Ceux qui res(is)tent…

Sur le plateau nu du Théâtre Déjazet (dernier théâtre du boulevard du crime, resté “dans son jus” depuis 40 ans et dirigé par l’inénarrable Jean Bouquin), deux chaises font face au public. Légèrement décalées l’une de l’autre. Tout à coup, sans même qu’on les ait vu s’approcher, ils sont là. Ils sont arrivés sur la pointe des pieds, discrètement, l’air de rien. Ils se sont assis. Lui devant, elle un peu en retrait. Elle est l’interviewer, celle qui fait accoucher la parole de Pavel. Pavel, c’est Paul Felenbok, qui avait sept ans lorsqu’il s’est évadé du ghetto de Varsovie. Aujourd’hui, Paul Felenbok a 81 ans, et c’est sa parole à lui qui se libère par la voix de cet admirable comédien qu’est Antoine Mathieu. Sur la scène du Déjazet, il n’a plus d’âge. Il est d’abord ce tout petit garçon échappé par les égouts de Varsovie. Puis l’homme mûr qui retourne sur les traces de son passé, avec son frère, pour le 70ème anniversaire du soulèvement du ghetto.

Modification scénique. Autre voix, autre parole, autre témoin entre deux âges : Marie Desgranges troque son rôle d’interviewer contre celui de son partenaire. Doucement, simplement, naturellement ils échangent leurs chaises, lui devenant le garant de sa parole à elle : Wlodka Blit-Robertson, cousine de Paul, guère plus âgée que lui à l’époque où elle s’évada en escaladant le mur du quartier juif.

Ceux qui restent, David Lescot Paul Felenbock, Wlodka Blit-Robertson, théâtre Déjazet, Pianopanier@Christophe Raynaud de Lage 

“Dans le ghetto, il y avait une vie sociale, culturelle, des riches, des pauvres c’était une société au départ, avant même que la mort soit présente à chaque coin de rue.“

Les paroles de ces deux-là s’enchevêtrent, se répondent, se font écho une heure trente durant. Une heure trente qui nous fait voyager de la Pologne à la Russie, de la France aux Etats-Unis en passant par l’Angleterre. Ces deux-là ont eu une existence réellement exceptionnelle. Quelle chance qu’ils nous la fassent partager ! Leurs mots sont aussi précieux que cette vie qu’ils racontent. Ce sont ces mots-là, leurs mots qui construisent le spectacle, car la mise en scène tout en sobriété et délicatesse de David Lescot les met parfaitement à l’honneur.

Ceux qui restent, David Lescot Paul Felenbock, Wlodka Blit-Robertson, théâtre Déjazet, Pianopanier

“Un jour, je suis allé voir un psy… Il a inventé que je m’étais orienté vers l’astronomie parce que j’avais manqué de la vision du ciel dans mes caves…”

Grâce à son talent et à celui des deux formidables comédiens, des paroles d’enfants juifs rescapés se trouvent non seulement libérées mais encore sublimées sur un plateau de théâtre – quel plus bel endroit, quelle place aussi juste ces paroles auraient-elles pu trouver ? Merci à David Lescot, Marie Desgranges et Paul Mathieu de donner à entendre cette vérité. Merci à eux de nous inclure comme de nouveaux témoins, interviewers, passeurs… De nous confier, à nous aussi, un rôle dans cette histoire de ceux qui restent. De ceux qui résistent…

CEUX QUI RESTENT
À l’affiche du Théâtre Déjazet du 18 au 28 octobre et du 7 novembre au 9 décembre 2017 (mardi au samedi 19h)
Paroles de : Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson
Mise en scène : David Lescot
Avec : Marie Desgranges et Antoine Mathieu

Intra Muros : trois murs et la liberté

Pour étrenner les planches de la salle flambant neuve du Théâtre 13 / Jardin, Colette Nucci, directrice du lieu, attachée à promouvoir la création actuelle et le travail des compagnies indépendantes, avait choisi de confier le spectacle d’ouverture à Alexis Michalik, familier de cette salle qui l’a accueilli avec plusieurs de ses créations au fil des années. Le théâtre a enfin (belle) façade et (spacieux) hall d’entrée, salle et scène ont été rénovées avec soin, gardant l’agréable et peu commune disposition en amphithéâtre qui le caractérisait, perdant en pittoresque se plaint un mauvais coucheur nostalgique, mais surtout gagnant en qualité d’accueil, en performance phonique, en confort côté spectateur mais aussi côté artistes et techniciens… deux ans de travaux, le plancher de la scène devait frémir d’impatience de retrouver la pulsation des pas des artistes ! On retrouve cet automne Intra Muros à La Pépinière Théâtre, après le festival d’Avignon.

« Le théâtre,
c’est un endroit où il se passe tout le temps des choses »

Michalik aime le théâtre et son écriture, il le démontrait avec malice et d’inventivité dès ses premières mises en scène R&J et La Mégère à peu près apprivoisée, adaptations pleines de fantaisie(s). Depuis, il s’est emparé de la scène dans tout son relief, passant à l’écriture avec un brio salué par la presse et le public : Le Porteur d’histoire et Le Cercle des illusionnistes ont soufflé un vent de fraîcheur et de créativité, et furent salués de nombreux Molières. Quelques perruques, des costumes, parfois de bric et de broc, là un astucieux pan de mur sur roulettes, ici des accessoires judicieux : une économie légère mais qui a toujours su ne pas faire « maigre ». On appréciera peut-être que ce n’est pas avec le plus de moyens qu’on fait le plus de théâtre. Après la machine à spectacle tapageuse d’Edmond, succès populaire autant que critique, gratifiée d’ailleurs de nombreuses nominations aux Molières cette année, on retrouve ici Alexis Michalik avec une équipe resserrée, et son talent condensé.

« C’est ça la vie,
être traversé par des émotions »

Alexis Michalik s’est nourri de sa propre expérience d’un échange avec des détenus, en Centrale (une “maison centrale” est un type de prison qui prend en charge les détenus condamnés à de longues peines. Elle accueille également les détenus les plus difficiles, ou ceux dont on estime qu’ils ont peu de chances de réinsertion sociale) pour poser les bases de cet Intra Muros, où, à sa manière, il poursuit le dialogue entamé alors.

Nous allons donc passer 1h30 entre les murs d’une prison, réunis par la volonté de Richard, le metteur en scène, et d’Alice, assistante sociale, les instigateurs de cet « atelier-théâtre » en compagnie de Jeanne, aux multiples rôles, et de deux détenus, Ange et Kevin, les deux seuls volontaires – et de bien mauvaise volonté ! Entre les murs d’une prison, mais, puisque la parole crée – et cette belle fonction performative de la parole est particulièrement sollicitée dans le travail de Michalik, nous serons bien sûr aussi dans d’autres temps et d’autres lieux, les temps et les lieux des récits emboîtés des protagonistes. On glisse sans à-coups de la situation à la narration, des souvenirs racontés à leur restitution ; la mise en scène fluide, mouvante, nous embarque de l’espace de l’atelier à toutes les vies. Les acteurs se changent à vue, utilisant des portants à la frontière des coulisses. Hors jeu, ils restent la plupart du temps sur le plateau, simplement assis en fond de scène, spectateurs en miroir des spectateurs. Ils naviguent de leur présent à leurs passés, et même à leurs futurs. Peut-être l’intrigue s’entortille-t-elle en circonvolutions qui peuvent sembler artificielles. Mais par le talent de l’auteur-metteur en scène et la grâce de ses interprètes, tous ces ressorts s’allègent.

Dans un angle du plateau, au ras des spectateurs, Raphaël Charpentier, musicien poly-instrumentiste, manie thérémine, percu, clavier, samples… Le simple bruitage des ouvertures de portes scandant les déplacements suffira à inventer les murs de la prison, quelques notes de piano adouciront le dur récit de l’enfance de Kevin, le jeune détenu, des sons urbains, bips de caisses enregistreuses, brouhahas de bavardages, sonneries de téléphone tisseront la trame d’une vie laborieuse… : une matière sonore ainsi créée qui sait trouver la bonne proportion, amenant nuances et reliefs sans envahir l’espace.

« L’acteur ne fait pas qu’endosser une autre vie,
il en endosse deux, la sienne et celle du personnage »

Des cinq comédiens, certains sont de ses fidèles : Jeanne Arenes, à la présence vive et sincère, a été saluée du Molière de la révélation féminine en 2014 pour son rôle dans Le Cercle des illusionnistes; d’autres, des nouveaux venus dans sa tribu, plus familiers des cinéphiles : Bernard Blancan, visage à la serpe, regard aigu, campe un Ange, taiseux et blessé, à la tendresse touchante ; Fayçal Safi donne le ton juste, fait de fougue, de jeunesse, de rage, à son voyou, Kevin, gamin poussé tant bien que mal dans de la mauvaise terre (« c’est qui la société, moi je la connais pas mais si un jour je la croise je lui mets mon poing dans la gueule ») ; Alice de Lencquesaing, belle voix feutrée, fait ses premiers pas au théâtre avec la sensibilité et la justesse qu’on lui connait au cinéma…. On a aimé dernièrement Paul Jeanson dans J’ai couru comme dans un rêve, il est ici parfait dans le rôle du metteur en scène-accoucheur.

« Dans cette page blanche, il voit un espace infini,
il y voit tout le temps qui lui reste »

Michalik croit dans la vertu créatrice de la parole, et dans le pouvoir libérateur du théâtre. Avec un plateau sans esbroufe mais plein d’intelligence, des acteurs vifs et talentueux, beaucoup d’idées, un sens du ludique, le goût des histoires, beaucoup d’humanité… et par dessus tout, un grand amour de l’art dramatique, il fait s’effacer les murs, personnages et spectateurs d’un même élan s’évadent, et tous auront au cœur une lumière plus chaude, qu’elle soit d’un rayon de soleil, ou d’un projecteur de théâtre…

INTRA MUROS
À La Pépinière Théâtre, octobre 2017
Texte et mise en scène Alexis Michalik
Avec Jeanne Arenes, Bernard Blancan, Alice de Lencquesaing, Paul Jeanson, Faycal Safi
et le musicien Raphaël Charpentier

photos : © Alejandro Guerrero


Réalisation Quentin Defalt

Swann s’inclina poliment : vie et mort d’un amour

La soirée de Madame Verdurin n’attendait que nous pour battre son plein. Les convives habituels sont déjà là, le peintre Elstir, artiste et drôle, si drôle ! à qui Madame Verdurin requiert à intervalles réguliers une des ses plaisanteries si amusantes ! ; Odette de Crécy, pas tout à fait une cocotte, celle à qui Madame Vedurin rappellera plus tard qu’elle vient d’un bordel de Nice, mais pas non plus une femme du monde, et pourtant une beauté qu’on a plaisir à montrer à sa table ; les deux musiciens aussi sont là, un piano, un thérémine, des guitares attendent leur tour. Des chants d’oiseaux guillerets s’entrelacent à des notes électroniques sourdes, déjà inquiétantes. Des orchidées et les oiseaux empaillés mêlent à cet univers sonore leur joliesse et leur étrangeté pour renforcer le trouble naissant.
Et nous, le public en bloc, nous sommes Charles Swann, richissime fils d’industriel, CSP ++++++, chasseur de plaisir, beau parleur, dont on recherche la présence dans les salons en vue.
 

Swann s'inclina poliment © Alex Nollet @ Alex Nollet

Nicolas Kerszenbaum, adaptateur et metteur en scène, auteur qui aime se coltiner au réel, propose ici une variation pour notre temps autour d’Un amour de Swann de Marcel Proust, autant merveilleuse peinture de la jalousie et du sentiment amoureux que description précise d’ascensions sociales, qui ne sont le fruit que de volontés et d’instincts individuels.
Dans un langage dramaturgique bien d’aujourd’hui, alternent scènes jouées, chansons, voix off, narration au micro. Le récit et le jeu s’entrelacent ; de même les temps se tressent subtilement, du temps du texte au temps du spectacle, intimement mêlés pour inventer un espace qui contient aussi bien le siècle (et les mots) de Proust que le nôtre (et les nôtres). Le décor est chic, moderne : une stylisation tout autant d’une manière de penser la représentation théâtrale que d’une certaine esthétique des élites. Des fourrures, des cols emplumés, apporteront avec eux une ombre d’animalité dans cet univers quasi technologique. Les conversations futiles crépiteront au son des notes de Satie, des moments gracieux naîtront du silence quand les bavardages s’éteindront et les visages se refermeront sur leurs vérités.

Tu entends cette musique, Swann, tu nous regardes et tu nous trouves un peu bêtes,
mais tu entends cette musique et tu renoues avec le désir.

Le portrait d’une société se dévoile, sur le mode de la farce cruelle. Des fioritures parfois parasitent la lecture d’une scène, un couplet de trop fait paraître une chanson moins percutante que les autres, menus écueils qui n’enlèvent rien à l’acuité du regard ! Pourtant, si les rapports de classe, les ambitions, les transfuges sont observés et dépeints avec une pertinente vivacité, c’est dans les affaires du cœur que Swann s’inclina poliment touche au plus juste. Le besoin d’amour taraude tous les protagonistes, vital comme la faim – avidité de se sentir exister aux yeux des autres, besoin de reconnaissance, d’admiration ou d’affection, besoin d’un amour à éprouver aussi, pour sentir la vibration, la pulsation de la vie battre plus fort. Et le revers de la médaille de ces désirs : les hypocrisies des charmeurs, la jalousie des possessifs, la dureté de qui est aimé sans être ému…
 
Swann s'inclina poliment © Alex Nollet @ Alex Nollet
 
Les trois acteurs jouent et chantent avec une belle énergie qui n’étouffe pas pour autant leur sensibilité ; avec générosité et justesse, ils s’amusent de leurs personnages mais savent s’abandonner, mettre à nu leurs failles. Sabrina Baldassarra, fantasque et vorace Madame Verdurin, visage mobile, présence lumineuse ; Thomas Laroppe (en alternance avec Gautier Boxebeld), volubile Elstir en guise d’ironique narrateur, puis Swann éperdu ; Marik Renner – étonnante Odette – en particulier laissera en souvenirs tenaces une scène où sa présence fragile et vénéneuse s’impose, masquée/dévoilée par sa silhouette dénudée perchée sur des escarpins, une autre scène, plus tard, où d’un éclat de rire sec elle brisera net un amour.
 
Ainsi va la vie, ainsi va le monde, à la Belle Epoque comme aujourd’hui, on rêve toujours d’autre chose, « c’est comme dans votre jeu : on cherche à survivre, alors on survit, alors on cherche à vivre, alors on vit, alors on cherche la richesse, on cherche la reconnaissance, alors on cherche une petite maison à Malbec ou sur l’île de Ré, pour posséder une simplicité qu’on peut enfin goûter. » ; ainsi va la vie, ainsi va le monde, à la Belle Epoque comme aujourd’hui, les cœurs se lient dans des soupirs émus et se déchirent dans d’âpres et mesquines jalousies… Swann s’inclina poliment, requiem en mode mineur pour des illusions perdues…
 

SWANN S’INCLINA POLIMENT
À l’affiche du Théâtre de Belleville jusqu’au 3 décembre 2017
D’après Marcel Proust
Adaptation et mise en scène Nicolas Kerszenbaum
Avec Sabrina Baldassarra, Marik Renner et (en alternance) Gautier Boxebeld ou Thomas Laroppe
Conception musicale Guillaume Léglise
Musiciens sur scène Guillaume Léglise et Jérôme Castel

 

Cellule grise

Jean Genet écrit cette pièce en prison en 1942. Il ne cessera de la remanier jusqu’à sa mort…
Les trois protagonistes ont l’âge qu’il avait lorsqu’il l’a composée, une vingtaine d’années. Peut-être ne la trouvait-il pas assez aboutie ? Cédric Gourmelon a relevé le défi et l’a montée cette saison avec quatre comédiens du Français au Studio-Théâtre.
Dans une cellule, trois jeunes prisonniers se disputent au sujet de l’épouse de l’un deux : Yeux verts (Sébastien Pouderoux) qui a tué une femme et va être exécuté. Les deux autres sont emprisonnés pour des délits mineurs. Seul Yeux Verts a tué, ce qui lui confère une aura : il est d’autant plus intéressant qu’il va mourir. Les deux autres le respectent et lui demandent de raconter encore et encore comment il a commis son crime. Yeux verts condamné à mort est un héros.

Il est fort, costaud et le jeune Maurice (Christophe Montenez) l’admire ; Lefranc (Jérémy Lopez) également. Mais ce dernier est aussi amoureux de sa femme, à qui il écrit des lettres (Yeux Verts est analphabète ). Yeux Verts a d’ailleurs une confiance toute relative en Lefranc. En prison, il est une vedette, au même titre que Boule de Neige dont on parle beaucoup mais qu’on ne voit jamais. Lefranc envie tant Yeux Verts que pour le rejoindre et partager son sort – la mort – il étrangle Maurice. Les acteurs interprètent avec brio ces personnages de désespérés, « suicidaires ». Yeux Verts se fait une gloire  d’avoir tué. Dans cet enfer carcéral, Lefranc veut, à l’instar de Yeux Verts se sauver en s’anéantissant. Son crime est gratuit. Le crime et la trahison sont exaltés. Il n’y a aucune morale. Seulement du désespoir. L’écriture de Genet est sans concession.

Les acteurs sont tous les quatre parfaits dans les rôles respectifs de ces voyous provocateurs. Ni regret ni remords pour Yeux Verts, exaltation pour Lefranc, admiration mêlée d’angoisse pour Maurice. Seul le gardien (Pierre-Louis Calixte) manifeste de l’empathie. Les acteurs suggèrent très bien à la fois la quête d’identité, la recherche voire la sublimation de la mort et l’intérêt plus ou moins grand pour la femme d’Yeux Verts. Maurice se sacrifie en quelque sorte et semble accepter que Lefranc le tue pour devenir l’égal d’Yeux Verts. La mise en scène est en phase avec ce texte dénué de véritable tristesse et de regret, rempli de haine et de révolte froide. L’absence totale de décor renforce cette impression. Cette pièce de Jean Genet n’a pas été jouée souvent ; c’est pourquoi il faut remercier Cédric Gourmelon d’avoir tenté et réussi cette expérience avec ces quatre immenses comédiens.

Marie-Christine Fasquelle

HAUTE SURVEILLANCE
À l’affiche du Studio-Théâtre de la Comédie-Française du 16 septembre au 29 octobre 2017 (mercredi au dimanche 18h30)
Texte : Jean Genêt
Mise en scène : Cédric Gourmelon
Avec : Pierre-Louis Calixte, Jérémy Lopez, Christophe Montenez, Sébastien Pouderoux,

 

Carmen : la fabuleuse héroïne de Lucie Digout

Du linge qui pend du ciel, une table nappée de plastique fleuri. Carmen a huit ans. Elle nous raconte l’un de ses souvenirs d’enfance. Celui du jour où elle a cessé de tutoyer sa mère. Ce jour où elle a compris que le père qu’elle attendait depuis sa naissance jamais jamais n’apparaîtrait.

Un goûter d’anniversaire avec ses deux amis d’enfance, Matis et Antoine. Carmen a neuf ans. Sa mère qui déboule avec le gâteau ne semble pas réellement dans son assiette. Carmen a besoin d’une mère mais la mère de Carmen est demeurée une toute petite fille.

Quelques années plus tard : jour du mariage de Carmen et Matis. Scandale à l’église. Carmen renonce, se révolte. Elle s’enfuit, disparait. Abandonnant brutalement toute son enfance.

Coup de foudre. Carmen a vingt ans. Elle part s’installer à Mexico avec son amant Diego. Devenue sa muse, elle partage sa vie et son atelier. Elle s’essaye à la peinture, y prend goût, se découvre du talent.

Carmen, Lucie Digout, Théâtre de belleville, Pianopanier@Avril Dunoyer 

“Carmen elle a un bal musette dans la tête, qu’est-ce qu’on y peut ?“

Mais tout à coup, la mère de Carmen débarque – une seule fois en cinq ans. Le passé ressurgit, son couple ne résistera pas à cette explosion de souvenirs- “Tu t’en vas? non je te quitte”.

New-York. Vernissage public. Journaliste et tutti quanti. La salle comble vient assister à l’exposition des oeuvres de Carmen, devenue artiste de renommée internationale. Carmen a trente ans et va se trouver une nouvelle fois confrontée aux fantômes de son passé.

Au gré des flashbacks et des airs de Bizet, c’est toute une (courte) vie qui défile sous nos yeux. Une vie de femme libre, révoltée, entière, passionnée. Carmen est une véritable héroïne de roman.

Carmen, Lucie Digout, Théâtre de belleville, Pianopanier

“Quand je serai grande, j’épouserai une nouvelle mythologie”.

L’écriture de Lucie Digout est précise, juste, soignée. Une écriture qui va droit au but et nous arrive en plein coeur. Carmen nous touche parce qu’elle nous est familière. Elle nous émeut parce qu’elle est reliée à sa mère et à sa grand-mère. Les scènes s’entremêlent, les générations s’entrechoquent, construisant peu à peu un personnage dont les blessures sont autant de mises en relief. On s’attache à Carmen tant sa vitalité est contagieuse. Éprise de liberté, elle nous embarque où bon lui semble.

Pour camper une telle figure de roman, il fallait toute la fougue, la flamme, l’exaltation, l’effervescence de la jeune Jade Fortineau. Incandescente, elle illumine le plateau et traverse avec brio les années qui séparent la petite fille de la célèbre artiste.
Cinq autres comédiens, dont l’auteure metteure en scène Lucie Digout se répartissent la galerie de personnages qui croisera le chemin de Carmen. Tous sont formidables, sans doute portés par leur propre histoire commune – ils se connaissent bien, très bien, ayant étudié ensemble au Conservatoire. L’alchimie fonctionne à merveille. À eux six, ils nous racontent une de ces histoires qui nous font voyager loin, très loin. Une de ces fables qui nous donnent envie de continuer à suivre longtemps, très longtemps Lucie Digout et sa bande…

CARMEN
À l’affiche du Théâtre de Belleville du 11 au 22 octobre 2017 (mercredi au samedi 19h15, dimanche 15h)
Texte et mise en scène : Lucie Digout
Avec : Lucie Digout, Jade Fortineau, Julie Julien, Maxime Le Gac-Olanié, Charles Van de Vyver et (en alternance) Emmanuel Besnault et Solal Forte

La main de Leïla : théâtre merveilleux

Comment? Vous ne connaissez pas encore le “Haram cinéma”? Vous ne connaissez pas le cinéma le plus illégal de toute l’Algérie? L’Algérie des baisers censurés par la morale, des amours bannies par la religion, des indignations punies par l’ordre politique? Dans ce cas, venez écouter l’histoire de Samir et Leila. Le récit de leur liaison interdite, dans cette Algérie de la pénurie organisée pour tarir la révolte de la jeunesse.

Aïda Asghardzadeh d’origine iranienne et Kamel Isker d’origine kabyle ont écrit cette pièce avec poésie et passion. Aux côtés du très charismatique et malicieux Azize Kabouche, ils en sont aussi les héros sur scène, transcendés par l’intensité d’une histoire qu’ils vivent dans leur chair, qu’ils nous content avec fougue, humour, gravité… Laissez vous transporter par leurs regards embués de la sueur et des larmes de leurs propres émotions.

La main de Leïla, Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Régis Vallée, Théâtre des Béliers, Festival Avignon, Pianopanier

Les deux co-auteurs et acteurs ont eu l’étincelle géniale de faire appel à Regis Vallée pour une mise en scène lumineuse et créative. Quelle gentillesse, quelle émotion, quelle sensibilité et quel talent ! Tous les quatre ont travaillé, créé, sans rien laisser au hasard, sauf l’essentiel : la magie d’une rencontre avec le public.

La mise en scène est captivante, chaleureuse, poétique. Elle magnifie une pure tragédie, façon “Roméo et Juliette moderne, bien de chez nous”. Les accessoires scéniques se métamorphosent et dévoilent les secrets de l’histoire qui s’égrène, ils nous surprennent, tels des poupées russes aux multiples visages. Les caisses de bouteilles en plastique forment un décor d’épicerie, un banc, une table à repasser puis se muent en un instant en barricades de la révolte. Le frère de Leïla porte une veste de survêtement rouge et lorsque l’on comprend que les balles l’ont frappé, son père n’a plus qu’à enfiler la veste rouge sur les bras et à se retourner pour pleurer son fils qui s’éteint contre lui… magnifique moment de théâtre.

La main de Leïla, Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Régis Vallée, Théâtre des Béliers, Festival Avignon, Pianopanier@Lisa Lesourd 

“On est peut-être en train de changer l’Algérie pour de vrai ; c’est maintenant que tu peux te faire entendre”.

L’eau est rationnée et rythme un quotidien de privations dans lequel l’amour et l’envie d’ailleurs sont les seules sources d’espoir. Quand cette eau rejaillit enfin, elle devient la métaphore d’un ultime souffle de vie dans lequel nous plongeons, sans bouteilles, avec nos trois sublimes acteurs. Sous l’eau, sans eau, c’est avec l’audace de leurs baisers que nous respirons, jusqu’à l’épilogue.

Dans cet “espace vide” et de rêves qu’est le théâtre, Peter Brook avait déjà identifié et défini des théâtres bien différents. Le théâtre qui nous émeut, celui qui nous rassure, nous révolte, nous ennuie… le “théâtre bourgeois”, le “théâtre rasoir”. Il faudrait y ajouter celui du théâtre merveilleux, celui de “La main de Leïla”.

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=keoBJYmVPDE]

LA MAIN DE LEILA
À l’affiche du Théâtre des Béliers Parisiens du 23 septembre au 31 décembre 2017 (mercredi au samedi 19h, dimanche 15h)
Un spectacle de : Aïda Asghardzadeh et Kamel Isker
Mise en scène : Régis Vallée
Avec : Aïda Asghardzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche

F(L)AMMES, la jeunesse incandescente

Une immense image mouvante d’écume de mer se fait mur de fond murmurant et remuant, tandis qu’en voix off des femmes partagent la confidence de « l’endroit où elles se sentent le mieux ». Voix gaies, rieuses ou plus graves, elles nous emmènent dans leur voiture – « ma bulle » – , à la médiathèque, dans des bras rassurants, dans le paysage lointain et magnifique d’un souvenir de voyage…
« Ce spectacle n’est pas un documentaire, ni une pièce cherchant à représenter la vie réelle, c’est un poème-lettre d’amour fait de chair et de mots où la singularité de chacune s’ouvre sur l’universelle condition humaine » : Ahmed Madani continue avec F(l)ammes son exploration de la jeunesse d’aujourd’hui, celle née de parents immigrés, la première génération de la lignée à être née française. En 2012, il nous embarquait avec Illumination(s) dans la saga familiale de neuf jeunes hommes d’un quartier populaire, mêlant passé et présent sur trois générations en un vivifiant récit choral. Ici, il a constitué un groupe de dix jeunes femmes pour explorer leurs identités multiples, leur intimité, écouter leurs doutes, donner la parole à leurs peurs et leurs envies.
Neuf chaises sont alignées en fond de scène, un micro attend à l’avant-scène son oratrice… Tour à tour elles viendront, porteuses de lourds ou légers secrets.
Ludivine Bah, longiligne, le visage aux pommettes hautes, l’articulation nette, convoque Claude Levi-Strauss pour ramener aux mémoires les qualificatifs de « barbares », de « sauvages » que les civilisations ont depuis bien longtemps accolés aux civilisations qui leur étaient étrangères, et pour en réveiller le sens originel. Le barbare, le sauvage, c’est l’homme de la nature, littéralement de la forêt – « le béton, le goudron ne peuvent rien contre la forêt qui est en nous »…
L’écume de mer sera bientôt remplacée par un sous-bois, où une jeune femme voilée s’avance, où une autre invente une danse, une forêt sans menace, claire et ouverte.

F(L)AMMES, théâtre des Halles, Ahmed Madani, Pianopanier

Les jeunes femmes se font les interprètes de leur génération ; elles ont à peine 20 ans ou presque 30, leurs parents viennent de Guadeloupe, Haïti, Algérie, Côte d’Ivoire ; elles vivent à Montreuil, Boulogne-Billancourt, Garges-lès-Gonesse… Elles revendiquent leurs différences ou leur normalité… L’une ou l’autre témoignent de la sensation d’être « transfuge », Anyssa par exemple se dit « caméléon », d’une éducation à l’autre, d’une langue à l’autre ; Laurène, elle, assume d’avoir « choisi d’être différente de (sa) différence » – Laurène Dulymbois, de parents guadeloupéens, sweet lolita en froufrous noirs, se reliant au sous-groupe de kawaï melani, fille kaléidoscope aux cheveux roses et bleus… Elles ont le crâne rasé, les cheveux couverts d’un voile, la tête crépue, bouclée, frisée, la chevelure longue, lisse, courte, emperruquée – et c’est loin d’être anodin, tignasse revendicative ou domptée, cheveu-symbole : autant de filles, autant d’histoires, de personnalités, de parcours, de constructions. Avec générosité, sincérité, sensibilité, elles offrent, guidées par l’écriture et la mise en scène sobre et directe d’Ahmed Madani, des bribes de leurs vies, de leurs interrogations et de leurs espoirs. On parle peu de racisme, d’exclusion, sans taire les difficultés que cela peut apporter dans la société, dans le monde du travail, de s’appeler Yasmina plutôt que Prune, mais plutôt de leurs parcours, de leur construction, de l’élaboration de leur identité – être la jeunesse dans un pays et une culture qui ne sont pas ceux de leurs parents.

F(L)AMMES, théâtre des Halles, Ahmed Madani, Pianopanier

Transmission, héritage, rupture, affrontements, identités… Ça passe par les mots, le récit ; par les images vidéo parfois qui apportent un autre angle, ou une échappée ; mais aussi, avec une grande intelligence, par de beaux moments collectifs. En contrepoint aux témoignages individuels, énoncés en grande partie au micro à l’avant-scène, la danse va les réunir. Une belle chorégraphie fait renaître les gestes d’une grand-mère aimée préparant la marjouba, « la dernière façon de préparer la pâte, la dernière façon de couper les poivrons », une chorégraphie empreinte de la mélancolie des souvenir de ces moments de tendresse familiale où l’on cuisinait ensemble, autant que de la joie de les ranimer. Mais aussi un échauffement de karaté musclé, une fête libératoire sur des rythmes électroniques – autant d’exultations partagées !
Ces jeunes femmes sont reliées par leur âge, par des interrogations ou des difficultés communes, certaines reconnaissent dans les autres leurs rêves ou leurs préoccupations ; mais aussi ce sont dix personnalités irréductibles, elles ont de la fougue et de la force, chacune à leur façon. Elles sont ensemble, chacune, des pièces sensibles, disparates et cohérentes de ce portrait d’une génération d’aujourd’hui. Beau cadeau que cette parole tonique, vivante qu’Ahmed Madani et ces dix actrices nous offrent !

F(L)AMMES
De nouveau l’affiche de la Maison des Métallos du 17 octobre au 29 novembre 2017, puis au théâtre de la Tempête du 16 novembre au 17 décembre 2017
Texte et mise en scène : Ahmed Madani
Avec : Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N’Diaye et Inès Zahoré

Love love love

Silence. Noir. Soudain, un cercle de lumière. Au centre, un homme grand, svelte, immobile. Hillel Kogan, juif, professeur, chorégraphe, conférencier, bute sur la surface. Il peine à danser. L’espace le gêne, lui résiste, se rebiffe, se cabre. Et s’il se trouvait empêché par un autre territoire ? Celui de l’Autre ?

Tout à coup, sans crier gare, sans même qu’on l’ait vu arriver, l’Autre est là. Adi Boutrous l’Arabe fait face à Hillel Kogan le Juif et la danse peut démarrer. Première partie : le mur. Un mur métaphorique qui se construit dans les corps enchevêtrés de ces deux-là. Ça sent l’amour sur le plateau – un plateau aussi nu et désert que le décor évoqué par Hillel scénographe – “on prépare une pièce qui va durer trois jours dans le désert, Adi”.

We love Arabs, Hillel Kogan, Adi Boutrous, Pianopanier, Théâtre du Rond-Point@Gagi Dagon 

“Tu comprends l’identité, Adi?“

Adi n’est pas très bavard. Il est aussi mutique, perplexe, dubitatif que son alter ego est exubérant et prolixe. Ensemble, ils forment le ying et le yang, à l’image de leur posture “identiques mais à l’envers” dans laquelle Adi se retrouve à faire le poirier à côté d’Hillel. On rit beaucoup, d’abord parce la confrontation entre ces deux personnages aussi opposés est irrésistible. Il y a une forme d’autodérision dans ce spectacle : Adi se moque ouvertement d’Hillel et nous avec lui.

Quelques passages sont jubilatoires, à l’image de ces chorégraphies d’objets tellement cocasses : la danse du couteau et de la fourchette, la danse du houmous… Lorsque Hillel décide de dessiner une étoile de David sur son tee-shirt et un croissant islamique sur le front d’Adi – “comme ça, ils comprennent”, dit-il en évoquant le public – on pourrait se sentir mal à l’aise, si Adi ne jetait pas d’un ton mi-blasé mi-amusé : “mais je suis chrétien”. Tout le spectacle est construit sur cette ironie furieusement salvatrice.

We love Arabs, Hillel Kogan, Adi Boutrous, Pianopanier, Théâtre du Rond-Point

“Je n’ai jamais rêvé que la danse puisse changer le monde, mais j’ai rêvé que les êtres humains puissent eux-mêmes le changer”.

Découvert en 2016 au Festival Off d’Avignon, We love Arabs a déjà une belle carrière derrière lui et va poursuivre une tournée bien méritée. Il ne faudra pas louper Adi et Hillel, il faudra s’y ruer. Parce que ce spectacle, c’est cinquante-cinq minutes de bonheur. Cinquante-cinq minutes de paix. Cinquante-cinq minutes d’amour. Brut. Charnel. Comme une évidence. Une nécessité. Cinquante-cinq minutes de love, love, love.

WE LOVE ARABS
À l’affiche du Théâtre du Rond-Point  du 12 septembre au 8 octobre 2017 (18h30)
Texte et chorégraphie : Hillel Kogan
Avec : Adi Boutrous et Hillel Kogan

De Pékin à Lampedusa

Un génie a dû frotter intensément la corne de l’Afrique, en faire sortir Malyka R. Johany pour qu’elle enchante les sables de ses pays brûlants. Et puis le génie lui a demandé d’interpréter la vie de Saamiya Yusuf Omar au creux des pierres du théâtre Essaion, et lui offrir un écrin d’éternité.

Saamiya Yuzuf Omar est née en 1991, l’année où la guerre civile éclate en Somalie et lui arrache son père. L’enfant meurtrie découvre les horreurs de la guerre et la folie des hommes, ceux dont les dents blanches luisent de cette fierté glaçante, décérébrée et imbibée d’alcool, assassinant au nom d’un Dieu qui a dû renier la sienne et préfère regarder ailleurs.

Saamiya est une adolescente portée par la passion de courir, “courir comme une gazelle que les lions ne pourront jamais rattraper”. Elle réussira à intégrer l’équipe qui représentera la Somalie aux JO de Pékin et à courir les qualifications pour le 200M. Son chronomètre importe peu, sa performance est ailleurs, sa victoire est d’être là, son rêve doit s’écrire à Londres en 2012.

e Pékin à Lampedusa, Gilbert Ponté, Théâtre Essaïon, Pianopanier@La Birba compagnie

Mais comment se préparer, en Somalie, “terre en lambeaux, où l’air est irrespirable”, où il est impossible d’exister en tant qu’athlète.

“Je n’étais qu’une femme!”

Alors elle part. Elle devient malgré elle le symbole de ces migrants qui risquent tout, animés du feu de l’obsession d’aller en occident. Partir ou mourir, risquer de mourir en partant, mais s’y risquer quand même, parce que rester c’est la mort, la mort assurée. Fuir l’enfer de la Somalie des Chebabs pour rejoindre un autre enfer, celui de l’exil qui lui prendra tout, son humanité et sa vie.

Saamiya s’était entraînée à courir, à endurer toutes les épreuves, à résister au pire… Pas à survivre, écrasée au fond d’une cale de bateau. Le médecin italien qui tentera en vain de la réanimer à Lampedusa, décrira un visage de madone. L’écriture de sa vie deviendra alors une nécessité.

Malyka R. Johany, seule en scène, nous emmène dans un périple intime avec une très touchante et authentique interprétation. Elle doit être un peu la réincarnation de Saamiya, enveloppée dans les drapés colorés de la Somalie, son bandeau blanc de sportive sur le front pour “retenir ses belles boucles brunes.”

Le texte de Gilbert Ponté est poignant et profond, sa mise en scène, toute en couleurs et en volute, est parfumée de chants d’ailleurs. Intenses moments de théâtre et d’espace vide, remplis des émotions des voyages intérieurs.

“De Pékin à Lampedusa” est une histoire de passion hors norme, une tragédie moderne. C’est aussi un magnifique message d’humanité et de courage face au mépris de l’Europe et à son égoïsme amnésique. “On n’est jamais préparé à la souffrance”, et tant qu’on ne l’a pas vécue, on ne sait pas ce qu’elle est.

De Pékin à Lampedusa, Gilbert Ponté, Théâtre Essaïon, Pianopanier

DE PEKIN A LAMPEDUSA
À l’affiche de l’Espace Saint-Martial du 6 au 29 juillet 2018, 12h50 (relâche les 11, 18 et 25 juillet)
Texte et mise en scène : Gilbert Ponté
Avec : Malyka R. Johany

Littoral, de Wajdi Mouawad

Le texte intense de Wajdi Mouawad issu de sa quadrilogie (dont le fameux INCENDIES porté au cinéma par Denis Villeneuve) est servi par une mise en scène brillante qui révèle toutes les facettes drôles et graves de ce voyage initiatique. Un plongeon les yeux grand ouverts dans un monde où le réel se mêle aux rêves. Une invitation à devenir le complice rieur, inquiet et ému d’un jeune homme qui cherche un lieu pour enterrer son père et garder sa mémoire dans ces “pays de déserts et de soleils”, où il n’y a “ni pierre ni statue pour graver les noms des morts”.

LITTORAL est une très belle réussite pour une pure création jouée pour ses premières fois à Avignon cette année.

“La mort n’est pas une mince chose, la vie non plus”.

Très prometteur. Attention talents !

Littoral, une pièce de Wajdi Mouawad mise en scène Stéphanie Dussine, Compagnie Esbaudie, festival Off d'Avignon 2017

LITTORAL Compagnie Esbaudie
Auteur : Wajdi Mouawad
Mise en scène : Stéphanie Dussine
Avec : Maxime Berdougo, Geoffrey Couët, Fabrice Delorme, Anne-Laure Denoyel, Stéphanie Dussine, Olivier Hamel, Thibaud Lemoine, Sébastien Ventura

Espace Saint-Martial 16h45