L’Avare, version dynamite de Ludovic Lagarde
L’Avare – spectacle vu le 23 avril 2016 à la Comédie de Reims.
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Mise en scène : Ludovic Lagarde
Avec : Laurent Poitrenaux, Christèle Tual, Julien Storini, Tom Politano, Myrtille Bordier, Alexandre Pallu, Marion Barché, Louise Dupuis
La peste soit de l’avarice, mais pas de cet Avare-là !
Harpagon est dans l’import-export et il a transformé sa maison en entrepôt pour garder sous les yeux sa marchandise : des dizaines de caisses, palettes, boîtes, s’amoncellent sur le plateau. Mais aujourd’hui, on lui a donné du « cash », qu’il a dû dissimuler dans son jardin. Angoisse insupportable, le jour où il doit annoncer son mariage avec la jeune Marianne…
C’est l’une des nombreuses grandes idées de Ludovic Lagarde, qui s’empare de ce classique en le transposant dans notre siècle actuel. Ce qui est toujours un défi : les exégètes ronchons s’interrogent souvent sur l’utilité de ce qui peut être perçu comme une coquetterie. Il n’est en rien ici !
Tout au long de ces 2 heures 40, on entend Molière sous un jour inédit, grâce aux efficaces trouvailles qui en soulignent le sens… Au point qu’on se demande souvent si le texte n’a pas été réécrit, tant il semble coller à ces partis-pris de mise en scène. C’est ici que la magie survient : pas une ligne n’a été modifiée (à l’exception de la toute fin, allégée), et tout fonctionne à merveille.
©Pascal Gély
La troupe de comédiens réunie par Ludovic Lagarde a l’énergie communicative. Il faudrait tous les citer, mais on retiendra Alexandre Pallu, qui compose un hilarant Valère, lèche-bottes et manipulateur, Myrtille Bordier, qui campe une Elise à la limite de la bipolarité, et Louise Dupuis, formidable Maître Jacques, tenancière de food-truck, toute en irrévérence gouailleuse.
Et puis, bien sûr, il y a Laurent Poitrenaux. Il virevolte, il sautille. Il éructe, il minaude. Il s’agite, il s’étire. Il terrorise son petit monde, tout en souffrant au plus profond de son propre avarice. Il exploite au mieux la palette infinie de son jeu et de son corps élastique pour nous proposer un Harpagon halluciné, emprisonné dans sa folie violente, absurde sans être mortifère, presque flamboyante. Ce soir-là, à la Comédie de Reims, les 700 spectateurs se sont levés d’un seul homme pour une longue ovation. Et cet hommage unanime, rare sur une scène nationale, était payé comptant.
Cet Avare a été créé en octobre 2014 à la Comédie de Reims et a beaucoup tourné depuis : la centième n’est pas loin, d’autres dates sont à venir en Province et c’est tant mieux !
1 – Les trouvailles de Ludovic Lagarde et de ses comédiens ne sont jamais gratuites et on entend le texte de Molière comme rarement.
2 – Laurent Poitrenaux, hallucinant Harpagon, chef d’entreprise et de famille, mène une troupe à l’énergie communicative.
3 – Il est réellement incompréhensible qu’aucune scène nationale parisienne n’ait encore programmé cet Avare…il est encore permis d’espérer.