qui ne manque pas d’humour. Une relation tragi-comique hostile et souvent drôle, mais jamais caricaturée par la plume acérée de Martin McDonagh. ‘La Reine de beauté de Leenane’ emprunte avec intelligence et sagacité la forme d’une comédie noire et celle du thriller psychologique. Un auteur à découvrir et une metteur en scène à suivre…” – Time out
– “Martin McDonagh, révélation du théâtre anglo-saxon, réalisateur du cruel et décoiffant film Bons baisers de Bruges, écrit comme le peuple inculte doit parler, sans subjonctif, sans conditionnel, traduit par Gildas Bourdet et éponge toute forme d’espoir, laissant le comédien absolument libre d’y ajouter une humanité de l’instant. Voilà du théâtre de comédiens. Qui aiment avec passion et donnent tout.” – Froggy’s delight
– “La pièce reprend les codes de la comédie noire avec habileté. Certes, la traduction grossit les grossièretés et l’interprétation souligne les accents populaires, mais les comédiens sonnent juste ; l’intrigue paraît mécanique, mais elle réserve des surprises ; le décor ne présente aucun effet, mais il suffit à évoquer les plaines venteuses et pluvieuses de ce versant du Connemara. L’ensemble file rapidement, mené si rondement qu’il reste difficile d’émettre en sortant un enseignement à tirer de ce « thriller psychologique » plutôt riant.” – Les Trois Coups
– “Sophie Parel nous offre une vision intimiste de cette comédie noire. La pièce est crue, violente, drôle, cruelle. La distribution est impeccable.” – Webtheatre
2. Au Poche-Montparnasse, une Version Browning servie par une distribution chaleureusement applaudie, Jean-Pierre Bouvier en tête :
– “La pièce pourrait paraître désuète, avec son décor “vintage”, le salon-bureau du professeur Crocker-Harris. Il n’en est rien, grâce à la formidable interprétation de ses acteurs, et au texte subtilement cruel du dramaturge Terence Rattigan. Les comédiens dirigés par Patrice Kerbrat sont tous très justes, notamment Thomas Sagols, parfait en élève Taplow. On redécouvre avec bonheur le texte d’un auteur injustement oublié… Son langage ciselé, qui suggère les émotions et distille toute l’atmosphère d’une époque, prend tout son sel dans cette mise en scène nuancée.” – Le Point
– “Une vraie pièce anglaise, efficace, caustique et cruelle à la fois. Elle devrait séduire un large public, dans l’adaptation solide et élégante proposée par Patrice Kerbrat. Fin directeur d’acteurs, il a réuni une troupe de comédiens de haut vol et offert au grand acteur qu’est Jean-Pierre Bouvier un défi à sa mesure. Le comédien brille dans le rôle à la fois monstrueux et douloureux de Crocker-Harris, le vieux prof. Tour à tour drôle et bouleversant, plus « british » qu’une salle des profs de « public school », Bouvier est exceptionnel.” – Les Echos
– “Méconnaissable, Jean-Pierre Bouvier, voix étouffée, fait une composition très travaillée et intériorisée de son personnage, un peu surchargée parfois. Dans l’adaptation et la mise en scène de Patrice Kerbrat, le ton n’est pas tant celui de la tragédie que celui du mélodrame, qui appuie les situations… L’interprétation dans son ensemble va dans ce sens, hormis celle de Benjamin Boyer, tout en sobriété, mais la pièce conserve son intensité dramatique.” – Le JDD
– “Coup de cœur. Pour incarner un tel personnage, il fallait un comédien exceptionnel. Jean-Pierre Bouvier donne ici toute la mesure de son talent. Toujours d’une justesse remarquable, sans excès, la voix à la fois grave et comme étouffée, le geste précis et mesuré, il est bouleversant nous faisant passer du rire aux larmes dans une économie de moyens saisissante, soutenue par une mise en scène d’une élégante sobriété.
À ses côtés, ses partenaires font preuve de la même justesse. Tous sont à l’unisson, délivrant une très belle adaptation d’une pièce qui nous entraîne au cœur de l’humain, de la belle ouvrage vraiment. Un des spectacles à ne pas manquer en cette rentrée chargée.” – Reg’Arts
– “Magnifique. L’interprétation de la troupe est parfaite, en particulier Marie Bunel en divine Mme Crocker Harris, cependant que si la mise en scène s’est voulue sans prétention c’est que Patrice Kerbrat offre à Jean-Pierre Bouvier l’occasion d’une prestation époustouflante dans le rôle principal. On pense à Louis Jouvet avec son dédain et sa ténébreuse force… C’est sublime et 105 minutes passent comme une seule.” – Toute la culture
– “Une limpide adaptation. Cette pièce écrite il y a plus de soixante ans est étonnamment actuelle par la puissance des situations et des personnages créés par Terence Rattigan. C’est désormais un “classique” que Patrice Kerbrat a su monter intelligemment sans chercher à la moderniser à tout prix. Cette “Version Browning” sera, à coup sûr, un des succès de la saison à venir.” – Froggy’s delight
– “La mise en scène de Patrice Kerbrat est plutôt vieillotte et statique, et se joue dans un décor particulièrement laid. Jean-Pierre Bouvier joue avec beaucoup de nuances, de sensibilité, de retenue ce professeur déchu. Le spectacle vaut surtout pour ce très beau jeu. ” – Télérama Sortir
3. Feydeau et Didier Bezace au Théâtre de l’Aquarium : Quand le diable s’en mêle, un diable qui en a séduit beaucoup, mais frustré certains :
– “Elles sont connues, on les a déjà vues, ici ou là, et pourtant, elles nous semblent neuves ! La même équipe de comédiens épatants interprète les trois pièces… Ne rappelons pas les intrigues : découvrir ou redécouvrir la folie vertigineuse de Feydeau est un plaisir extrême !” – Figaro
– “De singuliers comédiens (Clotilde Mollet, Ged Marlon, Luc Tremblais) incarnent à merveille dégoûts et mesquineries que suscitent peu à peu la vie commune et la crétinerie délirante d’une langue où explose une méchanceté incongrue…” – Télérama Sortir
– “L’équilibre est délicat à trouver, avec ce drôle de dindon qu’est Feydeau. Didier Bezace est un des metteurs en scène, dans notre beau pays qui ressemble tant à celui du maître du vaudeville, qui maîtrise le mieux cet exercice de haute voltige. Il propose cet été un bel échantillon de ce talent, en montant à la suite trois petits chefs-d’œuvre de l’auteur : “Léonie est en avance”, “Feu la mère de madame” et “On purge bébé”. Et c’est drôle, à en suffoquer par moments. Noir, aussi, et doucement absurde.” – Le Monde
– “Le résultat est à la hauteur des espérances. Didier Besace fait véritablement œuvre de création, avec une direction d’acteurs sans faille et une trouvaille de génie : l’apparition du diable qui tisse les liens de l’enfer conjugal… Ajoutons la scénographie signée Jean Haas, ingénieuse et inventive…
Et on rit énormément de ces maris tyrannisés par leurs épouses car ici l’enfer c’est la femme, l’écriture étant un véritable exutoire pour ce malheureux Feydeau coincé dans une union chaotique et qui exorcise ses douloureuses expériences par le rire. Un rire qui camoufle l’amertume et les déceptions.” – Reg’Arts
– “Délicieusement jouissif et méphistophélique. Ce travail sobre mais efficace de Didier Bezace met en valeur d’une manière des plus concises mais avec beaucoup de tempérament, tout en nudité naturiste, ces trois textes de Feydeau où se jouent les éternelles angoisses, solitudes et faux-semblants d’un théâtre conjugal qui n’a pas résolu sa toujours contemporaine discrimination sexiste.” – La Revue du spectacle
– “Pour amusante qu’elle soit cette idée de diable, dont le personnage cornu est par ailleurs fort bien interprété par Bérodot, n’apporte pas grand-chose. Si Feydeau met en scène l’enfer du couple, c’est avant tout des protagonistes eux-mêmes que naît l’absurdité de situations où bêtise et folie douce ont partie liée.” – Libération
– “Didier Bezace m’a laissé sur ma faim. Les trois courtes pièces farcesques, œuvres comiques et faciles, n’ont pas plus d’intérêt que ce que Dario Fo appelait malicieusement contorni, « garnitures » en français, quand on attend impatiemment le plat de résistance. Didier Bezace dans tout ça ? Je l’ai souvent perdu de vue pendant le spectacle. Contenue son ironie pétillante, retenue sa cruauté burlesque, amoindrie sa tendresse subtile, affadi son humanisme poétique ! Seuls, sous sa direction, les comédiennes et les comédiens réussissent à maintenir l’attention. Tous chargés de plusieurs rôles agissent en virtuoses. Il est important de dire que le spectacle vaudra tout de même dans les prochains mois le coup d’être vu. Mais dans un théâtre à l’italienne, où la proximité avec les spectateurs permettra de retrouver ce que Feydeau peut encore nous apporter : le plaisir d’une dramaturgie à l’alacrité enjouée, les délices d’une interprétation à l’énergie loufoque et le bonheur légitime d’un contenu, certes en partie caduc, mais détendant l’esprit le temps d’une soirée.” – France Culture
4. Ce n’est plus à l’affiche mais mérite tout de même qu’on s’y attarde : Les Frères Karamazov dans la foisonnante adaptation (et mise en scène) de Frank Castorf :
– “Une course haletante de 6 h 15 filmée en direct et en musique qui questionne un monde en quête de sens. Acide et ironique. L’adaptation est à la fois fidèle et insolente. La musique est omniprésente. Pas de place pour le silence dans ce monde furieux. […] Tout cela ne serait rien sans l’époustouflante distribution. Des athlètes affectifs qui n’ont peur de rien.” – Figaro
– “Servie par une mise en scène foisonnante et la puissance de ses comédiens, l’adaptation du roman de Dostoïevski par Frank Castorf laisse le spectateur ébouriffé et ravi. Le metteur en scène allemand exploite l’existant, l’exceptionnelle friche de l’usine Babcock à la Courneuve. Mais l’utilisation de la vidéo lui procure davantage de liberté encore… Les comédiens sont absolument tous impressionnants… On sort de Babcok à peine froissé par la durée, mais secoué, essoré, abasourdi par ce génial feu d’artifice de corps et à cris.” – Libération
– “Il faut avouer que le projet a de l’envergure : mettre en scène l’un des chefs-d’œuvre de Fédor Dostoïevski, ‘Les Frères Karamazov’, avec onze acteurs filmés en direct sur le plateau et le tout sur plus de 6 heures de spectacle. Le bientôt ex-directeur de la Volksbhüne de Berlin, Frank Castorf n’a peur de rien théâtralement. Et il le montre sans complexe dans cette adaptation épique…” – Time Out
– “Un spectacle à la mesure de la démesure du bâtiment ! Un spectacle, plus encore, détonant, déconcertant, prenant le roman de Dostoïevski pour prétexte plus que pour l’illustrer. De fait, au fil des 6 heures 15 que dure la représentation, les thèmes, formules, contradictions se succèdent et s’accumulent sur fond de tohu-bohu et de cris. Le spectacle est riche, dense, touffu, labyrinthique au point, par moments, de se perdre, voire de lasser. Il n’évite pas toujours la complaisance. Ni les raccourcis faciles. Il n’empêche. Magnifiquement installée dans l’espace, la mise en scène se révèle d’une maîtrise époustouflante. Les comédiens, ils sont onze, sont tous plus éblouissants les uns que les autres… Et puis, ô surprise, Jeanne Balibar, tour à tour délicieusement vieillard, séductrice. Ou le Diable.” – La Croix
– ” ll y a eu du bruit, de la fureur, des rires, des cris, des larmes… : la folle traversée d’une œuvre monstre, celle de Dostoïevski, et d’un pays tourmenté, la Russie d’hier et d’aujourd’hui. Que d’engagement, de justesse, d’énergie, de la part de ces onze comédiens qui paraissent être foule et partout à la fois ! Avec en prime, pour le spectateur français, le plaisir de revoir Jeanne Balibar à son meilleur… Le spectacle souffre de quelques tunnels, d’ellipses un brin absconses… mais l’ensemble est d’une telle sensibilité, d’une telle vérité qu’on ne peut que rendre les armes.” – Les Echos