Articles

40 degrés sous zéro, du Munstrum Théâtre : folie furieuse

temps de lecture 6 mn

Ça commence dans le noir (profond) et le blizzard (glaçant).
Cernant un plateau vide et vaste comme une plaine de Sibérie, des tentures hautes et grises comme des ruines.
Une queen (François Praud, magistral) haut perchée tiare somptueuse robe patchwork flashy interprète un Girls wanna have fun qu’on tarde à reconnaître, ses atours pop devenus obscurs et lyriques sous la voix de velours de la majestueuse reine et les nappes de sons électroniques orchestrées par Jean Thévenin. Humm, ronronnements de bien-être acoustique et visuel !

Le suave et le velouté ne tardent pas à prendre une bonne claque, reine et plateau se font métamorphoser à vue, l’une dépouillée de ses flamboyances, l’autre de sa nudité.
Le Munstrum Théâtre, compagnie du Grand Est, est adepte d’une pratique contemporaine, tonique et acérée, du masque, sous la houlette avertie de Louis Arene et Lionel Lingelser. Il nous entraîne, de L’Homosexuel ou La Difficulté de s’exprimer aux Quatre Jumelles – deux courtes et denses pièces de Copi -, dans un diptyque effréné, à 40 degrés sous zéro mais en ébullition.
 

Travail, famille, hémoglobine

C’est L’Homosexuel ou La Difficulté de s’exprimer qui ouvre le bal. Nous voilà en Alaska, où les loups – humains ou canidés – rôdent autour de Madre et Irina (Louis Arene et François Praud, qui s’en donnent à cœur joie), ci-devant messieurs devenues mesdames – de leur plein gré, et exilées en Alaska – contre leur volonté.
Irina livre son corps et son envie d’ailleurs aux êtres de tous sexes et de tous genres. Immense bébé immature, contre les duretés d’un monde avide elle oscille entre le besoin d’être consolée par sa Madre à poigne et le rêve de fuir avec une Madame Garbo qui l’a peut-être mise enceinte (impériale Olivia Dalric).
Rien de tel qu’une rasade de mirabelle de Biarritz (?), et quelques viscères encore fumantes, pour apporter chaleur et couleurs à cet univers de grisaille et de désespoir…
 

Après un Paradis Blanc envoûtant, on plongera dans la frénésie des Quatre Jumelles, une sorte de Quad de Beckett qui serait atteint du syndrome de la Tourette.
Les jumelles meurent, démeurent, remeurent, ressuscitées ad libitum par des injonctions d’héroïne, administrées dans le bras, l’autre bras, la poitrine, le cou, la cuisse.
On s’arrache les mains, les yeux, les (faux) seins, (fausses) fesses, on meurt étranglée, une balle dans l’œil, étouffée, avalée par un canapé, overdosée, une balle dans le dos, aveugle, sourde – toutes combinaisons épuisées, jumelle 1 tue jumelle 2, jumelle 3 tue jumelle 4, jumelle 4 tue jumelle 2 , ou 1, ou 3, qui survit, qui part avec qui, avec les biftons, les lingots, la poudre, en Suisse, à Boston, à Rio, en brassant du voguing, du kungfu, du airboxing.
La voracité consume les êtres, la drogue ravive leur flamme.
C’est une course folle, une surenchère de violence et d’absurde, traitée avec un sens du rythme irrésistible.
 

Dans un splendide décor, majestueusement lugubre, conçu par le metteur en scène lui-même, Christian Lacroix a inventé des costumes chatoyants et gothiques pour vêtir ces êtres hybrides, mi-hommes mi-femmes, humains et monstrueux, fragiles et destructeurs. Impératrice d’une Chine fantasmatique ou poupées déglinguées, Marie-Antoinette de cellophane perchée sur des patins à glace ou Morticia Adams sous acide : 40 degrés sous zéro convoque sur scène tout un imaginaire post-punk, queer, extravagant et délabré.

À la férocité des textes de Copi répond le grotesque flamboyant et la drôlerie effrayante de la mise en scène. Sous les masques aux crânes nus, les interprètes, tous fantastiques, réjouissants, parfaits de maîtrise et de générosité, jouent entre quotidienneté et outrance, quelque chose d’à la fois très familier et très baroque.

C’est aussi un hommage à l’art du théâtre, dont le grand rideau rouge à demi-dégringolé en fond de scène se fait le témoin. Le (génial) gros chien d’Irina est un amoncellement de perruques, les entrailles sanguinolentes ne cachent qu’elles sont des lanières de tissus rougeâtres, les corps sont remodelés par les prothèses de latex, les crânes rendus chauves par les masques – tout est artifice pour faire surgir la réalité brute et folle, démon(s)trer la violence des rapports de domination, débusquer les pulsions de mort et de vie qui animent les êtres peuplant ces cauchemars polychromes.

Et puis, finalement, se dévoilent la machinerie du théâtre, rampes de projo, perches, transfos, et des comédien.ne.s – prothèses, genouillères, caoutchouc des faux crânes. Plateau et corps dénudés.
Après ces déchaînements dionysiaques, le final – lunaire et choral – est magnifique et poignant, sombre et étonnement lumineux.
Car au théâtre les morts se relèvent, et sur les décombres, tous artifices tombés, restent les vivants, et ils dansent, ensemble. Et c’est beau.

Marie-Hélène Guérin

 

40° SOUS ZÉRO
Une création originale du Munstrum Théâtre
Texte : Copi
Mise en scène : Louis Arene
Conception : Louis Arene, Lionel Lingelser
Dramaturgie : Kevin Keiss
Avec Louis Arene (Madre), Sophie Botte (Maria), Delphine Cottu (Garbenko et Fougère), Olivia Dalric (Madame Garbo), Alexandre Ethève (Leïla et Le chien), Lionel Lingelser (Général Pouchkine et Joséphine), François Praud (Irina)
Création costumes : Christian Lacroix
Scénographie et masques : Louis Arene
Création lumière : François Menou
Création sonore : Jean Thévenin
Création coiffes-maquillages : Véronique Soulier-Nguyen
Regard chorégraphique : Yotam Peled

Photographies © Darek Szuster

Administration, production et diffusion : Clémence Huckel (Les Indépendances), Florence Bourgeon | Assistanat à la mise en scène : Maëliss Le Bricon | Assistanat costumes : Jean-Philippe Pons, Karelle Durand | Assistanat son : Ludovic Enderlen | Assistanat à la scénographie, régie générale et accessoires : Valentin Paul | Accessoires et régie son : Ludovic Enderlen | Assistanat aux accessoires : Julien Antuori | Régie lumière : Victor Arancio | Habillage : Audrey Walbott | Cheffe d’atelier costumes : Lucie Lecarpentier | Costumes : Tiphanie Arnaudeau, Hélène Boisgontier, Castille Schwartz | Stage mise en scène : Mo Dumond | Stages costumes : Marnie Langlois, Iris Deve
Presse : Murielle Richard

Production Munstrum Théâtre Coproduction La Filature – Scène nationale de Mulhouse, Scène nationale de Châteauvallon, CPPC / Théâtre de L’Aire Libre (Rennes), Espace 110 – Illzach – Avec le soutien de la DRAC Grand Est, la Région Grand Est, le département du Haut-Rhin / Collectivité européenne d’Alsace, la Ville de Mulhouse, l’Agence culturelle du Grand Est, l’ONDA, le CENTQUATRE-PARIS, la Comédie- Française, le Théâtre de Vanves, le CRÉA – Ville de Kingersheim – Le Munstrum Théâtre est associé à la Filature – Scène nationale de Mulhouse ainsi qu’aux projets du Théâtre Public de Montreuil – Centre dramatique national, du TJP-CDN Strasbourg-Grand Est et des Célestins – Théâtre de Lyon. La compagnie est conventionnée par la DRAC Grand Est et la Région Grand Est. Elle est soutenue par la Ville de Mulhouse. Les pièces de Copi sont représentées par l’agence Drama – Suzanne Sarquier

« La Chute des anges », et l’envol des êtres : magistrale leçon de ténèbres de Raphaëlle Boitel

Le rideau s’ouvre, le noir et le silence se font, soyeusement.
Une maigre forêt de perches armées d’un projecteur-œil encadre la scène, vaguement inquiétante dans sa sècheresse et ses angles, entités mécaniques et autonomes, épiantes et directives.

Des longs manteaux noirs tombent des cintres, des cintres tombent des cintres, des cintrés se glissent dans les manteaux, étranges marionnettes, cousines de celles de Philippe Genty – cet homme en fond de plateau, ces deux femmes sans doute, visage dissimulé sous un voile de cheveux, corps désarticulés, acrobates danseurs clowns désespérés. Trois drôles de petits humains, trois anges déchus, qui tentent d’apprivoiser la pesanteur.
Des mains cherchent leur tête, des corps cherchent leur axe, de êtres cherchent leur centre et leurs limites.

© Georges Ridel

Bientôt leurs compagnons d’infortune vont les rejoindre, arpentant le plateau en un mathématique mouvement perpétuel, Quad beckettien chaotique où comme par accident quelques pas se déploient en acrobaties, se prolongent en torsions de dos courbés jusqu’à l’impossible. Circassiens virtuoses ou non, les interprètes ont tous la même netteté dans le geste, et la même densité dans la présence.

Une ange aurait-elle la nostalgie des cieux, une humaine aurait-elle le souvenir d’une jeunesse plus lumineuse ? Une des anges se détache du chœur, tourne son visage plein d’appétits vers un soleil artificiel, lui adresse une mélopée chantante, un fouillis de mots, un esperanto d’espoir. C’est elle qui poussera le plus loin les tentatives d’échappée, les désirs d’envol.

Les noirs sont profonds comme les notes de contrebasse qui vibrent dans l’espace, ciselés de graphiques lumières dorées – presque des lumières de « théâtre noir », qui découpent de fines lames dans l’obscurité, de fines lames de réalité et de vie dans la poix des contraintes, dans l’ombre des assujettissements et des surveillances. La composition sonore d’Arthur Bison est de même dense, prenante, sophistiquée et organique, avec des grondements sourds de tempête et des vivacités de clairière après la pluie.

Les silhouettes dessinent des calligraphies, des ombres chinoises, creusent des tourbillons dans la fumée. Une femme plus âgée passe avec une opacité tranquille de vieux chaman. Un vertigineux numéro de mât chinois époustoufle et émeut, élévation et chute, élévation et chute, tragique destinée en réduction.

© Marina Levistskaya

Dans cette esthétique de fin du monde, il y a aussi de la cocasserie, une guerre des « chut » rigolarde, des moments de sourires au milieu des décombres : deux tubes métalliques arrachés à une des machines feront une paire d’ailes de fortune, sait-on jamais (spoil : ça ne suffira pas). L’image est drôle, et déchirante. Très drôle aussi, et très tendre, un « pas de deux » à quatre, deux des êtres tentant tant bien que mal d’en animer deux autres, tâtonnant, expérimentant, réinventant les gestes les plus simples…

Le danger peut rôder dans les objets, les perches se démantibulent, pourchassent, ordonnent, menacent – en contrepoint un majestueux gramophone offre sa beauté incongrue et une occasion de bouffonnerie légère, un rail suspendu s’envole au-dessus des spectateurs avec la souplesse et la joie des balançoires de l’enfance.

Ce monde de métal glacé et oppressant, univers sombre troué de somptueuses mordorures (magnifique scénographie et création lumières de Tristan Baudoin), Raphaëlle Boitel le peuple d’êtres faits de servitude et de pesanteur, mais surtout de curiosité et d’empathie, qui vont trouver, ensemble, un chemin vers la liberté.

Danse contemporaine et équilibrisme, contorsion et hip-hop, prouesses techniques et clowneries délicates, mât chinois et métaphysique, on ne distingue plus où une discipline s’exprime, où l’autre prend le pas, tant Raphaëlle Boitel les pétrit, les étire et mêle pour en faire le vocabulaire et la grammaire de son propre langage, extrêmement maîtrisé, poétique, gracieux, in-quiet et tendre.
« Dans la chute, il y a toujours la question de la manière dont on s’en relève. » précise Raphaëlle Boitel à La Terrasse : elle donne une beauté hypnotisante aux deux, à la chute et à la manière dont on s’en relève.
C’est onirique, envoûtant, et bienfaisant.

Marie-Hélène Guérin

© Sophian Ridel

LA CHUTE DES ANGES
Un spectacle de la Cie L’Oublié(e) – Raphaëlle Boitel
vu au Théâtre du Rond-Point, Paris
Mise en scène et chorégraphie Raphaëlle Boitel
Collaboration artistique, scénographie, lumière Tristan Baudoin | Musique originale, régie son et lumière Arthur Bison | Costumes Lilou Hérin | Accroches, machinerie, complice à la scénographie Nicolas Lourdelle
Interprètes Alba Faivre ou Marie Tribouilloy, Clara Henry, Loïc Leviel, Emily Zuckerman, Lilou Hérin ou Sonia Laroze, Tristan Baudoin, Nicolas Lourdelle

DATES DE TOURNÉE 2023-2024
• 29 septembre au 7 octobre 2023 – Célestins, Théâtre de Lyon (69)
• 10 et 11 octobre 2023 – Le Volcan, Scène nationale du Havre (76)
• 8 et 9 décembre 2023 – Théâtre de Suresnes Jean Vilar (92)
• 12 décembre 2023 – Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (35)
• 15 et 16 décembre 2023 – Le Théâtre, centre national de la marionnette de Laval (53)
• 20 et 21 décembre 2023 – La Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc (22)
• 16 et 17 janvier 2024 – Théâtre de Lorient, CDN (56)
• 25 et 26 janvier 2024 – Théâtre de Cornouaille, scène nationale de Quimper (29)
• 17 et 18 mars 2024 – TCM, Théâtre de Charleville Mézières (08)

À huis clos : un duel intense

Six ans après À vif, Kery James revient au théâtre du Rond-point avec sa nouvelle pièce, À Huis clos, mise en scène par Marc Lainé, jouée du 15 novembre au 3 décembre.
Ici, plus de joute oratoire ou de débat mais le procès d’un juge et d’un de ses verdicts.
Soulaymaan, jeune avocat de À vif, se présente chez un juge avec la ferme intention de le tuer. Ce dernier a en effet jugé non coupable le policier meurtrier de son frère. « Une vie pour une vie ». S’engage alors un échange, tantôt abrupt, tantôt apaisé. Echange au-dessus duquel pèse une question comme une épée de Damoclès : Soulaymaan tirera-t-il vraiment ?
La pièce est politique et ne s’en cache pas. A travers le personnage de Soulaymaan, Kery James délivre un réquisitoire à charge contre les violences policières et la situation des quartiers qu’il préfère appeler « prolétaires », où vivent les pauvres, plutôt que « populaires », où vit le peuple. Il fait irruption dans ce salon bourgeois et y prend le dessus, inversant un rapport de forces pour questionner la responsabilité et l’impartialité de notre système judiciaire. Face à lui, les faibles arguments du juge, entendus maintes fois dans les médias, ne font pas le poids et sont aisément démontés.

Campé avec justesse par Jérôme Kircher, ce dernier se montre d’abord pathétique et s’enlise dans une défense creuse et fébrile. Mais au fil de la discussion, quand les deux hommes s’engagent sur d’autres sujets, le ton change et la parole lui est partiellement rendue. Sur un registre plus personnel, inimaginable au premier abord, chacun se dévoile et expose ses douleurs, ses interrogations, nous faisant presque oublier le contexte. Ces moments d’échanges, intimes lorsqu’il évoquent un frère ou une mère, une femme ou une fille, ou plus philosophiques lorsqu’il est question d’amour, de résilience ou de réparation, réduisent la distance entre les deux protagonistes et servent le rythme de la pièce. Ils n’empêchent pas pour autant la tension de ressurgir et de s’intensifier jusqu’à la fin de la pièce.
Sur ce plateau circulaire où s’opposent deux mondes et deux points de vue diamétralement opposés, de nombreuses questions surgissent sans débat ni argumentation méthodique mais plutôt dans l’urgence née de la situation.
Qui est en position de pouvoir ? Celui qui tient le pistolet ? Celui qui juge ? Quelle violence est légitime et faut-il lui préférer la résilience ? Et surtout, qui des deux hommes s’en sortira vivant ?

Louise Dauron

À HUIS CLOS
Au Théâtre du Rond-Point
15 novembre — 3 décembre 2023, 20h30
Un spectacle de Kery James
Mise en scène et scénographie Marc Lainé
Dramaturgie Agathe Peyrard
Avec Kery James et Jérôme Kircher
Photos © Koria

Assistant à la mise en scène Olivier Werner – Collaboration artistique Naïlia Chaal – Création vidéo Baptiste Klein – Costumes Marie-Cécile Viault

Production Astérios Spectacles & Otto Productions
En coproduction avec Chaillot – Théâtre National de la Danse (Paris), Les Quinconces et L’Espal – Scène Nationale du Mans, Le Radiant-Bellevue à Caluire-etCuire, La Machinerie – Théâtre de Vénissieux, Maison de la Musique de Nanterre, Théâtre de Dreux, Théâtre Jean Vilar (Vitry-sur-Seine), La Filature – Scène nationale (Mulhouse), La Comédie de Valence – CDN Drôme Ardèche, le Théâtre-Sénart – Scène nationale
Avec le soutien du Théâtre du Rond-Point (Paris)
Parution du texte le 18 octobre 2023, aux éditions Actes-Sud
Kery James est auteur associé de Chaillot – Théâtre National de la Danse

Fêu : des femmes puissantes

Dans l’obscurité, les silhouettes des danseuses se précisent, doublées de leurs ombres géantes; elles instaurent une ronde magnétique et rigoureuse autour d’une minuscule bougie rougeoyante, dans un grondement de basses à la limite de l’infrabasse, plus vibratoires que sonores. On reconnaît l’intensité tellurique des compositions de François Caffenne, dont l’électro puissante avait contribuer au saisissement des spectateurs de Tragédie d’Olivier Dubois.

Fouad Boussouf, directeur du Centre Chorégraphique national du Havre Normandie, prolongeant l’envoûtement du geste cyclique inauguré en 2022 dans l’installation vidéo Burn to shine, réalisée avec le plasticien Ugo Rondinone au Petit Palais à Paris, explore à nouveau dans ce Fêu palpitant la force vitale du mouvement perpétuel. Il lance les danseuses en une course incessante, tel un sac et ressac battant la rive, une contraction-relâchement du muscle cardiaque, leurs jambes cisaillant l’espace-temps de leurs longues enjambées.
C’est d’abord une mathématique qui captive, une circumambulation, une sorcellerie où l’on dessine au sol des formes géométriques pour y piéger le surnaturel et le dompter, ou s’en approprier les principes.

Il y a dans cette première partie comme une joliesse qui enchante, mais qui, à l’instar du tulle qui entoure l’arène des danseuses, peut faire écran à l’émotion, à l’échange entre le plateau et le public. Pourtant, brutalement le tulle tombe et avec lui la mathématique. On entre dans le biologique, algues dans le courant, herbes agitées par le vent, incendie consumant, escarbilles bondissant, corps en transe. On y devine aussi des images de son enfance marocaine, longues chevelures des femmes, costumes et lumières couleurs de henné, ondulations des danses de fête.
Dans cette spirale aussi irrépressible que la pulsion de vie, Fouad Boussouf offre à ses danseuses un temps de suspens, elles sont dos à nous, toute frénésie momentanément retenue, et dans cette apnée, dans cette économie de gestes peut naître une condensation de l’énergie, une intensification de l’émotion inattendues.

Elles sont dix, les interprètes de ce Fêu, diverses – d’âges, de tailles, de rondeurs et de couleurs de peau, d’expériences aussi, puisqu’elles viennent du hip-hop, de la battle, du ballet, même du cirque.
Dix monades, unités sans mélange ni échange avec les autres, et pourtant formant un tout qui est lui aussi une unité en soi.
Quelques solos fiévreux, brefs, explosifs, souvent saccadés, presque brutaux, laissent surgir la personnalité de ces interprètes. Et quand le cercle reprend, semblable au cercle initial, il s’est enrichi de leur singularité.
Un spectacle puissant, martial, lumineux, paradoxalement joyeux, à l’image de ses interprètes.

Marie-Hélène Guérin

FÊU
Vu au Théâtre du Rond-Point
Direction artistique et chorégraphie : Fouad Boussouf
Avec : Serena Bottet, Filipa Correia Lescuyer, Léa Deschaintres, Rose Edjaga, Lola Lefevre, Fiona Pitz, Charlène Pons, Manon Prapotnich, Valentina Rigo, Justine Tourillon
Composition : François Caffenne
Costumes : Gwladys Duthil
| Scénographie : Aurélie Thomas
| Création lumière : Lucas Baccini
Photographies © Antoine Triboulet

Mentions de production
Production Le Phare – Centre chorégraphique national du Havre Normandie Coproductions Biennale de la danse de Lyon, Le Quartz – Scène nationale de Brest, Le Volcan – Scène nationale du Havre, Maison de la Musique de Nanterre — Scène conventionnée d’intérêt national — art et création — pour la musique, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines – Scène nationale, Équinoxe — Scène nationale de Châteauroux Soutien en résidence Le Volcan — Scène nationale du Havre Le Phare – CCN du Havre Normandie est subventionné par le ministère de la Culture – DRAC Normandie, la Région Normandie, la ville du Havre et le département de la Seine-Maritime.

Misericordia d’Emma Dante : immense gravité et folle drôlerie

Misericordia, en italien comme en français, noue à nos oreilles la misère et le cœur, comme la misère et le cœur se nouent dans l’histoire de ces femmes et de l’enfant pour qui elles sont des mères.
La miséricorde, c’est ce qu’Emma Dante appelle de la part des spectateurs pour ces êtres bousculés, et ce qu’elle appelle de la part des êtres humains envers les plus vulnérables d’entre eux. La miséricorde, cousine de la pitié, de la compassion, un mouvement du cœur qui accepte, pardonne, soutient. Mais rien de doux ni de mièvre dans Misericordia : Emma Dante brasse les émotions avec vigueur, électrise la sensibilité, n’a pas peur du désordre, ne craint pas de dessiner des personnages aux reliefs profonds, où joie et âpreté se télescopent.

Il y a 4 ans, Emma Dante devenait mère, et que ce soit par l’adoption et non par la procréation, ne change rien à l’urgence qui s’est imposée à elle de questionner le thème de la maternité.
Dans le même temps, une scène mettant en jeu un enfant l’a frappée : dans un hôpital, un petit garçon autiste tournoyait, sans céder au vertige et dans un grand rire. Cet enfant tourbillonnant est devenu le pivot de son travail, l’axe autour duquel elle a inventé une famille. Alors, autour de cet étrange oisillon qu’est Arturo, l’enfant de Misericordia, elle construira le nid d’une famille sacrément brinquebalante.
Il faut dire que l’enfant débarque en avance, à 7 mois, jeté dans le monde sous les coups de latte du père – féminicide ordinaire qui laissera à la mère génitrice juste assez de vie pour donner naissance à Arturo et le confier à ses frangines de peine, ses collègues en péripatéticiennerie. Car, oui, les trois femmes qui entourent Arturo sont matrones tricoteuses d’écharpes pépiantes le jour, et érogènes ondulantes putains la nuit – puisque c’est ce que la misère leur laisse comme moyen de (maigre) subsistance.
 

 
Pas de décor, Emma Dante ne s’encombre pas de murs ou de portes pour déployer son théâtre : le plateau nu laisse tout l’espace nécessaire aux temporalités d’hier et d’aujourd’hui, aux vivants et aux morts, aux souvenirs et aux fantasmes – aussi présents que le quotidien. Quatre chaises en fond de scène, et du bric-à-brac derrière, voilà qui suffit.
Cliquetis rythmique, les tricoteuses sont musiciennes. Un essor malhabile, Arturo est danseur. Quelques sons, quelques pas, la scène s’emplit de bruit et de vie.
C’est un prologue burlesque, bavard et muet comme du cinéma d’avant le « parlant », qui ouvre la pièce, dans une immense gravité et une folle drôlerie.
 

 
Trois femmes féroces bousculées par la violence du monde et des hommes, un gamin sans-mots poussé de traviole, c’est un drôle d’attelage, ça fait pourtant une vraie famille, bancale et aimante, et c’est ce que raconte Emma Dante : la dureté que peuvent avoir la société et les êtres envers d’autres êtres – bien souvent envers des femmes, la puissance irrépressible de la joie et de l’amour et, à travers tout ça, les chemins que tracent les êtres pour se découvrir à eux-mêmes.

Simone Zambelli, danseur confirmé, pâleur de lune et silhouette dégingandée, invente à Arturo un langage corporel aérien, vif, léger, tout en rupture, tantôt pantin anguleux, tantôt derviche tourneur, mû par ses émotions qu’on devine intenses – perplexité, affection, jubilation. Italia Carrocia, Manuela Le Sicco et Leonarda Saffi – toutes trois familières de l’univers d’Emma Dante – apportent chair, âme et cœur aux trois femmes, qu’elles incarnent avec une sincérité, une malice, une justesse réjouissantes.

Misericordia, une heure compacte, dense, généreuse, haute en couleurs, en ombres et en lumières. Emma Dante aime de grande tendresse les gens des faubourgs, les humains de la débrouille. Et sait montrer la vie qui va, la vie qui palpite, comme elle peut, dans les replis de la société, hors des rues bien éclairées et bien ordonnées. Et c’est beau, sombre et gai. Un spectacle farcesque et poignant.

Marie-Hélène Guérin

 

 
MISERICORDIA
Vu au Théâtre du Rond-Point (qui a d’ailleurs fait jolie peau neuve à l’occasion du changement de direction)
Texte et mise en scène Emma Dante
Avec Italia Carroccio, Manuela Lo Sicco, Leonarda Saffi, Simone Zambelli
Lumière Cristian Zucaro
Photographies © Christophe Raynaud de Lage

Production et diffusion Aldo Miguel Grompone – Surtitrage Franco Vena – Traduction en français pour le surtitrage Juliane Regler
Production Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa, Atto Unico / Compagnia Sud Costa Occidentale, Teatro Biondo di Palermo – Avec le soutien de l’Institut culturel italien de Marseille

EmilieIncertiFormentini

Interview d’Emilie Incerti Formentini et Guillaume Vincent

Interview d’Emilie Incerti Formentini, comédienne et de Guillaume Vincent, auteur metteur en scène et comédien – 29 avril 2016

Leur spectacle Rendez-vous gare de l’Est est à l’affiche du Théâtre du Rond-Point jusqu’au 26 juin 2016 puis en tournée (dates ici)

“Nous n’aurions pas pu faire ce spectacle il y a dix ans… Ce spectacle est possible parce que je connais Emilie et parce qu’elle me connait.” – Guillaume Vincent

Huit ans déjà que le projet “Rendez-vous gare de l’Est” a débuté. Point de départ : une série d’interviews réalisées par Guillaume Vincent auprès d’une malade atteinte de schizophrénie. D’une matière de près de 200 pages, il a eu envie de créer un spectacle.
Et plutôt que de parler de la maladie, il a décidé de tracer le portrait de cette femme. De raconter son histoire. De nous installer dans son quotidien. De raconter les à-côtés, les petits riens de son existence.

D’une collaboration artistique très étroite entre l’auteur et la comédienne Emilie Incerti Formentini est né un texte fort, percutant, saisissant, inoubliable. Le fruit inconscient de leur propre rencontre et de nombreuses années de travail en commun.

“Rendez-vous gare de l’Est, je n’aurais pas pu le faire avec quelqu’un d’autre que Guillaume. C’est quelque chose de très fort entre Guillaume et moi” déclare Emilie.

170 dates de tournée à ce jour pour un spectacle débuté “en catimini” avec une lecture aux Bouffes du Nord – histoire de “valider cette envie de projet”. Après la création à la Comédie de Reims, le Festival d’Avignon fut sans doute le déclencheur d’un formidable bouche à oreille qui les fit voyager du TNS à la Criée, de Montréal au Théâtre du Nord de Lille, en passant par des lieux plus intimistes comme la Maison d’arrêt de Fresnes ou la cafétéria de l’hôpital psychiatrique de Sainte-Geneviève des Bois.

Lors de la présentation de saison 2016-2017 du Théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes prévenait que la saison actuelle n’était pas terminée et que la rencontre avec Emilie Incerti Formentini était “un moment exceptionnel à ne pas rater”. Car cette comédienne incroyable de sensibilité nous trouble, nous émeut, nous fait peur, rire, douter, espérer. Elle nous embarque en se livrant totalement et superbement. Qui ne l’a pas vue sur scène ne sait pas encore tout à fait ce qu’est une grande comédienne…

On la retrouvera bientôt dans Songes et Métamorphoses, un spectacle qui sera créé à la Comédie de Reims avant de s’installer à l’Odéon Théâtre de l’Europe. Spectacle qui n’est autre que la dernière création d’un certain… Guillaume Vincent !

Molieres 2016 buste or

Revue de presse du 25 mai 2016 : Les Molières 2016, Anna Karénine, Chapitres de la Chute et Nous sommes repus mais pas repentis

 

1.  Retour sur l’indigeste cérémonie des Molières 2016, et sur son palmarès plutôt bien équilibré :

– “La soirée a été longue, trop longue, enchaînant les sketches insignifiants et pas drôles du tout. De Natalie Dessay chantant sur des sonneries de téléphone à Marie Gillain mangeant des peaux mortes, rien ne nous a été épargné. On ne voit pas comment les téléspectateurs auront envie d’aller au théâtre ensuite. Seul vraiment moment féerique, la très belle séquence de 20 000 lieues sous les mers de Christian Hecq et Valérie Lesort qui reçoivent d’ailleurs le Molière de la création visuelle.”  Scene Web

– “Le grand favori de cette édition 2016, Joël Pommerat (en tournée en Chine et donc absent lors de la cérémonie sur France 2), a reçu pas moins de quatre Molières, celui du théâtre public, du metteur en scène et de l’auteur francophone de l’année pour sa fresque aux Amandiers de Nanterre Ça ira (1). Fin de Louis, remarquable mise en abîme des premiers temps de la Révolution Française. Il a également reçu le Molière du Jeune public pour Pinocchio présenté l’Odéon.” Les Echos

– “Catherine Frot a emporté le Molière de la meilleure comédienne dans un spectacle privé pour son rôle dans Fleur de Cactus mis en scène par Michel Fau. Elle réalise ainsi un doublé inédit, après son César décroché la même année pour Marguerite.” – Le Huffington Post

– “La surprise est venue du spectacle privé : la petite pièce créée au Festival d’Avignon Les Cavaliers, d’après le roman de Joseph Kessel, remporte le prix devant le grand succès de la saison parisienne Fleur de cactus. Et Alain Françon, rompu aux planches du théâtre subventionné, brouille les frontières en décrochant le molière du metteur en scène de théâtre privé pour Qui a peur de Virginia Woolf ?” – Le Point

– “Beaucoup de numéros, donnés sur le plateau ou filmés. Quelques moments d’anthologie, comme celui des ouvreuses avec Muriel Robin et Lutz lui-même sous une longue perruque de jeune fille. Alex Lutz, qui a tous les talents s’est dépensé sans compter dans une cascade d’apparitions drolatiques ou belles, mais un peu trop, un tout petit peu trop.” – Le Figaro

– “L’humoriste Alex Lutz qui présentait la soirée et qui avait carte blanche n’a pas été très inspiré : trop de mauvais sketches interminables ont rendu la soirée indigeste, sauvée par deux moments d’émotion : le Molière d’honneur remis à Fabrice Luchini par Michel Bouquet, les deux comédiens ont été longuement ovationnés par la salle.”  France Info

– “Les Molières sont aussi l’occasion de distinguer de jeunes comédiens, et la pêche a été particulièrement bonne cette année. Andréa Bescond, qui traite du thème douloureux de la pédophilie avec un talent éblouissant dans Les Chatouilles a reçu le Molière du Seul en scène et a aussitôt dédié son prix aux victimes d’agressions sexuelles.”  La Croix

“Ceux qui ne connaissent le théâtre qu’à travers cette morne fête n’ont certainement qu’une envie : ne jamais y mettre les pieds. Mais qui aura eu la force d’assister jusqu’au bout à un spectacle aussi assommant ?”  L’Obs

 

Anna Karénine affiche

2. Au Théâtre de la Tempête, Golshifteh Farahani incarne une sublime Anna Karénine dans la mise en scène de Gaëtan Vassart :

– “Cette adaptation au théâtre d’Anna Karénine, l’un des chefs-d’œuvre de la littérature russe du XIXe siècle, par le metteur en scène Gaëtan Vassar  vulgarise dans toute sa littéralité les passions qui la traversent et “boulevards” ce drame amoureux.” – Les Inrocks

– “A l’évidence, Golshifteh est une navigatrice du genre libre, à la fois simple avec les autres et exigeante avec elle-même lorsqu’elle mène des projets parallèle ici au théâtre dans un rôle fort, parfois aussi en musique au gré d’humeurs plus légères (elle est joueuse de hang). Une chose reste sûre, son Anna Karénine apparaît comme un nouvel accomplissement que la jeune comédienne doit en grande partie aussi à Gaëtan Vassart, le metteur en scène, qui a adapté le roman de Tolstoï en lui apportant des touches de modernité et de trivialité plaisantes, jamais vaines ni caricaturales.” – Le JDD

– “Il y a de très beaux passages comme les morceaux au piano, et surtout la scène de bal : la Valse à mille temps de Brel est virevoltante, et l’on a plaisir à voir comment, de regards en frôlements, éclat la passion entre Anna et Alexis Kirillovitch. D’autres scènes sont moins réussies et on regrette ça et là quelques longueurs.” – Reg’Arts

– “Même si le spectacle perd parfois en dynamique ou s’il peine à se sortir de la langue romanesque, il dégage du caractère, un plaisir à porter le propos très actuel de Tolstoï, et de l’amour pour la lumière sur les visages. Anna Karénine elle-même n’aurait pas voulu faire autre chose.” – Un fauteuil pour l’orchestre

– “Gaëtan Vassart n’a pas choisi l’actrice iranienne par hasard: son adaptation est centrée sur la question de l’émancipation des femmes, dont Golshifteh est un symbole en Iran. L’héroïne de Tolstoï, mariée et mère d’un garçon de six ans, lutte d’abord contre son amour pour un jeune officier avant de braver les conventions sociales.” – Interview de Golshifteh Farahani pour Le Figaro

 

chapitres-de-la-chute

3. Reprise au Rond-Point de Chapitres de la chute – Saga des Lehman Brothers spectacle-phare de 2013 couronné du prix de l’Association de la Critique :

– “Sans manichéisme, Chapitres de la chute dit la folie des hommes par-delà le bien et le mal, la responsabilité de chacun dans ces crises à répétition qui font trembler le monde. Malgré quelques longueurs et envolées superflues, l’ensemble est impressionnant de maîtrise (chapeau aux six comédiens à l’aise dans leurs rôles multiples) et de lisibilité.” – Les Echos

– “Avec une précision d’orfèvre, Arnaud Meunier porte à la scène l’excellent roman de Stefano Massini. Sans jamais tomber dans la caricature ni pointer du doigt un système voué à s’écrouler comme un château de cartes, il décrit les mécanismes d’une faillite mondiale avec une fluidité dont ferait bien de s’inspirer bon nombre de journaux économiques.” – Les5pièces

– “Six comédiens prennent en charge ce récit concocté par Stefano Massini, jeune auteur italien, qui à la manière d’un Paravidino les tient à la frontière de la narration et du jeu, entre personnages et conteurs, entre hier et aujourd’hui, dans une scénographie aux teintes grisâtres  qui contribue à instaurer cette atmosphère de rêve/cauchemar éveillé.”  La Terrasse

– “Un auteur et un metteur en scène dont les talents se complètent pour faire de ce morceau d’histoire une vraie saga, haletante et étourdissante...”  Les trois coups

– “Dans un cadre ludique, les acteurs (tous formidables car eux aussi en perpétuelle transformation) assument l’épaisseur de personnages hantés par l’ombre des anciens. Capitaines d’industrie finalement broyés par l’implacable mécanique qu’ils n’ont pas su freiner.” – Telerama

– “Cette pièce aborde l’histoire d’un empire économique sous l’angle humain, avec la sucess story d’une famille.” – Le coup de cœur de Christian Bauby sur France Inter

 

Nous sommes repus mais pas repentis affiche

4.  Metteure en scène, pianiste et comédienne, Séverine Chavrier porte à la scène l’écriture décapante de Thomas Bernhard avec Nous sommes repus mais pas repentis aux Ateliers Berthier :

– “Metteure en scène, pianiste et comédienne, Séverine Chavrier pratique un théâtre nourri des multiples facettes de sa personnalité : le corps, la musique, la vidéo, la parole. Toutes sont convoquées à ce Déjeuner chez Wittgenstein, ici librement agrémenté d’extraits d’autres œuvres : Le Naufragé, Maîtres anciens, Un Souffle, Mes Prix littéraires ou encore Des Arbres à abattre, dont elle a tiré ce qu’elle appelle plaisamment des monologues d’ontologie.” – Artistik Rezo

– “Ponctuée de projections de photographies et d’images d’archives, la mise en scène d’Hubert Colas est d’une justesse parfaite. Rigoureuse dans son minimalisme, délicate dans son épure. Dans l’espace intemporel et irréel du plateau, le texte résonne comme un chant profond.” – La Croix

– “A la frontière de l’illusion théâtrale et de la collision avec le réel, ce théâtre du ressassement peut s’avérer pénible par son outrance. Séverine Chavrier, Marie Bos (remarquable de finesse) et Laurent Papot (excellent !) impressionnent par leur engagement et la qualité de leur interprétation, qui interrogent la nature singulière de tout acte artistique dans notre monde.”  La Terrasse

– Du désespoir, de l’humour, de la poésie – absurde – animent ce jeu de massacre familial… le tout baigné de musique romantique, dont certains morceaux joués en live au piano par Chavrier. On est tour à tour charmé, amusé, effrayé, agacé par ce spectacle hypnotique… Dommage que l’action ne soit pas plus resserrée et le « patchwork » textuel, davantage soigné.”  Les Echos

– L’adaptation de Sévérine Chavrier est ambitieuse, sans doute trop. Poussant l’exagération à l’extrême, la soirée est saturée. Trop d’éclats, trop de bruits, le grotesque touche au sublime.”  Toute la Culture

– “On est chez l’Autrichien Thomas Bernhard, dont Séverine Chavrier maîtrise les fureurs et les mélancolies malgré quelques longueurs et excès dadaïstes. Une composition quasi musicale que ce spectacle en ombre et lumière flirtant avec les effrois du cinéma expressionniste. Il y a en effet de quoi avoir peur.” – Telerama

 

Revue de presse du 4 mai 2016 : La Dernière Bande, Pierre Ciseaux Papier et Pour que tu m’aimes encore

 

La dernière bande_affiche

 

1. Jacques Weber, sous la houlette de Peter Stein, délivre une Dernière Bande sombre et impressionnante. :

“La proposition qu’ont élaborée, à partir de La Dernière Bande, Peter Stein et Jacques Weber est de l’ordre d’un grand rendez-vous… la mise en scène de Peter Stein révèle l’essence même de l’œuvre de Samuel Beckett. Elle nous plonge dans un moment de théâtre bouleversant.” La Terrasse

“La tension constante qu’impose le metteur en scène – entre le présent et le passé, la voix vieille en live et la voix plus jeune enregistrée, la gestuelle burlesque de l’acteur et ses grognements de douleur – est remarquable. Jacques Weber est magistral, surhumain.” Les Echos

“Jacques Weber est impressionnant. Il puise profondément en lui-même les couleurs subtiles de cette tragédie minuscule où le grotesque le dispute aux inconsolables chagrins d’un vieil enfant. Superbe..” Figaroscope

“Une Dernière Bande maximaliste.” Le Monde

“Jacques Weber incarne avec une force colossale les états d’âme, autant que les états de corps, de Krapp. La mise en scène de Peter Stein [est] très respectueuse des indications de Beckett. Au-delà de l’aridité inhérente à la pièce, cette version de “La Dernière Bande” est un impressionnant moment de théâtre.” Froggy’s delight

“La force du texte procède aussi de sa poésie. La mise en scène épurée ficelle le tout de façon redoutable. D’un grand texte seul un grand comédien peut restituer l’esprit. Jacques Weber dépasse cette proposition car il ne restitue pas seulement, il saisit, il ne joue pas la comédie, il est Krapp.” Toute la culture

“N’est pas métaphysicien qui veut. Pourquoi le grand metteur en scène Peter Stein a-t-il si peu, si mal dirigé Jacques Weber ? Télérama

 

Pierre Ciseaux Papier-Affiche

2. Pierre Ciseaux Papier, de Clémence Weill, au Théâtre du Rond-Point étincèle ou irrite :

“Le texte de Clémence Weill est brillant, juste et percutant. Mais cet empilement de réflexions profondes est si dense qu’on est un peu frustré. il manque des espaces de respiration, de mise en situation…” Un fauteuil pour l’orchestre

“La jeune auteur Clémence Weill propose un univers original, patchwork d’inspirations puisées ça et là… elle a rencontré avec Laurent Brethome un metteur en scène finement complice. Dans une épuration élaborée, il sait traduire ce jeu complexe… Artistik Rezo

“Vif, mordant, rapide, mais avec quelques longueurs de texte. Le jeu des comédiens est formidable… La mise en scène est originale et surprenante.” Culture Tops

“Un texte insipide. Brethome commet la lourde et incompréhensible erreur de faire semblant d’une mise en scène où régnerait l’épure…” Toute la culture

“Un spectacle qui se veut brillant ? Laurent Brethome tente bien d’éclairer le propos, notamment en insistant sur les accessoires, clés de l’énigme, mais peine à sauver cette pièce bavarde, à la construction peu convaincante. Trop de pistes ! Heureusement, les interprètes, chevronnés, gardent le cap, soutiennent le rythme vif et enlevé d’une partition réglée au cordeau.” Les Trois Coups

 

Affiche Pour que tu m'aimes encore

3. Seule en scène dans Pour que tu m’aimes encore Elise Noiraud offre sourires et nostalgie avec son (auto-)portrait d’ado :

“La Vie aime : passionnément. Grâce à ses dialogues qui font mouche et son aisance remarquable à interpréter tous les personnages, l’actrice signe un spectacle universel où chacun pourra se reconnaître.” La Vie

“Charmant et drôle. Elle donne vie à une dizaine de protagonistes. Elle les croque d’un trait sûr. Avec esprit, malice et beaucoup de sincérité.” Figaro

“Coup de cœur : une pêche et une justesse réjouissantes.” Le Pélerin

“Étonnante et terrifiante relation mère-fille qu’Elise Noiraud croque avec une énergie dévastatrice et une folie douce… Forte et tellement blessée.” Télérama

“Avec énergie, humour et sensibilité, un plongeon jubilatoire dans l’adolescence.” Figaroscope

“Un récit presque documentaire qui ne manque pas d’humour, [qui] parle du sujet avec intelligence, sans jamais sombrer dans le girly ou l’humour potache.” Time Out

“Un seul en scène sensible et tendre. C’est une réussite. Le public de tout âge rit et s’enthousiasme .” Toute la culture

Revue de presse du 27 avril 2016 : Sur les cendres en avant, Bovary et Valentina-Tchernobyl

 

 

1. Sur les cendres en avant, la dernière création de Pierre Notte au Théâtre du Rond-Point est une comédie (en)chantée :

“La musique, signée également de l’auteur, est bonne, avec ses leitmotivs à la Michel Legrand, mâtinés de Kurt Weill et d’Astor Piazzolla. Le chant s’avère juste et vibrant, la mise en scène, astucieuse.” Les Echos

“Quand le texte est travaillé avec jeux de sonorités, de mots et d’esprit, il « prend », et c’est un bonheur.Télérama

“Une heure trente durant, les quatre comédiennes chantent. Chantent sans s’arrêter, respirant avec un naturel de grandes pros!LeFigaro

“Pierre Notte au sommet de sa forme, avec son talent de dialoguiste hors-pair et son humour décalé, a poli des perles de répliques, s’amusant de toutes les situations et faisant dire à ses personnages des phrases improbables et parfois même surréalistes.Froggy’sDelight

“Elles ont des vies de merde qu’elles subliment en les chantant. Les airs sonnent « comme un truc de Michel Legrand ». On a la sensation de tous les connaitre et pourtant ce n’est pas le cas.Toute la culture

“Avec ses personnages populaires, on pourrait se croire chez Jacques Demy et Michel Legrand, mais si on y chante, le ton et l’univers sont ceux de Pierre Notte, un peu fourre-tout, déjanté(…)JDD ***

– Interview de Pierre Notte pour La Terrasse

 

2. Jusqu’au 26 mai, le génie portugais Tiago Rodrigues occupe le Théâtre de la Bastille avec son spectacle Bovary :

– “Tiago Rodrigues signe « Bovary », hymne magnifique à une femme libre qui a failli valoir la censure à Flaubert.” Marianne

– “Rodrigues maîtrise avec naturel et fluidité ce chassé-croisé entre histoire, littérature et théâtre.” – Les Echos

– “Dans des lumières superbes de Nuno Meira, le plateau nu du théâtre se recouvre progressivement des feuilles arrachées au roman par les comédiens, placés devant ou derrières de grosses lentilles à effet loupe sur lesquelles viennent danser la lumière.” – Artistik Rezo

– “On n’a pas envie d’en dire plus : ce travail est ennuyeux, tourne à vide, loin du doute et du tremblement que devraient susciter  les questions soulevées, le sens se dilue, la pertinence se perd, le théâtre s’absente.” –  LeblogduFigaro

– “Comment rendre compte au théâtre du procès, de ces allers-retours incandescents avec le roman jusqu’à en effacer les frontières ? Tiago Rodrigues est un magicien et tout ce qu’il touche se transforme en or.” – L’Humanité

– “Même si Rodrigues et ses interprètes maitrisent habilement l’interaction et les allers et retours entre la littérature, le mythe d’Emma, Flaubert, son procès, on ne retrouve pas dans Bovary, pas toujours bien équilibré, au jeu parfois complaisant, la lumineuse simplicité de son précédent spectacle ni de Antoine et Cléopâtre, présenté au dernier Festival d’Avignon.” – JDD **

– C’est une exploration multidimensionnelle passionnante que nous proposent ici Tiago Rodrigues et ses interprètes.” – La Terrasse

 

3. Pièce librement inspirée de “La Supplication” de Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature 2015, Valentina-Tchernobyl est à découvrir à la Manufacture des Abbesses :

– “Sur la petite scène de la Manufacture, pas de décor : une lumière solaire baigne l’actrice en rouge et noir, qui délivre la parole incandescente de Valentina Timofeïevna Panassevitch. Le théâtre et la littérature confondus en une voix, pour abolir l’oubli et dire la victoire de l’amour.” – Les Echos

– “Le génie de ce spectacle est d’avoir su contrebalancer les visions effroyables des conséquences des radiations nucléaires sur un être humain par une dévotion amoureuse sans limite.” – Reg’Arts

– “Sans aucun pathos, avec une émotion retenue et lumineuse, la comédienne distille les informations réalistes sur la mort lente et horrible tout en faisant sans cesse entendre l’amour qui l’habite.” –  Telerama

– “Le récit mémoriel clair et limpide, mais extrêmement violent et bouleversant par cela-même, est porté avec sobriété et justesse par Coralie Emilion-Languille sous la direction de Laure Roussel.” – Froggy’sDelight

 

SurLesCendresEnAvant Pierre Notte

Sur les cendres en avant : la grande fête macabre de Pierre Notte

Sur les cendres en avant – Spectacle vu le 20 avril 2016
A l’affiche du Théâtre du Rond-Point jusqu’au 14 mai 2016
Texte, musique et mise en scène : Pierre Notte
Avec : Juliette Coulon, Blanche Leleu, Chloé Olivères, Elsa Rozenknop
Au piano : Donia Berriri

Une grande fête macabre et joyeuse sur la question du voisinage”C’est en ces termes que Pierre Notte résume son dernier spectacle.

En cette fin avril 2016, à l’heure où Paris est gris, triste et froid, il est un endroit où se ressourcer et reprendre espoir. Oublier ses tracas le temps d’une parenthèse (en)-chantée… Rendez-vous au Théâtre du Rond-Point, salle Jean Tardieu. Ne soyez pas effrayé par les gravats et décombres qui jonchent la partie droite de la scène. De ces débris, de ces ruines, de ces cendres naîtront des trésors.

Pour raconter un drame de voisinage, Pierre Notte convie sur scène quatre femmes plus ou moins cabossées par la vie. D’abord, il y a Mademoiselle Rose, celle qui reste assise au milieu de ses meubles calcinés. Celle qui n’a que ses jumeaux à la bouche, mais de jumeaux point de trace. Celle qui feint d’ignorer que la cloison a brûlé. Parce qu’elle serait contrainte d’adresser la parole à sa prostituée de voisine. Il y a donc aussi Macha, la putain, qui n’a trouvé d’autre moyen pour subvenir aux besoins de sa sœur Nina. Nina, l’adolescente rebelle en mal de figure paternelle. Nina qui cherche de façon quasi obsessionnelle son épluche-légumes. Nina qui veut de jolies jambes fines de danseuse.
Et puis, surgie sans crier gare et armée jusqu’aux dents, il y a cette femme trompée, jalouse, prête à tout pour sauver son honneur et récupérer son homme.

 

Sur les cendres en avant_2
© Giovanni Cittadini Cesi

Comment ces quatre destins brisés, désespérés parviendront-ils à former un quatuor aussi harmonieux ?
Simplement, l’air de rien, sur des airs spontanés et faciles.
En chansons, en ritournelles, en rengaines et leïtmotivs.
Naturellement, grâce à la poésie instinctive de Pierre Notte qui a su créer cet objet théâtral drôle, tendre, grinçant, léger, pétillant et joliment optimiste.

Au Rond-Point, jusqu’au 14 mai ce ne sont pas les cendres qui vous réchaufferont le coeur, mais les airs d’une truculente comédie de voisinage :

1 – Pierre Notte souhaitait contrebalancer l’aspect très simple et quotidien de l’écriture par la musique et la chanson : pari gagné !
2 – Les quatre comédiennes sont toujours justes, le chant n’altérant pas leur jeu : challenge relevé !
3 – Au final, on sort léger, optimiste, joyeux et réchauffé : soirée gagnée !