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Piano contre Violoncelle, un duel opus 2 énergisant

Quinze ans qu’ils se connaissent. Près de sept ans qu’ils tournent dans le monde entier ce deuxième opus de leur duel musical. L’un est massif, corpulent, grosse voix : on l’imagine “grande gueule” dans la vie. L’autre est plus petit, plus discret ; il nous semble “plus faible”, à nous public. Ce type de duos a toujours fonctionné, jouant sur la différence et la confrontation entre deux univers. Le fameux duel prend une forme qui n’a toutefois jamais été proposée. Les deux compères ne sont pas clown blanc et auguste. Pas non plus Laurel et Hardy. Ni François Pignon et Campana. Ils sont un violoncelliste virtuose et un pianiste prodige. Grâce à leurs instruments, en plus de nous faire rire aux larmes, ils vont nous faire voyager à travers un répertoire sensationnel.

Nul besoin d’être féru de classique ou fidèle auditeur de France musique pour apprécier ce spectacle. Il suffit de se laisser porter, de s’amuser à les voir reprendre des standards, d’applaudir la performance de chacun de leurs gestes, de s’émerveiller devant tant de talent. Incroyable, prodigieux ce qu’ils font avec leurs instruments. Délirante, inouïe, stupéfiante leur faculté à inventer de nouveaux sons, grâce à des accessoires plus ou moins traditionnels.

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Deux individus en queues de pie s’installent pour quelques semaines au Théâtre du Palais-Royal.  Concert ? Théâtre ? Duo comique ? Tout cela à la fois et bien plus encore, foncez-y !

En sortant du Théâtre du Palais-Royal on est forcément guilleret, et l’on comprend pourquoi ce Duel est en passe de faire le tour du monde. Parce qu’il s’agit d’un spectacle universel. Pour les jeunes, les moins jeunes, et même les très très jeunes. Parce que la musique est un langage accessible à tous. Parce que le rire est à la portée de quiconque. Et parce que finalement, les occasions de rire en musique ne sont pas si fréquentes.

Ils ont beau avoir créé leur spectacle en France, ils n’y sont pas si souvent, il faut donc profiter de cette escale pour aller découvrir ou revoir ce formidable duo  :

1 – L’occasion de rencontrer deux fabuleux musiciens, deux maestros débordant d’énergie communicative.
2 – Un spectacle qui plaira autant aux amateurs de musique classique qu’aux fans de Lou Reed.
3 – Une idée de sortie en famille, tant il est vrai que la magie opère sur les petits et les grands.

Duel Opus 2 – Spectacle vu le 5 février 2016
A l’affiche du Théâtre du Palais-Royal jusqu’au 15 avril 2016
Interprètes : Laurent Cirade et Paul Staïcu
Mise en scène : Agnès Boury

Revue de presse du 17 février : Cyrano de Bergerac, La Rivière et un diptyque Tchekhov

 

 

1. La reprise de l’excellent Cyrano mis en scène par Dominique Pitoiset avec Philippe Torreton, c’est au Théâtre de la Porte Saint-Martin et c’est à ne louper sous aucun prétexte :

– “Créé en 2013 au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, le spectacle surprend avec son Cyrano crâne rasé, bipolaire à la limite pathologique.” – Le JDD

– “Sur scène, Philippe Torreton possède un corps, une présence, un phrasé impeccable qui permet aux spectateurs de comprendre le moindre murmure, du premier au dernier rang. Il est une bête de scène.” – RTL

– “Le comédien se métamorphose sur les planches pour rentrer dans la peau du mythique personnage créé par Edmond Rostand. La mise en scène de ce Cyrano de Bergerac est très originale.” – France TV Info

– “Dominique Pitoiset, le metteur en scène, transpose la pièce de Rostand dans un hôpital psychiatrique d’aujourd’hui, où le Cyrano de Philippe Torreton est un homme qui s’imagine qu’il a été Cyrano. C’est puissamment mélancolique, profondément sensible, magistralement joué.” – Le Monde

– “On est surtout emporté par la sincérité et le panache de Philippe Torreton, totalement investi dans son personnage. Il est exceptionnel.” – Le Parisien

– En situant la scène dans la salle de jour d’un hôpital psychiatrique, Dominique Pitoiset opère une mise en abîme de ce classique tant rebattu et lui donne un éclat nouveau, vif et cinglant.” – La Terrasse

– Interview de Philippe Torreton pour France Inter

 

2. A la Comédie des Champs-Elysées, Jérémie Lippmann met en scène La Rivière avec Nicolas Briançon et Emma de Caunes… sans convaincre :

– “Mais d’où sort donc cette pièce incompréhensible et prétendument mystérieuse, poétique, voire fantasmatique, dans ses décors piètrement oniriques…” – Telerama

– “Jérémie Lippmann met beaucoup d’énergie dans sa mise en scène. Mais, pris au piège du naturalisme, il ne parvient pas à créer suffisamment de mystère et de tension.” – Les Echos

– “La mise en scène bucolique et sauvage de Jeremie Lippmann enchante le public, en faisant notamment appelle à la vidéo projection.” – RTL

– “Jérémie Lippmann a eu un coup de cœur à New-York lorsqu’il a vu Hugh Jackman. La version française a peut-être perdu de sa poésie en traversant l’Atlantique.” – Scene Web

– Interview d’Emma de Caunes pour France TV Info

 

3. Maëlle Poésy pousse la porte de la Comédie-Française avec un diptyque de Tchekhov, Le Chant du cygne et l’Ours :

– “La jeune metteuse en scène met en regard deux petits vaudevilles tchekhoviens qui ravissent par leur férocité comique.” – La Terrasse

– “L’Ours – la plus comique des deux – est d’ailleurs celle qu’on a le plus de plaisir à voir : celle où le duo Julie Sicard/Benjamin Lavernhe nous convainc.” – Telerama

– “A un microdrame (les derniers feux d’un comédien has been qui dialogue la nuit avec le souffleur) succède sans temps mort une micromédie (le coup de foudre entre une jeune veuve inconsolable et son créancier énervé), le tout en une heure chrono.” – Les Echos

– “Deux pièces rarement jouée et rarement vues ensemble, qui fonctionnent assez bien dans leurs contrastes.” – Toute la Culture

– “Qu’il est beau qu’une jeune femme d’aujourd’hui ouvre son premier spectacle à la Comédie-Française par cet hommage au théâtre si délicat, si déchirant qu’est Le Chant du cygne” – Le Monde

– “Curieusement, c’est par ces deux petits bijoux que le grand Tchekhov est entré par la petite porte à Comédie-Française, en 1944 et 1945.” – Le Parisien

– “Maëlle Poésy donne vie à la phrase, à l’espace, à la durée, à l’acteur et aux émotions.” – France Culture

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Interview d’Elodie Navarre

Interview d’Elodie Navarre, Comédienne – 23 janvier 2016
A l’affiche du Studio Théâtre des Champs-Elysées, dans la pièce de Tom Kempisky Encore une histoire d’amour 

 

Une comédienne qui va beaucoup au théâtre, qui se nourrit de la scène, quitte à traverser la Manche pour aller applaudir son auteur préféré à Londres

Elle n’est point de celles qui se répandent sur scène, et croient qu’elles impressionnent parce qu’elles débordent. Elodie Navarre joue avec son cerveau autant qu’avec son corps, alors qu’elle pourrait négliger le premier en abusant du second». C’est ainsi que Christophe Barbier décrit Elodie Navarre dans son Dictionnaire amoureux du Théâtre. Ce qui frappe également chez cette comédienne : son allure juvénile, sa grâce naturelle, sa candeur et sa générosité. On la croirait à peine sortie de l’adolescence alors qu’elle a près de vingt ans de carrière derrière elle. Inscrite au Conservatoire dès la sortie du Lycée, elle a la chance d’être repérée par Gildas Bourdet qui monte Les Fausses confidences au Théâtre de la Criée à Marseille. D’autres rencontres “lui mettent le pied à l’étrier” comme elle dit. Ladislas Chollat lui offre Médée de Anouilh, Jérémie Lippmann l’embarque dans le succès de Chien-Chien, Gérald Sybleras lui fait partager l’affiche avec Stéphane Freiss dans Une Comédie romantique. Florian Zeller, Stéphane Hillel, Christophe Lidon, Michel Fagadau…ils sont nombreux à lui faire confiance. Et à lui rester fidèles, à l’instar de Ladislas Chollat qui a pensé à elle pour la création de sa nouvelle pièce, actuellement à l’affiche du Studio Théâtre des Champs-Elysées. Une histoire d’amour entre deux êtres cabossés par la vie, deux handicapés, deux névrosés qui petit à petit vont s’apprivoiser…

 

Reprise du Tartuffe de Luc Bondy à l’Odéon Théâtre de l’Europe

Le plateau des Ateliers Berthier façon échiquier géant nous invite à une partie où tous les coups sont permis. Que d’énergie dans ce spectacle, de plaisir, de sensations, de beauté, de subtilité, d’intelligence, d’efficacité, de trouvailles. Ce qui passionnait Luc Bondy dans Tartuffe, c’est l’histoire de famille que raconte la pièce – “parce qu’elle fournit un modèle de toute une société”. Et quelle famille que celle d’Orgon ! À commencer par lui, ce maître de maison qui ne l’est plus du tout, un être influençable, malléable, manipulable. En adoration totale devant celui qui l’a “tartuffié”.

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© Thierry Depagne

Les histoires de famille finissent mal en général, mais pas toujours…

Autour d’un formidable Samuel Labarthe, tous semblent en souffrance. Son épouse Elmire – flamboyante Audrey Fleurot qui reprend le rôle créé par Clotilde Hesme – délaissée, négligée, abandonnée… Sa fille Marianne – la prometteuse Victoire du Bois qui fut une magnifique Sacha, dans l’Ivanov de Luc Bondy – introvertie, timide, gauche, mal dans sa peau, éperdue d’amour et promise à un autre. Son fils Damis, – irrésistible Pierre Yvon – impétueux et prêt à en découdre avec la monstruosité, l’ignominie qui rôdent dans la demeure. Son frère, peut-être le plus raisonnable de tous, et sa mère, encore plus entichée de Tartuffe représentent les deux extrêmes de cette cellule familiale moribonde.

Pour faire éclater ce noyau familial, pour en dénouer les liens un à un, Luc Bondy avait eu cette idée géniale de faire appel à Micha Lescot. Longiligne en dépit d’une fausse bedaine, dégingandé, svelte et voûté, agile et souple, il apparaît brusquement, il est là sans qu’on l’ait vu arriver. Malsain à souhait, obséquieux, inquiétant, dérangeant, louche, menaçant, terrifiant. Evoquant une sorte de créature mi-insecte, mi-lombric. Toutes ses scènes sont glaçantes, même si certaines nous font rire, comme celle où il s’en prend à Damis. Pas de doute, Luc Bondy nous a légué ici une mise en scène mémorable, et pleine de vie…

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Jean Giraudoux déclarait que “la plupart des pièces que nous considérons comme des chefs d’oeuvre tragiques ne sont que des débats et des querelles de famille” :

1 – C’est bien sous cet angle que Luc Bondy avait abordé l’une des plus belles pièces de Molière.
2 – La distribution qui n’est pas celle d’origine est encore plus percutante, notamment grâce au talent de Samuel Labarthe.
3 – Sur le plateau, on assiste à une histoire parallèle : celle d’une troupe de comédiens devenus orphelins, qui chaque soir rend hommage à un immense artiste.

Tartuffe – Spectacle vu le 28 janvier 2016 aux Ateliers Berthier
A l’affiche de l’Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’au 25 mars 2016
Mise en scène : Luc Bondy

 

Revue du presse du 10 février 2016 : Les derniers jours de l’humanité, Revenez demain et La Nuit des Rois

 

1. Au Vieux-Colombier, David Lescot propose une mise en scène de la pièce de Karl Krauss, Les derniers jours de l’humanité :

– “David Lescot, qui aime croiser les genres, a réalisé un spectacle en forme de caf’ donc  associant texte, dialogues, chansons et images d’archives.” – Le JDD

– “Deux heures denses, intenses, ramenant, par l’effet d’un montage extraordinairement tricoté, à l’essence de l’œuvre.” – La Croix

– “Ça tient du cabaret et du music-hall. C’est burlesque et pathétique à la fois. Magnifique.” – Telerama

– “Sylvia Bergé, Bruno Raffaelli et Pauline Clément (nouvelle pensionnaire du Français) en plus de jouer différents personnages, chantent avec talent aux côtés de Denis Podalydès.” – France TV Info

– “Trop d’images d’archives, une gestuelle de café-concert un brin stéréotypée à la longue, un rythme un peu lâche… le spectacle ne décolle pas.” – Les Echos

– Une allégresse et un humour indéniables s’offrent aux spectateurs mais tout semble complaisant, peu inventif, moins incisif encore.” – Toute la Culture

– Interview de David Lescot et Denis Podalydès pour Le Monde

 

2. Au Rond-Point, Laurent Fréchuret explore les relations de couple dans Revenez demain :

– “Sous la direction de Laurent Fréchuret, Marianne Basler et Gilles Cohen investissent les mystères de la liberté individuelle quand on est deux.” – La Terrasse

– “Laurent Fréchuret trace les grandes lignes de failles, laisse flotter au milieu du plateau une frontière invisible, codifie le face à face, installe chacun dans son rôle social et sexuel.” – Un fauteuil pour l’orchestre

– “La mise en scène de Laurent Fréchuret est précise. Marianne Basler suit le fil avec brio, entre fragilité et force.” – Telerama

– “Par une voie très intellectualisée, Blandine Costaz réussit à démontrer que dans ce duel inégal, Marianne Basler joue sa peau à pile et face.” – Froggy’s Delight

– Leur jeu est remarquable et s’inscrit dans une partition aussi subtile qu’insolite, que la mise en scène de Laurent Fréchuret sert avec vigueur.” – Reg’Arts

 

3. Après le Théâtre des Quartiers d’Ivry la saison dernière, c’est à présent à La Tempête que Clément Poirée fait résonner les accents burlesques de sa mise en scène de La Nuit des Rois :

– “Formé à l’école de la Tempête et de Philippe Adrien, Clément Poirée réussit le parfait dosage entre humour et poésie, pour raconter cette histoire d’amours folles et de travestissements dans le pays imaginaire d’Illyrie.” – Les Echos

– “Les interprètes (pour beaucoup excellents) n’ont rien à se reprocher. Sans leur efficacité comique, sans leur indéniable générosité, cette Nuit des Rois se révèlerait sans doute indigeste.” – La Terrasse

– “Musique et sons, verbe et notes règnent étrangement dans cette tragi-comédie où Clément Poirée multiplie aussi les clins d’oeil potaches.” – Telerama

– “L’univers déployé ici par le metteur en scène s’inspire du 7ème art du début du XXème siècle. Les scènes sont construites comme des courts-métrages, certaines dignes des Marx Brothers, d’autres de Laurel et Hardy.” – Reg’Arts

 

Christian Benedetti_Portrait

Interview de Christian Benedetti

Interview de Christian Benedetti, metteur en scène et comédien, directeur du Théâtre-Studio d’Alfortville
Au sujet de son dernier spectacle, La Cerisaie à découvrir jusqu’au 14 février 2016 au Théâtre du Soleil – Cartoucherie de Vincennes (Lire l’article en ligne)

“La Cerisaie est une pièce de troupe sur la temporalité, pièce chorale à la choralité dynamité, joyeux bordel qu’il faut arriver à décrypter, collisions saisies au hasard. Une pièce qui met en scène des espaces d’incompréhension”

On ne présente plus Christian Benedetti. Sa biographie est impressionnante. Metteur en scène et comédien de renom, enseignant dans plusieurs écoles de théâtre françaises et européennes, créateur et directeur depuis près de vingt ans du Théâtre-Studio d’Alfortville. Certaines rencontres ont coloré son parcours : Antoine Vitez, Anatoli Vassiliev, Marcel Bluwal, Aurélien Recoing, Sylvain Creuzevault, Edward Bond, Sarah Kane. A cette liste d’amis artistes, on serait tenté d’ajouter… Anton Tchekhov. Tellement il semble proche de lui. A force de côtoyer le génie, il s’est lancé dans un pari aussi fou que jubilatoire de monter l’intégralité de son œuvre.

Après avoir mis en scène la Mouette, Oncle Vania et les Trois Sœurs, après avoir présenté la trilogie dans la continuité – au Théâtre de la Criée à Marseille puis dans son Théâtre d’Alfvortville – il poursuit avec la Cerisaie. Le résultat est à la hauteur de nos attentes. . C’est sans doute parce qu’il accepte ces espaces d’incompréhension qu’il nous ouvre aussi largement la pensée de l’auteur. Créant lui-même des espaces essentiels pour tout spectateur fan de Tchekhov !…

 

Marie-Sophie Ferdane_portrait

Interview de Marie-Sophie Ferdane

Interview de Marie-Sophie Ferdane, comédienne 
A l’affiche de la nouvelle création de Pascal Rambert, Argument à découvrir jusqu’au 13 février 2016 au Théâtre de Gennevilliers – Lire l’article en ligne

 

Il est rare qu’un auteur de théâtre écrive pour des comédiens… Pascal Rambert l’a fait pour Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux. Rencontre avec la belle Annabelle.

Pascal Rambert qui leur a offert ce merveilleux cadeau dit avoir écrit pour leurs corps : “la bouche de Marie-Sophie Ferdane et la façon de bouger de Laurent Poitrenaux. Leurs corps m’ont envoyé des messages, m’ont renvoyé à une autre époque”.
De cette bouche sort une voix chaude, envoûtante, cristalline et rauque, limpide et grave, musicale à souhait. C’est fou ce que cette comédienne d’exception peut faire avec sa voix. Sur la scène du T2G, elle hurle, gémit, supplie, susurre, fulmine, harangue, implore… et parle comme ses livres.
En composant pour elle le personnage d’Annabelle, Pascal Rambert savait-il à quel point les romans font partie de la vie de Marie-Sophie ? Contrairement à Annabelle, elle a eu la chance de ne pas être entravée dans cet amour des mots. Agrégée de littérature, elle se découvre à l’Ecole Normale Supérieure une passion pour le théâtre, passion qui la guide depuis bientôt vingt ans. De son entrée à l’ENSATT en 1997 à sa performance sur la scène du T2G, elle a enchaîné les rôles et les projets avec les plus grands metteurs en scène : Richard Brunel, Christian Schiaretti, Claudia Stavisky, Jean-Louis Martinelli, Laurent Pelly, Arthur Nauzyciel, Christian Benedetti… De la Célimène de Lukas Hemleb à l’Olga Sergueïevna de Volodia Serre, elle fut pensionnaire de la Comédie-Française entre 2007 et 2013.

C’est par passion aussi qu’elle a mis en scène quatre pièces de Sarah Fourage. Et même si elle déclare “le théâtre c’est ma vie”, elle a tourné récemment dans Les Heures souterraines de Philippe Harel. Ce passage des planches à la pellicule lui a valu le prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Luchon.
Une fois quittée la lande de Gennevilliers, et en attendant la reprise d’Argument la saison prochaine, on pourra la retrouver sur la tournée de Vanishing Point de Marc Lainé et dans la prochaine mise en scène du Songe d’une nuit d’été de Laurent Pelly.
Quelle chance, quel bienfait que Marie-Sophie soit née à une époque et dans un pays où elle peut vivre sa passion en plein jour.
Et nous la faire partager…

 

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Interview de Jean Robert-Charrier

Interview de Jean Robert-Charrier, directeur du Théâtre de la Porte Saint-Martin et du Théâtre du Petit-Saint Martin

 

Le benjamin des directeurs de théâtre parisiens n’a pas fini de nous surprendre et c’est tant mieux!

Avec un brin d’auto-dérision qui dénote d’une humilité plutôt rare dans le métier, il se compare à une “midinette”. Capable de s’émerveiller face à la beauté du monde et de ressentir plusieurs coups de cœur dans une même journée. Coups de cœur pour des comédiens, des auteurs, des metteurs en scène, des spectacles… Car depuis 7 ans qu’il dirige le Théâtre de la Porte Saint-Martin, son quotidien est empli de rencontres, projets, prises de risques, négociations, déceptions, discussions, paris… tous en lien avec les planches. Une forme de boulimie de travail, beaucoup de ténacité, une bonne dose de sang-froid, une sorte de flair, d’intuition, une perpétuelle remise en cause, une réelle et sincère empathie, une ouverture et curiosité d’esprit – autant de traits de personnalité qui ne sont pas étrangers à sa fulgurante ascension.

Rappelons que ce jeune Tourangeau est “monté à la capitale” pour y entreprendre des études de théâtre. Après une sorte de révélation qu’aurait provoquée chez lui un certain… Laurent Terzieff ! Afin de payer son cursus – qu’il abandonnera rapidement, privilégiant la pratique à la théorie – il travaille comme ouvreur au Théâtre de la Porte-Saint Martin. Il a 20 ans et s’il ne se doute pas qu’il prendra la direction du théâtre en question 5 ans plus tard, il fait tout pour. Depuis, il trace un parcours sans faute, dans un souci de qualité et de professionnalisme qui sont peut-être la seule ligne de programmation clairement identifiable de son lieu. Ou plus exactement de ses lieux, car il est aussi à la tête du théâtre du Petit Saint-Martin et dirigeait le théâtre de la Madeleine jusqu’à fin 2015.

Le Songe d’une nuit d’été mis en scène par Nicolas Briançon, c’est lui. La Beauté recherche et développements, bijou de spectacle écrit par Florence Muller et Eric Verdun, c’est lui. Le succès de la Cage aux folles avec Christian Clavier et Didier Bourdon, c’est lui. Le Roi Lear avec Michel Aumont à la Madeleine, c’est lui. L’adaptation française de Constellations, la pièce de Nick Payne qui connut un énorme succès à Londres, c’est lui. La main tendue au théâtre subventionné, c’est encore lui – il accueille d’ici quelques jours la fascinante mise en scène de Cyrano de Bergerac par Dominique Pitoiset. L’auteur de deux pièces de boulevard à succès (Divina et Nelson) c’est lui aussi…

On l’aura compris, midinette ne rime pas, chez lui, avec naïveté, nonchalance ou insouciance. Et lorsqu’il déclare que les attentats l’ont marqué au point de vouloir “aller encore plus vite, encore plus loin”, forcément, on a envie de continuer à le suivre…

Revue de presse du 27 janvier 2016 : Kings of War, Argument et Bettencourt Boulevard

 

1. L’un des événements de ce début d’année, c’est sans doute le “Kings of War” d’Ivo van Hove à Chaillot :

– Le plus inventif des metteurs en scène s’empare de cinq pièces de Shakespeare pour un spectacle événement à Chaillot.” – Paris Match

– “Kings of war est un bon cru du grand entrepreneur de spectacles. Comme souvent, il cherche à y analyser les fondements du pouvoir, de tout pouvoir.” – Telerama

– “Kings of War est ainsi sous-tendu de bout en bout par une inflexion nerveuse qui confère à l’ensemble l’intensité dramatique d’une série télé.” – Liberation

Kings of War est une réflexion brillante, souvent ironique et parfois un peu trop dense sur l’exercice du pouvoir et son corollaire, faire la guerre ou pas.” – France TV Info

– Interview d’Ivo van Hove pour La Terrasse

 

2. Pascal Rambert propose sa nouvelle création au T2G, “Argument”, un texte magnifique porté par deux immenses comédiens :

– Tout ici subjugue et déroute : le décor crépusculaire de Daniel Jeanneteau fait de rideaux d’eau, de fumées blanches et de clair-obscur ; le texte poétique et politique du dramaturge ; le jeu intense de deux comédiens d’exception, Laurent Poitrenaux et Marie-Sophie Ferdane.” – Les Echos

– “La joute verbale prend des airs de conte gothique, parce que la pluie tombe sur la lande où se situe une partie du récit, et que les lumières magnifiques d’Yves Godin, complice habituel du dramaturge, composent la blancheur d’un linceul...” – Telerama

– “On se retrouve ainsi dans l’affrontement de deux êtres qu’affectionne particulièrement Pascal Rambert.” – Marianne

– La puissance du jeu des deux comédiens, dans cet entrelacs de cris et de chuchotements, comme le dépouillement du dispositif, incarnent dans une sorte de corps oniriques cette folle révolte.” – Mag’Centre

– En propulsant au temps de la Commune la crise conjugale entre un bourgeois conservateur et sa femme sensible aux idées socialistes, Pascal Rambert fait de l’amour une donnée fondamentalement politique.” – Les Inrocks

– Interview de Pascal Rambert pour France Inter

 

3. “Bettencourt Boulevard”, la pièce de Michel Vinaver mise en scène par Christian Schiaretti débarque à la Colline :

– La vie est un théâtre et cette affaire Bettencourt, où telle la star Gloria Swanson au crépuscule de sa vie dans Sunset Boulevard, la “star” Liliane fait son grand numéro, même sans le vouloir, fait partie de notre patrimoine.” – Le Point

– “Pas de dénonciation, mais la mise en perspective d’une affaire qui pourrait prendre la valeur d’un mythe de notre époque.” – Le Monde

– “Le spectacle pourrait en être insupportable, sans l’écriture de Vinaver extraordinairement éclatée, bousculant les temps, enchevêtrant les dialogues et les situations.” – La Croix

– Les personnages portent leurs noms réels, et leur interprétation n’hésite pas non plus à se rapprocher du réel par la voix ou les manières.” – La Terrasse

– On est bluffés de tant d’intelligence allègre. D’autant que jamais Vinaver ne juge ses drôles de protagonistes.” – Telerama

– Interview de Christian Schiaretti pour Les trois coups

Marie-Sophie Ferdane Nathan Aznar Argument

Argument, le nouvel enchantement de Pascal Rambert

Le nouveau spectacle de Pascal Rambert est hypnotique.
Hypnotique est la langue, si belle, de ce saisissant auteur. Une langue touffue, moderne, raffinée, tourmentée, travaillée… purement théâtrale.
Hypnotiques sont les deux comédiens qui incarnent ces mots. Deux immenses comédiens : Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux. Tels des Stradivarius, ils nous dévoilent l’étendue inouïe de leur palette et nous font vivre des émotions rares. Hypnotiques sont leurs voix, leurs corps, leur alchimie dans l’affrontement. Car le spectacle nous parle d’amour, de passion dévorante, mais surtout de jalousie destructrice et meurtrière. Un couple se heurte, se nuit, se détruit, s’injurie, se malmène, s’abomine sous les yeux fous d’un enfant.

Laurent Poireaux Argument
© Marc Domage
Hypnotique la présence quasi irréelle de cet enfant, le leur, leur fils – fantôme ? fantasme ? désir ?
Hypnotiques les deux scènes finales, ces deux monologues ahurissants, comme en écho à la Clôture de l’Amour. Les sanglots de Laurent Poitrenaux qui font surgir nos larmes. Le poing tendu de Marie-Sophie Ferdane qui nous pousse à la révolte et à l’insoumission.
Hypnotique la scénographie, la lumière ténébreuse, le déluge, cette lande quasi hostile sur laquelle Pascal Rambert nous projette violemment.
Hypnotique l’enchaînement de sons plus ou moins perceptibles : gazouillis, ruissellement, tempête, coups de clairons, de fusils, de cloche…
Hypnotique la voix exceptionnelle, chaude et bouleversante de Denis Podalydès qui ponctue chacun des actes.
Au final, on sort hagards, sonnés, éberlués. Persuadés et reconnaissants d’avoir vécu un grand moment de théâtre.

Marie-Sophie Ferdane Nathan Aznar Laurent Poireaux Argument

Poursuivant et enrichissant son œuvre contemporaine, Pascal Rambert nous mène encore plus loin :

1 – Il a choisi le duo Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux pour leurs corps, eux ont accepté pour sa langue ; le résultat est à la fois charnel et spirituel.
2 – Imperceptiblement, le trio qu’ils forment avec leur mystérieux enfant nous renvoie à nos propres démons, doutes et angoisses.
3 – Un spectacle que l’on garde en mémoire, qui nous rattrape et nous hante, qui sort de scène, à l’image d’Anabelle échappée de son tombeau.

De la langue si caractéristique de Pascal Rambert à la lande d’Anabelle et Louis : la promesse d’un saisissant voyage…

Argument – Spectacle vu le 6 janvier 2016 au CDN d’Orléans
A l’affiche du Théâtre de Gennevilliers (T2G) jusqu’au 13 février 2016 (puis en tournée)
Texte et mise en scène : Pascal Rambert