Le Jardin d’Alphonse : Kramer contre Kramer

« Le Jardin d’Alphonse » est une pièce délicieuse, qui parle de la famille et de ses affres et qui est à voir en famille. Outre l’histoire qui nous emmène en Bretagne après la crémation de l’aïeul, Didier Caron, l’auteur, évoque les sujets qui lui sont chers comme à l’accoutumée : la religion, la foi, la transmission et le mensonge.

Avec 9 comédiens sur scène, cette pièce renoue avec l’esprit de troupe et l’on saluera l’effort du Théâtre Michel de se risquer à monter une pièce avec autant de comédiens quand on sait l’investissement que cela engendre.

Très vite, la torpeur de l’après crématorium est remplacée par une électricité communicative, qui va faire péter les plombs à chacun, où les retrouvailles exacerbent des rancunes et font naître des règlements de compte. Tout démarre avec la fille, Sandrine Le Berre, présente avec sa petite amie, Gaëlle Lebert. Dès le début, cette dernière nous annonce par voie de pendule et de communication avec l’arbre centenaire du jardin du mort, que de mauvaises ondes circulent ici et que des choses terribles s’y sont produites. La fille en veut à son père, Michel Féder, de ne pas avoir joué son rôle de père, mais dès lors, les secrets se révèlent enfouis depuis bien longtemps. Et cette étincelle de haine et de rancœur ne sera plus jugulée et passera d’un membre à l’autre du duel au truel.

C’est souvent dans ces moments de désarroi qu’explosent les ressentiments, que les mots dépassent la pensée et qu’on découvre des secrets et également la joie des réconciliations. Et on est servi par l’avalanche de conflits ouverts, de départs et de retours, de trahisons, d’accusations et d’explications.

On pourra reprocher à la structure de la pièce d’emboîter les conflits de manière un peu trop systématique, on aurait apprécié un tressage ménageant des vitesses et des lenteurs, et on pourra reprocher à l’auteur, Didier Caron, de ne pas y aller de main morte dans l’afflux de répliques acerbes, mais, d’un autre côté, ceci est fait pour le plus grand plaisir des spectateurs qui de se gausser passent carrément à l’éclat de rire incontrôlable.

Karina Marimon, dans le rôle de « Suzanne », excelle dans son profil de bourgeoise juive séfarade fustigée par les récriminations de son mari.

Et pour finir, on pourra regretter que tous les personnages soient sauvés sauf un, qui d’une certaine manière, portera le fardeau de tous.

Un spectacle drôle, efficace et réussi, à voir en famille.

Le Jardin d’Alphonse
Une pièce écrite et mise en scène par Didier Caron
Avec Julia Dorval, Sandrine Le Berre, Gaëlle Lebert, Michel Feder, Jérémy Malaveau, Didier Caron, Karina Marimon, Christiane Ludot, Romain Fleury

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Jamais seul : grandeur des petits

C’est parce que les critiques de théâtre contemporain lui reprochent sa longueur, parfois son écriture, son manque de rythme… qu’on a envie de vous parler de Jamais Seul.

Au contraire, on n’a pas vu passer les 3h30 !! Et quand il y a de rares scènes où les minutes se font sentir, c’est pour mieux nous rappeler la langueur et la déprimante vie des laissés pour compte. Ce sont eux le sujet de la pièce : les petites gens des zones pavillonnaires fantômes, les abonnés à Pôle Emploi, les migrants, les migrés, les immigrés, les sdf, les simplets, les simplettes, les simples, les vrais gens qui existent pour de vrai.

Jamais Seul, de Mohamed Rouabhi, mise en scène Patrick Pineau, coup de coeur Pianopanier@Eric Miranda

Les comédiens sont touchants de vérité. Ils sont 15 à interpréter 40 personnages. Le temps de ces 3h30, on a copiné avec chacun d’entre eux et chacune d’entre elles : au groupe de parole des sans-emploi, sur un canapé de HLM, en poussant un caddie de supermarché hard-discount, sur un quai de RER, en traversant un no man’s land au pied des barres de la cité, sur la table en Formica de la cuisine familiale, dans un jardin mal entretenu, dans l’ombre d’un garage ou à la lumière d’un téléviseur.

La mise en scène de Patrick Pineau est efficace. Elle ne laisse pas de place à autre chose que l’idée. Pourtant dans son efficacité elle n’est pas mécanique. Il y a un aiguillage sophistiqué qui permet au spectateur de se mettre automatiquement à la bonne fréquence dans cette succession de rencontres en des lieux variés : sans effort on devient l’intime d’un groupe de parole, le membre d’une équipe de foot alpaguée par son coach, le copain de boisson, le paumé fasciné par les révélations d’un prophète, l’ami impuissant face à un geste fatal, l’accoucheur qui tient un bébé mort, le fan d’Eric Cantona même si on n’a jamais aimé le foot… c’est magique !

amais Seul, de Mohamed Rouabhi, mise en scène Patrick Pineau, coup de coeur Pianopanier

Les décors, l’utilisation du hors-scène, la vidéo, la musique, la lumière, viennent parfaire cette fresque politico-sociétale. Ils viennent souligner et mâcher le texte de Mohamed Rouabhi. On a aimé ces mots, d’une simplicité apparente, mais ô combien efficaces dans leur révolte, leur misère, leur poésie et leur espérance. Ces héros populaires peuvent être taiseux, mais quand ils parlent, c’est pour vous dire 3 choses en même temps. Il y a la réalité de leur situation, les raisons de leur désespoir, et les lueurs de leur espérance.  On ne peut rester insensibles à ces facettes que Patrick Pineau voulait mettre en relief. Les gens même les plus simples et les plus insignifiants sont moins seuls que nous.

Enfin, gros coup de foudre pour le personnage d’Emilie la simplette, ou même la folle… mais tellement en prise avec la réalité. Elise Lhomeau l’incarne avec splendeur et nous montre des étoiles qu’on ne regardera plus jamais de la même façon. Valentino Sylva en Jimmy comme en clown nous élève lui aussi ! On ne veut pas redescendre de l’orbite céleste sur laquelle ces gens si simples nous ont envoyés. Les pieds liés et les mains dans la merde, ces personnages de la vraie misère nous touchent par tous les sentiments déployés en nous. Le rire jaune convoque la légèreté, la haine la poésie, le réalisme le rêve, et la peur l’espérance.

On a envie de les inviter à bouffer chez soi ces anonymes, juste pour les écouter, et être moins seul !

Géraldine Vasse

 

Texte : Mohamed Rouabhi
Mise en scène : Patrick Pineau –  Cie Pipo
Avec : Birane Ba, Nacima Bekhtaoui, Nicolas Bonnefoy, François Caron, Morgane Fourcault, Marc Jeancourt, Aline Le Berre, Elise Lhomeau, Nina Nkundwa, Fabien Orcier, Sylvie Orcier, Patrick Pineau en alternance avec Christophe Vandevelde, Mohamed Rouabhi, Valentino Sylva, Selim Zahrani

La Pluie d’été

Il y a des soirs comme ça où on se fait cueillir délicatement par l’émotion d’un spectacle inattendu qui vous attire là, par une sorte de hasard magnétique. Ernesto a entre douze et vingt ans. “Il ne retournera pas à l’école parce qu’à l’école on lui apprend des choses qu’il ne sait pas… et qui ne valent pas la peine.” Le conte de Marguerite Duras écrit en trois étapes, une histoire pour enfants, un film et un roman, résonne comme une œuvre testamentaire.

La Pluie d'été, d'après Marguerite Duras, Compagnie Pavillon 33@Flore Prebay

Au théâtre, “la créativité ne peut naître que dans le calme et la confiance” confie Peter Brook. Sylvain Gaudu a peut-être entendu ses conseils pour réussir avec “La pluie d’été” une mise en scène et une direction d’acteurs toute en complicité et en sensibilité. Son regard sur l’œuvre de Marguerite Duras respire la passion. Le petit coup de baguette magique de la compagnie Pavillon 33 donne naissance à des poupées russes bienveillantes, se vivifiant du regard de l’autre et se donnant la main pour mieux veiller les unes sur les autres. Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir-là sur scène, j’ai vu la silhouette réjouissante de Forrest Gump, j’ai vu l’esthétisme brut d’une scénographie qui m’a rappelé celle de Julie Deliquet et de son inoubliable “Vania”.

La Pluie d'été, d'après Marguerite Duras, Compagnie Pavillon 33, coup de coeur Pianopanier

J’ai aussi aperçu l’ombre de Nietzsche planer au-dessus du plateau. Lui et Ernesto doivent bien se comprendre. La quête de Dieu étant inutile, puisqu’elle entrave toute remise en question et empêche de regarder ailleurs, il ne reste plus qu’à se détourner de l’imposture imposée par l’humanité et à danser dans le miracle de l’instant. Danser et chanter dans le miracle de l’instant pour vitaliser sa réalité, se laisser porter par la magie d’un “A la claire fontaine” cristallin qui se glisse sous notre épiderme de spectateur frissonnant et conquis. L’interprétation des six acteurs est simple, troublante d’authenticité et d’émotion. Leur complicité est belle à regarder. Ils se sont bien trouvés. On comprend pourquoi le jury du 8ème festival de Nanterre leur a décerné son Grand Prix en 2017.

Jean-Philippe Renaud

 

LA PLUIE D’ETE de la Compagnie Le Pavillon 33
D’après Marguerite Duras
Mise en scène : Sylvain Gaudu
Avec Simon Copin, Antoine Gautier, Morgane Hélie, Pierre Ophele Bonicel, Anne-Céline Trambouze, Jérémy Vliegen

 

Emportés par la Tempête !

Quelle merveilleuse surprise ! Alors que la critique « autorisée » se déchaîne contre La Tempête mise en scène par Robert Carsen, le public semble hypnotisé par la troupe de la Comédie Française. Il faut dire que tout est beau dans ce spectacle, n’en déplaise à ceux qui s’auto-décernent des certificats de shakespearisme. Oui tout est beau, à commencer par le décor, une immense boite blanche figurant une sorte de néant, qui s’anime au gré de projections sublimes en noir et blanc, et d’ombres et lumières mystérieuses. C’est un écrin d’une pureté diaphane qui accueille un texte où tout est poésie et émotion. La traduction de Jean-Claude Carrière est ciselée, riche, bouleversante et drôle à la fois, comme doit l’être certainement le texte original de la dernière pièce de Shakespeare, qui raconte comment un homme abandonné et trahi de tous, mais doté de pouvoirs magiques, provoque un chaos qui va transformer l’ordre des choses.

La Tempête, William Shakespeare, Comédie-Française, Robert Carsen, coup de coeur Pianopanier@Christophe Raynaud de Lage

La machine Shakespearienne nous emporte dans cette tempête qui va charrier des amoureux magnifiques, des rois et des princes cruels, des ivrognes désopilants et des esprits démoniaques. Mais ce qui saisit le plus dans cette mise en scène brillante, c’est la part belle laissée aux comédiens français. On sait bien que ce sont tous de grands acteurs, mais dans ce spectacle ils sont tout simplement époustouflants, et ils portent le texte de Shakespeare au plus haut, avec une finesse et une grâce infinies. Après deux heures quarante qui passent à la vitesse du vent, le public fait un triomphe à cette troupe d’excellence dont l’engagement est total, et on peut lire sur le visage de ces artistes prodigieux le bonheur qu’ils ont eu à nous servir le texte mythique du grand Shakespeare.

Timothée de Roux

La Tempête, William Shakespeare, Comédie-Française, Robert Carsen, coup de coeur Pianopanier

À l’affiche de La Comédie-Française – Salle Richelieu du 9 décembre 2017 au 21 mai 2018
Une pièce de William Shakespeare
Texte français : Jean-Claude Carrière
Mise en scène : Robert Carsen
Avec : Thierry Hancisse, Jérôme Pouly, Michel Vuillermoz, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Christophe Montenez et Benjamin Lavernhe

Orphée et Eurydice à bicyclette, la folle épopée de deux rêveurs

“Il ne faut pas croire exagérément au bonheur” Jean Anouilh, Eurydice. C’est peut-être ce qui a perdu Orphée en contemplant trop tôt son bonheur sur le chemin du retour des enfers.

La compagnie des Epis Noirs aime se confronter aux mythes. Cette fois-ci, Pierre Lericq revisite avec fantaisie et humour ce grand classique de la mythologie au travers de Bernard et Jeannine, deux artistes qui réinventent cette traversée des enfers. Cet intense périple se fait à vélo, en chansons, guitare à la main ou accordéon dans les bras. La course est sportive, les acteurs y sont débordant d’énergie et jonglent sur les mots qu’ils se lancent tantôt à la volée, tantôt par ricochet.

Saurez-vous vous laisser conquérir par le pouvoir de la poésie et du chant fantaisiste de Bernard et Jeannine ? Vous avez jusqu’au 10 février pour aller tenter l’aventure au théâtre du Lucernaire. A vos risques et périls, un voyage ne laisse que rarement indifférent.

Moralité : regarder devant, se réinventer, imaginer, courir souvent, aimer toujours et être joyeux, très joyeux.

Anne-Céline Trambouze

ORPHÉE ET EURYDICE À BICYCLETTE à redécouvrir sous son nouveau nom : Sauver le monde ! ou les apparences…
Au Théâtre Buffon du 6 au 29 juillet 2018 à 18h10
Mise en scène Manon Andersen
Avec Marie Réache et Pierre Lericq
crédit photo: Micky Clément

 Night and Day : pailleté et étincelant

Dorothy Parker était une femme de lettres, nouvelliste, poétesse et scénariste des plus grands (Hitchcock, Preminger) qui mena à New-York, pendant les années folles, une vie dissolue dans l’alcool, de soirées mondaines en corbeilles de théâtre. Elle écrivit des critiques théâtrales mordantes et jubilatoires. Elle fut sympathisante communiste et se retrouva sur la liste noire sous McCarthy puis fut oubliée.

Gaëlle Lebert s’en est emparée pour créer un spectacle contemporain fait de scènes fragmentaires côtoyant envoûtante musique originale de Jeff Cohen mêlée à des standards, de Count Basie à Jean-Sébastien Bach, pour composer une ambiance de nuits new-yorkaises ou tout simplement de nuits citadines.

Il s’agit de « Night and Day » même si le jour n’apparait qu’en filigrane pour mieux montrer la nuit. Sur ce spectacle règne la nuit et ses vies délurées. L’univers dans lequel les personnages évoluent est celui de la nuit avec son atemporalité, ses trous de mémoire, sa folie et ses scènes de ménage.

C’est un récit de l’ellipse, à la chronologie incertaine, qui met en exergue les relations personnelles de Dorothy Parker, un récit parcellaire et fragmentaire, comme le serait l’esprit de Dorothy, où chaque personnage passe toujours à côté de son désir.

Côté jardin, on a un piano, avec Jeff Cohen et sa musique originale, déguisé en femme et maquillé à outrance, tantôt pianiste, tantôt barman, qui chante Dorothy Parker et ponctue les scènes que Dorothy Parker alias Gaëlle Lebert nous donne à voir.

Côté cour, on a un bar qui, comme les alcools qu’il accueille, Champagne et Whiskys, est un des personnages principaux de l’histoire que nous raconte Gaëlle Lebert, avec également la cigarette. Elle dira « Je ne suis pas un écrivain avec un problème d’alcool, je suis une alcoolique avec un problème d’écriture ».

A l’arrière-scène dresse un écran comme une porte géante, comme un paravent derrière lequel disparaît et réapparait Dorothy, avec ses apparats de nuit, ses robes étincelantes et pailletées. Sur cet écran seront diffusées des phrases tirées des œuvres de Dorothy Parker égrenant la pulsation de ses états d’âme.

On comprend peu à peu les liens qui unissent les personnages : Dorothy et son futur mari, Dorothy et un écrivain célèbre qui deviendra son second mari et qui reste pendant toute la pièce comme un homme idéal qu’elle voudrait atteindre, elle voudrait qui l’emporte ailleurs devisant avec lui « Je peux vous poser une question indiscrète ? » leitmotiv qui les unit, Dorothy et ses hommes de la nuit, tous joués par Gwendal Anglade, le charmeur.

A travers la nuit, des thèmes sont abordés : la fête, la création, le racisme, le féminisme, le communisme, à une époque où il ne faisait pas bon s’y acoquiner, qui montrent tantôt une Dorothy simple et écervelée, tantôt une penseuse désabusée, tantôt une midinette rêvant que sa vie change, toujours à la recherche désespérée de l’amour, but ultime inatteignable. Dorothy est définitivement anticonformiste et libre, libre surtout quand elle est simple et candide.

Gaëlle Lebert a beaucoup de dérision et d’ironie envers son personnage et elle nous communique beaucoup de ses failles, passant du rire aux larmes en un instant, d’un chant à une danse, à une nuit qui n’en finirait pas, malmenée comme une poupée de chiffon. Gaëlle Lebert et Dorothy Parker font, à bien des égards pendant ces 1h30 de spectacle, une seule et même femme, une seule et même voix, qui revendique dans l’enchevêtrement des paroles et des musiques.

On assiste parfois à des parodies dans lesquelles Gaëlle Lebert entraine son personnage comme l’« Happy birthday » chanté par Marilyn Monroe, où ces clins d’œil nous amusent et parlent au plus grand nombre.

De manière général, ce qui nous fait rire, ce n’est pas ce qui est raconté, qui serait plutôt terrible et désespéré, non, ce qui nous fait rire, ce sont les trouvailles de mise en scène : des chaussures sorties d’un frigo, le pianiste déguisé en femme fatale, des répliques pleines de candeur.

On a l’impression qu’à chaque instant Aïon et Kaïros se donnent la main pour accompagner Dorothy, jusqu’à la scène finale où elle trouve enfin un autre homme qui semble davantage la considérer que tous les hommes qu’elle a rencontrés jusqu’ici, et ainsi la pièce, car il s’agit bel et bien d’une pièce de théâtre, se termine sur une note d’espoir.

Un spectacle hors du commun, où tout est pensé, où tout est rodé et huilé, comme dans une comédie musicale américaine, pour mieux montrer le chaos en puissance, un spectacle singulier, qui nous emporte dans une autre époque et peut-être bien la nôtre aussi, avec une personnalité rocambolesque : Dorothy Parker.

Night and Day
ou Les tribulations nocturnes de jeunes gens pleins d’esprit

D’après les nouvelles de Dorothy Parker,
musique originale Jeff Cohen
Adaptation et mise en scène Gaëlle Lebert
avec Jeff Cohen, Gwendal Anglade, Gaëlle Lebert
collaboration artistique et assistanat Rama Grinberg
scénographie Blandine Vieillot
Lumière Bruno Brinas
Création vidéo: Jean-Christophe Aubert
Image Yuta Arima
Son Jean-Louis Bardeau
Costumes Pauline Gallot

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Saigon : larmes d’exil

La première sensation lorsque le rideau dévoile le prodigieux décor imaginé par Caroline Guiela Nguyen, c’est un mélange de respect, d’admiration, presque d’engouement. On est directement projeté dans ce restaurant vietnamien du 12ème arrondissement parisien, cadre unique de toutes les histoires qui s’enchevêtreront au fil du spectacle. L’un de ces restaurants typiques, reconnaissables, un brin kitsch, fleurs en papier aux couleurs vives et mobilier en métal. Ce type d’établissements qui semblent intemporels, à tel point que rien ne parait moins étonnant que de voir ce même décor traverser 40 années et plusieurs continents au cours du spectacle.

40 ans qui séparent le Saigon de 1956 du Paris de 1996. 40 ans d’histoires sur fond d’Histoire. Des histoires d’amour, de séparations. Des histoires emplies de larmes… Avec en toile de fond la guerre du Vietnam, l’indépendance de l’Indochine, l’exil, le retour au pays, le manque de sa patrie…

Saigon, de Caroline Guiela Nguyen, Les Hommes Approximatifs, Odéon Théâtre de l'Europe, coup de coeur Pianopanier@Jean-Louis Fernandez 

“ Vous étiez au bord des larmes, vous avez parlé pendant 40 minutes, vous parliez de quoi ?“

En fond sonore, la voix off de Lam (Thi Thanh Thu Tô) qui n’est pas sans rappeler le ton de la narratrice du Cendrillon de Joël Pommerat nous rappelle ce contexte particulier de 1996 : la fin de l’embargo sur le Vietnam autorise le retour des Viet-kieus (Vietnamiens d’outre-mer) au pays. Cette question du retour, du départ, des adieux et retrouvailles est le fil conducteur du spectacle.  Nous sommes dans le restaurant parisien de Marie-Antoinette (poignante Anh Tran Nghia), qui a émigré à Paris en 1956. Ce restaurant qui est donc la copie conforme de celui qu’elle tenait à Saigon en 1956 est le lieu de rencontre de plusieurs personnages. Il ya  Hao (troublant Hoàng Son Lê) et sa fiancée Mai, qui le quittera parce qu’il chante pour les Français. Et puis Linh (la déchirante Phu Hau Nguyen), qui s’apprête à partir pour la France avec un soldat dont elle est tombée amoureuse (excellent Dan Artus) mais qui angoisse de quitter les siens. On retrouvera tout ce petit monde à Paris en 1956. Puis, au même endroit, 40 ans plus tard : Linh et son fils qui la presse de s’envoler vers le Vietnam sur les traces de son passé, et le vieux Hao (très émouvant Hiep Tran Nghia) qui le fera, lui le voyage, et ne comprendra plus la langue parlée par les jeunes Vietnamiens.

Saigon, de Caroline Guiela Nguyen, Les Hommes Approximatifs, Odéon Théâtre de l'Europe, coup de coeur Pianopanier

“Saïgon ne concerne pas les Vietnamiens, ni même les Français qui seraient partis en Indochine, elle concerne notre mémoire collective et s’est déposée dans le rhizome de nos affects et de nos imaginaires. Saïgon appartient à tous.” – Caroline Guiela NGyuen

C’est bien de langue qu’il est question aussi, et c’est la langue qui ajoute tant de beauté au spectacle. Onze acteurs sur le plateau, des Vietnamiens, des Français, des professionnels, des amateurs qui parlent français et vietnamien.
Certaines scènes semblent tout droit sorties d’un film de Wong Kar Waï, dans leur lenteur, leur infinie délicatesse, leur majesté quasi hypnotique.
On comprend le succès immédiat que recueillit Saigon au dernier Festival d’Avignon. Car au travers de ces destins croisés, Caroline Guiela Nguyen nous parle d’exil, d’amour, de nostalgie, de douleur… Saigon appartient à tous, Saigon est le réceptacle de nos larmes d’exil…

-Sabine Aznar-

À l’affiche de L’Odéon-Théâtre de l’Europe – Berthier du 12 janvier au 18 février 2018 (mardi au samedi 19h30, dimanche 15h)
Texte et mise en scène : Caroline Guiela Nguyen – Les Hommes Approximatifs
Avec : Caroline Arrouas, Dan Artus, Adeline Guillot, Thi Truc Ly Huynh, Hoàng Son Lê, Phú Hau Nguyen, My Chau Nguyen Thi, Pierric Plathier, Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia

Olivier Marchal en olibrius

Alors voilà, entrer au Déjazet, seul théâtre rescapé du « boulevard du crime », c’est tout un programme. Des couloirs, des escaliers dans tous les sens, des tapis rouges, des parquets qui grincent, des portes capitonnées, une très belle salle avec balcons et corbeille et des fresques au plafond et aux murs d’Honoré Daumier. Déjà, on se sent ailleurs, dans un monde à part, celui du théâtre où se produisirent ici tant Mozart que Coluche.

Ensuite, aller voir “Nénesse”, c’est une aventure. Nénesse (Olivier Marchal), c’est un type paumé qui se croit dur et qui passe ses journées à picoler et à construire des discours xénophobes. Nénesse est “un mec de culture populaire”, qui défend sa race, qui croit au clan, au jambon-beurre, au pinard et aux jeux à gratter dans lesquels il dépense le peu d’argent qu’il n’a pas laissé à des prostituées.

Nenesse, d'Aziz Chouaki mise en scène Jean-Louis Martinelli au théâtre Déjazet, critique Pianopanier

Seulement voilà, Nénesse a fait deux AVC ces douze derniers mois. Il a beau être entretenu par sa femme Gina (Christine Citti) qui s’éreinte à faire des ménages et qui a été élue “Meilleure travailleuse de sa région”, l’argent manque à la maison, d’autant qu’il refuse de faire valoir ses droits et d’aller chercher ses allocations. Parce que Nénesse ne veut rien devoir à personne, il ne veut pas “faire de la lèche”. Lui vient alors une idée : sous-louer une pièce de son appartement – une espèce de bunker sans fenêtres ni toilettes ni aération – à des sans-papiers. Y vivent Aurélien (Geoffroy Thiebaut), un Français de deuxième génération, d’origine russe, lettré, cultivé, qui a perdu sa nationalité française en l’absence d’un papier indispensable ; et Goran (Hammou Graïa), un Syrien, quasi analphabète, qui s’exprime sans utiliser d’articles devant les noms communs. Musulman comme dans les fables, rêvant du paradis et des 72 vierges qui l’y attendent, Goran a connu DAESH : il y a été entraineur pendant un moment, jusqu’à être dégoûté par l’exploitation des “jeunes vierges, blondes, yeux verts, 15 ans et tout” prostituées jusqu’à l’épuisement à 1€ la passe.

Nenesse, d'Aziz Chouaki mise en scène Jean-Louis Martinelli au théâtre Déjazet, critique Pianopanier

Tout ce petit monde cohabite, avec des heures de sorties pour Aurélien et Goran, qui peuvent jouir des toilettes et d’un peu plus d’espace. Nénesse projette de placer d’autres sans-papiers dans son bunker pour améliorer ses gains, atteindre 5000€ par mois, pour enfin dépenser autant qu’il le veut dans ses jeux à gratter.

L’auteur, Aziz Chouaki, au parcours déjà éblouissant, dresse ici les portraits pathétiques et décalés, dans une langue gouailleuse, où se télescope la syntaxe. Il nous fait rire parfois, mais d’un rire jaune. On rit davantage de la virtuosité de la langue et des situations exagérées que d’un vrai rire franc. Car ici on aurait plutôt affaire à un drame qui nous montre la bêtise dans toute sa splendeur et dans tout son débraillé de langue comme d’allure. On ne vous raconte pas la fin qui surprend et vous glacera.

Nenesse, d'Aziz Chouaki mise en scène Jean-Louis Martinelli au théâtre Déjazet, critique Pianopanier

Olivier Marchal interprète Nénesse avec la force de sa nature qui le caractérise. Tout en nuances de jeu, passant de l’extrême violence à la douceur du petit enfant, il hurle, il nous emporte dans sa folie. Même si l’on s’attache à lui par bien des côtés, on manque un peu d’empathie pour ce personnage odieux. On pourra se demander si les personnages d’Aurélien et de Goran, qui ne sont que faire valoir au discours de Nénesse, n’auraient pas pu être évoqués plutôt qu’incarnés, car celui qui tient le pavé et qui ne le lâche pas, c’est bien Nénesse. Gina, plantureuse et malmenée, n’a pourtant rien d’une femme soumise. Elle se rebelle, elle se révolte, mais restera jusqu’au bout avec cet olibrius de Nénesse… par amour ou pour des raisons plus obscures. Une mise en scène et un décor qui pourraient rappeler le classique des vaudevilles, des pièces de boulevards (et on y est !), avec un fauteuil roulant en guest star et une musique de fond perpétuelle comme dans les westerns. Une pièce qui fait la part belle aux personnages et au texte, où l’on pourra regretter la faiblesse de l’intrigue, il n’y a pas vraiment d’histoire, l’auteur nous livre plutôt une succession de monologues qui font mouche.

À voir, dans l’air du temps…

Nenesse, d'Aziz Chouaki mise en scène Jean-Louis Martinelli au théâtre Déjazet, critique Pianopanier

À l’affiche du Théâtre Déjazet du 9 janvier au 3 mars 2018 (mardi au samedi 20h30, samedi 16h)
Texte : Aziz Chouaki
Mise en scène : Jean-Louis Martinelli
Avec : Christine Citti, Olivier Marchal, Hammou Graia et Geoffroy Thibaut

Actrice : pour l’amour de l’art

Une marée de fleurs couvre le sol, du mur du fond jusques aux pieds des premiers rangs de spectateurs. Roses pompons, pivoines, pavots, glaïeuls majestueux, le regard s’y perd, y déniche petit à petit du mobilier enfoui, tables, consoles, déambulateur, piano, s’arrête un instant sur un couple de vieillards assoupis sur une banquette… le regard erre, revient au cœur de cette marée, l’îlot du lit d’hôpital, où Marina Hands / Eugenia, l’actrice, est allongée, endormie, cheveux épars… le regard repart, virevolte, ondule entre les bouquets, s’égare et revient encore à ce lit. L’image est d’un grand lyrisme, et d’une grande simplicité.
Les lumières baissent, et c’est dans l’obscurité que surgissent les premiers mots. Le noir se fait, et le silence. Du lit qu’on ne voit plus mais dont on se souvient monte un « maman » de petite fille apeurée, qui d’appels à l’aide en délires oniriques, d’imprécations en longues plaintes douloureuses, se métamorphosera en une voix de femme qui a vécu et qui va mourir.

« une actrice c’est un imaginaire dans un corps
qui restitue la condition humaine
»
Igor

ACTRICE Pascal Rambert Théâtre des Bouffes du Nord@ Jean-Louis Fernandez

Dans sa note d’intention, Pascal Rambert dit « aimer écrire pour les actrices » : « c’est peut-être ça mon travail : donner du travail aux actrices. Leur donner de grands rôles ». De cela, on lui saura gré. Marina Hands et Audrey Bonnet incarnent toutes deux avec un talent rare cet « imaginaire dans un corps qui restitue la condition humaine » qu’Igor aimait découvrir dans la démarche d’Eugénia encore toute jeune comédienne. Comme lui, devant une telle qualité d’interprétation, « on crie bravo à ces êtres les acteurs qui nous disent regardez-vous vivre ». Elles sont magistrales. Marina Hands, la cadette – l’actrice, dans un don d’elle-même qui n’enlève rien à sa précision, en perpétuelle invention de son personnage, faisant naître sur son visage, dans sa voix, sur son corps, les mille sensations et sentiments de ce temps intense et sans appel que l’on sait être le dernier. Audrey Bonnet, l’aînée – l’entrepreneuse, une sèche tempête, la voix basse presque sourde, donne à cette femme dont le mari dit qu’il « faut accepter sa dureté comme une arme pour survivre » à la fois cette dureté, et la nécessité vitale qu’elle en a eu.

« nous ne venons pas voir de belles histoires de beaux costumes de beaux décors
mais la condition humaine
nous sommes avides du spectacle de la condition humaine
nous sommes des fauves qui aimons regarder d’autres fauves dépecer une proie qui s’appelle la vie
»
Serguei, le metteur en scène

ACTRICE Pascal Rambert Théâtre des Bouffes du Nord

C’est le chemin de cette femme vers la mort, et c’est aussi celui de toute sa famille, de sang et de cœur, qui va se dérouler là. Autour de ce lit, comme les flots se brisent sur un rocher au milieu d’une rivière, vont se briser les flots d’amour et de peine de chacun. C’est le tourbillon des aimés et des aimants ; c’est l’heure des comptes et des déclarations, et tout cet amour, celui des anciens ou celui des enfants, celui du mari ou celui de l’ancien amant, s’affole de la mort, se déverse parfois avec tendresse, mais souvent avec une violence, une rage à la hauteur de sa puissance.

Ç’aurait pu être le lancinant et virtuose monologue de l’actrice ; ç’aurait pu être le duo dense, tendu, tremblant, des deux sœurs. Pascal Rambert a préféré le fourmillement de la vie à la majesté du chant de mort, rassemblant en un bouquet foisonnant tous les êtres chers autour du lit de l’actrice.

Sur le plateau, il a privilégié la singularité des personnalités à l’homogénéité du jeu. Alors, on trouvera peut-être redondant le jeu archétypal de l’infirmier-ange de la mort, surlignant sans nécessité non seulement un texte très explicite mais aussi l’étrangeté du jeune comédien… Et certains regretteront les accents d’une grande partie de la distribution : pourtant, ce choix raconte le monde d’aujourd’hui, sa diversité, sa mobilité. Les familles qui se déplacent, qui fuient une guerre ou cherchent fortune, les enfants qui n’ont pas la même langue maternelle que leur mère.
Que c’est beau d’entendre et de voir des âges, des accents, des couleurs de peau différentes, de voir l’ivresse et la sagesse, les cris et les murmures, le langage qui coupe et celui qui répare, la joie et la douleur : c’est la vie dans sa multiplicité !

« la mort peut venir, je peux lui dire en face comme je le dirai à dieu
prends-moi
je peux mourir maintenant j’ai connu chaque soir, chaque soir de ma vie
l’amour terrestre
ah bon et quelle forme avait cet amour terrestre me demandera dieu
et je dirai
la forme de corps vivants dans le noir qui écoutaient ensemble un texte »
Eugénia

ACTRICE Pascal Rambert Théâtre des Bouffes du Nord

Le théâtre est dès le titre, alors le théâtre, ici, au milieu de la houle des sentiments, vogue, embarcation intranquille mais rassurante ; ça a été ce qui a mû l’Actrice pendant sa vie, et ce qui l’accompagnera au seuil de sa mort. Par la présence du metteur en scène, des comédiens amis mais aussi par le poids que sa vie de théâtre a eu dans la vie des siens, et par ce joli et délicat présent que tous vont lui faire, et que Rambert fait aux spectateurs, une bulle de fantaisie et de tendresse, La Conférence des fleurs, « pièce à la manière du théâtre allégorique », fantasque, gracieuse, émouvante comme un dessin d’enfant. Et c’est touchant d’être ensemble cette manifestation de l’amour terrestre, d’être « des corps vivants dans le noir qui écoutent ensemble un texte ».

Pascal Rambert nous parle de cette « tension entre le monde et nous, cette tension [qui] s’appelle la vie », et fouille les failles du cœur des hommes d’où s’écoulent les lacs de larme trop longtemps retenus. Le silence se fait à nouveau, miroir du silence dans lequel a surgi le premier mot. Après le dernier mot, la dernière image est d’une théâtralité idéale, un hommage à l’art du spectacle, autant qu’un condensé de toutes ces batailles menées, tous ces liens malmenés, tout cet amour échangé.

« un acteur qu’est-ce que c’est ?
un acteur c’est un désir de spectateur
voilà tout
regarde autour de toi
toutes ces fleurs
c’est quoi
c’est du désir
du désir pour toi
ça dit reste avec nous
ça dit ne pars pas
ça dit lorsque tu joues tu nous consoles de tout ce qui nous blesse nous humilie nous tue nous offense
l’art du théâtre est fait pour ça
pour réparer l’offense
pour être sauvés
en jouant tu auras sauvé des vies
»
Sergueï

 

ACTRICE Pascal Rambert Théâtre des Bouffes du Nord

ACTRICE  – de Pascal Rambert
Mise en scène : Pascal Rambert
Avec : Marina Hands, Audrey Bonnet, Ruth Nüesch, Emmanuel Cuchet, Jakob Öhrman, Elmer Bäck, Yuming Hey, Luc Bataïni, Jean Guizerix, Rasmüs Slätis, Sifan Shao, Laetitia Somé, Hayat Hamnawa, Lyna Khoudri, et en alternance, Anas Abidar, Nathan Aznar et Samuel Kircher
du 12 au 30 DECEMBRE 2017 Théâtre des Bouffes du Nord puis en tournée

@ Jean-Louis Fernandez

 

“Claquettes Jazz” au studio Hébertot

Quel est l’instrument du claquettiste, quelles chaussures, quelles chaussettes lui faut-il? C’est ce que l’on apprend en allant voir le spectacle de Fabien Ruiz claquettiste de renommée internationale, chorégraphe et coach du film aux 5 Oscars ” The artist”.

Pendant une heure pour notre plus grande joie, il nous explique tout en donnant un spectacle éclatant, les rudiments des claquettes, ses origines, et nous parle également de Fred Astaire et de la sœur de ce danseur hors pair.

Avec son complice le pianiste Michel Van Den Ersch, il nous démontre en rythme avec la musique de jazz, son talent, faisant claquer ses pieds sur le sol, soit avec énergie et vivacité, soit au contraire de manière plus douce. Sa prestation est variée, et il fait appel à son côté créatif.

L’humour et la joie de vivre résonnent sur scène, et il existe un vrai plaisir à le voir évoluer et improviser. C’est frais, enivrant, et l’on ne voit pas le temps passer…

Agnès Figueras

CLAQUETTES JAZZ  – de Fabien Ruiz
Mise en scène : Fabien Ruiz
Avec : Fabien Ruiz (claquettes) et Michel Van Der Esch (piano)
du 21 novembre 2017 au 28 janvier 2018 au Studio Hebertot